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Accueil des migrants secourus en Méditerranée : "Les égoïsmes nationaux l’ont emporté", regrette Michaël Neuman, directeur d'études pour MSF

Trois bateaux "qui ont secouru près de 1 000 personnes" en Méditerranée attendent encore une permission de débarquement.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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L'Ocean Viking entre dans un port sicilien en juin 2020. (GIOVANNI ISOLINO / AFP)

"Les égoïsmes nationaux l’ont emporté", regrette vendredi 4 novembre sur franceinfo Michaël Neuman, directeur d'études au centre de réflexions de l'action et des savoirs humanitaires (Crash) de Médecins sans frontières (MSF). Selon lui, trois bateaux "qui ont secouru près de 1 000 personnes" en Méditerranée attendent encore une permission de débarquement. Michaël Neuman appelle les pays européens à se coordonner pour répartir "équitablement les personnes secourues". S'il condamne les propos racistes du député Rassemblement national Grégoire de Fournas jeudi à l'Assemblée nationale, il n'est "pas surpris" : "ça fait des années que les discours xénophobes touchent la classe politique".


franceinfo : Médecins Sans Frontières a aussi un bateau en mer, le Geo Barents avec à son bord, 572 personnes secourues. Aucun port ne vous a été proposé pour les accueillir ?

Michaël Neuman : Non, aucun port, malgré neuf demandes effectuées : quatre à Malte, quatre à l'Italie et une à la Norvège pour faire le médiateur entre ces États et le bateau. Aujourd'hui, il y a trois bateaux en Méditerranée qui ont secouru près de 1 000 personnes et qui font face aux mêmes refus de l'Italie et de Malte d'accorder une permission de débarquement pour ces personnes qui sont pour certaines en mer depuis neuf jours.

"À partir de lundi, on va avoir des problèmes d'approvisionnement en eau et en nourriture."

Michaël Neuman

à franceinfo

Parlons de Geo Barents. On a sur notre bateau plusieurs dizaines d'enfants, le plus petit a 11 mois. On a trois femmes enceintes. On a des gens qui souffrent de problèmes physiques et psychologiques parfois aigus. Et évidemment, la situation se tend. Elle se tend d'autant plus que les conditions en mer vont se durcir et que cette période d'incertitude va se prolonger.

Que pensez-vous de la position du gouvernement français ?

Si on s'en tient au droit, force est de constater que le gouvernement français a raison : les ports qui en ont la responsabilité, à savoir les ports italiens, maltais, doivent s'ouvrir aux bateaux de sauvetage. Mais il est important que la France et les autres pays européens prennent leurs responsabilités pour l'équitable répartition des personnes secourues. En septembre 2019, à la suite d'une séquence assez similaire à celle-ci, un nombre d'États européens volontaires ont signé un accord à La Valette à Malte, pour une répartition des personnes une fois débarquées. Cet accord aujourd'hui, plus personne n'en parle. Je pense qu'il est impératif qu'une coordination européenne ait lieu pour que ces bateaux puissent débarquer rapidement. Pour que ces personnes qui ont vécu en Libye des situations extrêmement difficiles puissent être accueillies rapidement, dans des conditions correctes et qu'elles aient accès aux droits reconnus par le droit international.

Selon vous, l’Europe ne prend pas suffisamment ses responsabilités ?

Ça fait des années que l'Europe sur cette question-là s'échoue sur les récifs d'une politique mortifère assez abominable. Les égoïsmes nationaux l’ont emporté. On le voit aujourd'hui, chaque pays se regarde le nombril et semble être rentré dans une compétition assez terrifiante. Les déclarations du député Rassemblement national à l'Assemblée nationale sont d’une très, très grande tristesse mais on n'est pas surpris. Ça fait des années que les discours xénophobes touchent la classe politique, qu'on les condamne. Aujourd'hui, on peut effectivement se montrer très choqué par ces déclarations. Mais Emmanuel Macron accusait les organisations non-gouvernementales de sauvetage en mer de complicité avec les passeurs il n’y a pas si longtemps que ça. Je pense qu'il est de la responsabilité de nos gouvernants de faire en sorte que les discussions sur l'immigration soient plus apaisées qu'elles ne le sont aujourd'hui.

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