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Dans un camp de migrants à Paris : "Si vous voulez prendre des réfugiés, prenez tous les réfugiés"

La France accueille depuis mercredi des réfugiés irakiens et syriens, mais rien n'a changé pour les Soudanais et Erythréens qui dorment depuis une semaine devant la mairie du 18e arrondissement de Paris.

Article rédigé par Louis Boy
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Des réfugiés soudanais et érythréens installés sur le parvis de la mairie du 18e arrondissement de Paris, vendredi 11 septembre 2015. (LOUIS BOY / FRANCETV INFO)

"Pourquoi faire un choix entre les réfugiés ? Nous aussi, on a des problèmes dans notre pays." Vendredi 11 septembre, devant la mairie du 18e arrondissement de Paris, Omar, un Soudanais de 28 ans, laisse parler son incompréhension. Plus d'une centaine de migrants, surtout des compatriotes mais aussi quelques Erythréens, occupent le parvis de la mairie depuis le 4 septembre, dormant sur des cartons à même le sol. Beaucoup sont passés par les campements de la Chapelle ou de la halle Pajol.

Ici, malgré la difficulté de se tenir informé, tout le monde a vaguement entendu parler du revirement de la France, qui accueille depuis mercredi des réfugiés irakiens et syriens venus d'Allemagne. Ces derniers devraient même se voir accorder l'asile "dans un délai de quinze jours", selon le directeur général de l'Ofpra. Un statut que les migrants du 18e cherchent parfois à obtenir depuis des mois, voire des années, perdus face à la complexité et la lenteur de la procédure. Entre leur situation et celle des Syriens et Irakiens, il y a aujourd'hui un monde qu'ils ne s'expliquent pas toujours.

De l'amertume, mais pas de jalousie envers les Syriens

"Cela devient de la politique", s'énerve Amir. "La guerre en Syrie dure depuis 2011. Et là, un gamin est mort, et ça y est, les Européens se disent qu'il faut se mettre au travail." En France depuis "un bout de temps", il a obtenu des papiers mais partage la galère de ses compatriotes soudanais : il n'arrive pas à trouver de travail sans logement, ni à trouver un logement sans travail. Comme tous les migrants interrogés sur le campement, il n'a rien contre les réfugiés accueillis en France. "Les Syriens sont nos frères. Eux aussi ont dû laisser leur pays derrière eux. Mais quelle loi dit qu'ils ont davantage le droit à l'asile que les Soudanais ?" 

Mussah, un grand gaillard, à Paris depuis dix jours et devenu malgré lui une sorte de porte-parole des Soudanais, ne comprend pas davantage : "Si vous voulez prendre des réfugiés, prenez tous les réfugiés. Ne faites pas de distinction. On fuit tous la guerre." Quand il parle de sa région d'origine, le Darfour, il mime des combats incessants : "'Bam, bam, bam', c'est une vie de merde, ce n'est pas une vie." A la télévision, il entendait parler de l'Europe comme de la terre des Nations unies et des droits de l'homme. "Que des paroles", constate-t-il.

"Regardez, on est toujours dans la rue"

Emus par le sort de ces migrants, des bénévoles, pour la plupart des habitants du quartier, se relaient pour les aider. La paroisse de Notre-Dame de Clignancourt, située juste en face de la mairie du 18e, a ouvert une salle depuis lundi, où elle distribue des repas et offre du café et l'accès aux toilettes. "On ne peut pas ne rien faire", explique le curé, Philippe Marsset. Il comprend bien la situation délicate de la mairie, mais s'interroge tout de même : "Hier, à la radio, j'entendais un représentant du DAL dire qu'il y avait 11 000 logements vides à Paris." Si la situation se prolonge, il envisage d'accueillir certains réfugiés dans ses locaux pour la nuit. Contactée, la mairie de Paris assure que les migrants seront relogés "sous peu".

En attendant, Yassin et sa femme Ranal craignent l'arrivée de la pluie et du froid. Ils sont érythréens, et la France a toujours été leur objectif : "C'est le pays de la démocratie, de la liberté", explique Yassin, le sourire aux lèvres. Il y croit toujours, même s'il vit dans la rue depuis quinze jours. Il est plus sceptique, en revanche, sur les promesses du gouvernement. Pour le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, les Erythréens, comme les Irakiens et les Syriens, sont "en urgent besoin de protection", donc éligibles à l'asile. "Tout ça, c'est dans les médias, mais dans les faits..." Yassin lance un regard vers ses compatriotes, sur les marches de la mairie. "Regardez, on est toujours dans la rue."

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