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Installés en France depuis trois mois, des réfugiés syriens renvoyés en Allemagne

Une famille chrétienne originaire de Syrie est sous le coup d'un arrêté d'expulsion, après avoir demandé, à son insu, une demande d'asile outre-Rhin. 

Article rédigé par Catherine Fournier
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Au premier plan à gauche, Andira et Georges, leurs filles Anji (avec le béret rouge) et Rita (avec le pull rayé), à Précigné (Sarthe), le 5 novembre 2015. (DR)

Depuis une semaine, la famille Tabara-Rizk vit dans l'angoisse. Vendredi 22 janvier, ces réfugiés syriens, installés en France depuis le mois de novembre, se sont vu notifier leur renvoi en Allemagne par la préfecture de la Sarthe. Andira et Georges Rizk, 47 ans, et leurs filles Rita et Anji, 15 et 11 ans, ont transité par ce pays avant de rejoindre le reste de leur famille dans la petite ville sarthoise de Précigné, 3 000 habitants.

Selon le président du comité d'accueil, Hugues Morel, le couple a été contraint de faire une demande d'asile outre-Rhin, sans le savoir.

A leur arrivée en Allemagne, ils ont été séparés de leurs proches et retenus deux jours, pendant lesquels on leur a demandé d'apposer leurs empreintes et de signer des documents. Sauf qu'ils ne comprenaient pas l'allemand...

Hugues Morel, président du comité d'accueil

à francetv info

Une telle démarche de la part des autorités allemandes, confrontées à un afflux de réfugiés sans précédent (plus d'un million en 2015), a de quoi surprendre. D'autant que les réfugiés qui souhaitent résider en France se font plutôt rares. Selon Le Monde, seuls 62 réfugiés ont été "relocalisés" en France sur les 30 000 promis par la France depuis le mois de septembre. "Peut-être que l'Allemagne a besoin de menuisiers ? C'est le métier de Georges", suggère le président du comité d'accueil, choqué par cette façon de "trier les migrants selon les besoins d'un pays"

Le reste de la famille, qui a émigré fin 2015, est constitué de femmes : Wazira Tabara, la grand-mère, âgée de 69 ans, Lidia, son autre fille, 53 ans, et ses deux petites filles, Sali, 18 ans et Natali, 11 ans.

Des chrétiens qui ont fui l'Etat islamique

Les Tabara-Rizk sont des chrétiens originaires du village de Sama, près de Damas. Ils ont fui la guerre et l'Etat islamique. Des quatre sœurs de la famille, l'une, Eman, habite Tiercé, près d'Angers, depuis deux ans. Suha est la première à la rejoindre en septembre dernier. Le reste de la tribu prend la route de l'exode en octobre, et entame un long périple, raconté par les Nouvelles de Sablé : le Liban, la Turquie, le bateau jusqu'à la Grèce, la Macédoine, la Serbie, la Croatie, la Slovénie, l'Autriche puis l'Allemagne.

Là, la moitié du groupe est autorisée à rejoindre la France. Georges, Andira et leurs filles sont transportés dans un camp de transit, où ils se font voler leurs papiers d'identité. Ils arriveront finalement à Précigné le 5 novembre, deux jours plus tard. 

Une famille qui avait commencé à s'intégrer

Depuis, la famille vit dans le logement de fonction inoccupé du centre social Basile-Moreau. Entourée par une vingtaine de personnes mobilisées dans le cadre du comité d'accueil, elle prend des cours de français, de cuisine, et les adolescentes sont scolarisées au collège et au lycée.

Les Rizk déposent une demande d'asile à la préfecture début décembre. C'est là qu'ils apprennent qu'ils ne peuvent pas effectuer cette démarche, ayant déjà effectué une demande d'asile en Allemagne. Ils font part de leur souhait de rester en France. Reconvoqués le vendredi 22 janvier, ils se voient remettre deux arrêtés préfectoraux à 10h15 : l'un enjoint Georges, Andira et leurs filles de rejoindre l'Allemagne, qui a accepté de les "reprendre en charge", l'autre les assigne à résidence. Le père doit pointer tous les lundis à 9 heures à la gendarmerie.

Une course contre la montre s'engage alors pour déposer un recours devant le Tribunal administratif (TA), qui doit être fait dans les 48 heures, week-end compris. Impossible de monter un dossier solide dans un tel délai. "Le vendredi à 17 heures, on s'est rendu compte qu'il manquait des pièces et des témoignages", indique Hugues Morel. Avec Anne Banrezes, autre membre très actif du comité d'accueil, ils travaillent d'arrache-pied tout le week-end, en espérant bénéficier d'une clémence de la justice, "eu égard à la date à laquelle ils ont reçu les arrêtés préfectoraux", relève Anne Banrezes. 

Je me demande comment font les étrangers qui sont tout seuls. On est restés une demi-heure sur une phrase pour la comprendre !

Anne Banrezes, membre du comité d'accueil

à francetv info

"Ces personnes doivent rejoindre l’Allemagne"

Lundi 25 janvier au matin, le couple fonce au tribunal de Nantes, après un détour par la gendarmerie, assignation à résidence oblige. Quatre jours plus tard, le verdict tombe : "Ils ont reçu une lettre les informant qu'ils étaient hors délai pour le recours. Il aurait fallu le déposer dimanche avant 10h15", souffle Hugues Morel. "J'ai appris qu'il y avait des boîtes aux lettres avec des horodateurs devant les tribunaux. Mais comment voulez-vous qu'on le sache si personne ne nous informe ?", s'étrangle Anne Banrezes.

Hugues Morel a pris un rendez-vous avec la préfète de la Sarthe, en espérant qu'elle se montre "clémente". "Dans l'arrêté, il est écrit que Georges ne peut se prévaloir d'une vie privée et familiale en France stable. C'est faux, une partie de sa famille vit déjà dans la région", argue-t-il.

Depuis ce matin, tout le monde pleure. Ce sont des gens adorables, ils s'intègrent de façon extraordinaire !

Hugues Morel, président du comité d'accueil

à francetv info

Sollicitée par francetv info, la préfecture n'avait pas encore réagi ce jeudi. Quelques jours plus tôt, elle avait fait parvenir un communiqué laconique, indiquant simplement que "ces personnes doivent rejoindre l’Allemagne pour que leur demande y soit étudiée". La famille a un mois pour faire appel. 

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