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L'"Aquarius", un bateau pirate ? Quatre questions sur l'imbroglio juridique qui menace le navire humanitaire

Le Panama a décidé de retirer le pavillon accordé cet été au bateau géré par l'ONG SOS Méditerranée, remettant en cause sa mission de sauvetage de migrants récupérés au large de la Libye.

Article rédigé par franceinfo - Louise Hemmerlé
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Publié Mis à jour
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L'"Aquarius" au départ du port de Marseille, le 1er août 2018.  (BORIS HORVAT / AFP)

Les obstacles à la navigation de l'Aquarius s'accumulent. Le Panama a annoncé, samedi 22 septembre, qu'il allait retirer son pavillon au navire humanitaire, alors que celui-ci cherche un port pour débarquer 58 naufragés secourus au large de la Libye. L'Aquarius avait repris ses activités de sauvetage la semaine dernière après une escale forcée de 19 jours, faute de pavillon, et a annoncé qu'il faisait désormais route vers Marseille. Franceinfo fait le point sur cette décision et ses conséquences pour le navire humanitaire.

Comment le Panama justifie-t-il cette décision ? 

Les autorités maritimes du Panama se sont fendues d'une explication de quelques lignes dans un communiqué diffusé sur leur site. "L'administration maritime panaméenne a entamé une procédure d'annulation officielle de l'immatriculation du navire Aquarius 2, ex-Aquarius (...) après la réception de rapports internationaux indiquant que le navire ne respecte pas les procédures juridiques internationales concernant les migrants et les réfugiés pris en charge sur les côtes de la mer Méditerranée", établit ce communiqué.

Le Panama évoque également le fait que le navire s'est déjà vu retirer son pavillon par Gibraltar. En août, le gouvernement de Gibraltar avait révoqué le pavillon de l'Aquarius après lui avoir demandé de suspendre ses activités de sauvetage pour lesquelles il n'est pas enregistré dans le territoire britannique. Le bateau s'était alors tourné vers le Panama.

L'"Aquarius" a-t-il enfreint le droit international ? 

A quelles "procédures juridiques internationales" le Panama fait-il référence ? L'Etat d'Amérique centrale indique que la principale plainte émane des autorités italiennes, selon lesquelles "le capitaine du navire a refusé de renvoyer des migrants et réfugiés pris en charge vers leur lieu d'origine". 

Une référence, ici, au refus du navire de ramener en Libye des naufragés qui avaient pris la mer depuis les côtes libyennes, selon Alina Miron, professeure de droit international à l'université d'Angers et spécialisée dans le droit maritime, "puisque tous les naufragés secourus par l'Aquarius, depuis qu'il bat le pavillon panaméen, venaient de Libye", souligne-t-elle à franceinfo. 

Et "de ce point de vue-là, l'Aquarius ne contrevient nullement au droit international", explique Alina Miron. "L'Aquarius a surtout l'obligation de ne pas les ramener en Libye", fait-elle valoir. En effet, les conventions maritimes internationales prévoient que toute personne secourue en mer, quels que soient son statut et sa nationalité, soit débarquée dans un lieu sûr. Or, la Libye n’est pas considérée comme un lieu sûr de débarquement, comme l'a rappelé le Haut-Commissariat pour les réfugiés des Nations unies (HCR) en septembre.

Quel est le rôle de l'Italie dans cette décision ? 

"Cette révocation résulte de la pression économique et politique flagrante exercée par le gouvernement italien" sur le Panama, ont déclaré les ONG Médecins sans frontières et SOS Méditerrannée, qui gèrent l'Aquarius, dans un communiqué.

"Le communiqué du Panama établit que les autorités ont pris cette décision suite à une communication avec l'Italie. Cela veut bien dire que le Panama n'a pas pris cette décision de son propre chef, d'autant plus qu'il avait pris le temps de vérifier  la situation de l'Aquarius avant de lui accorder son pavillon cet été", souligne de son côté Alina Miron.

Le communiqué du Panama précise par ailleurs que "l'exécution d'actes portant atteinte aux intérêts nationaux constitue une cause de radiation d'office de l'immatriculation des navires".

Cela illustre les pressions de l’Italie qui ont conduit le Panama à prendre cette décision.

Alina Miron, spécialiste du droit maritime

à franceinfo

Qu'est-ce que cela change pour l'"Aquarius" ? 

Le retrait du pavillon panaméen n'est pas effectif immédiatement. Les conventions internationales établissent qu'aucun changement de pavillon ne peut intervenir au cours d'un voyage ou d'une escale. L'Aquarius conserve donc son pavillon pendant toute la durée de son voyage, jusqu'à ce qu'il rejoigne son port d'attache au Panama ou qu'il fasse une longue escale technique. 

"Ça, c'est en théorie, détaille Alina Miron, mais le Panama a créé une situation de confusion et certaines marines nationales, notamment la marine libyenne, vont utiliser cette confusion pour considérer l'Aquarius comme un navire sans nationalité." Or, les marines nationales peuvent exercer des pouvoirs de police sur des navires sans nationalité en haute mer, ce qui est impossible sur un navire qui bat pavillon, développe la juriste. "Le risque le plus immédiat, pour l'Aquarius, c'est que la marine libyenne monte à bord pour opérer des vérifications, même sans accord du capitaine", explique Alina Miron.

Face à cette situation, SOS Mediterrannée et Médecins sans frontières "demandent aux gouvernements européens d’autoriser l’Aquarius à poursuivre sa mission, en intercédant auprès des autorités panaméennes et en réaffirmant que les menaces de rétorsion formulées à leur égard par les autorités italiennes sont infondées, ou en lui délivrant immédiatement un nouveau pavillon sous lequel naviguer".

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