: Vidéo Ukraine : raconter la guerre, "une façon de résister comme certains soldats prennent les armes", témoigne un journaliste français
"L'histoire européenne, l’histoire mondiale s'écrit en Ukraine aujourd'hui", considère Alexander Query, qui y vit depuis six ans. "Pour un journaliste, c’était le seul endroit où je pouvais décemment être."
Raconter la guerre, "c’est une façon de résister comme certains soldats prennent les armes", explique Alexander Query, journaliste français basé à Kiev, membre de la rédaction du journal ukrainien Kviv Independent. Il publie aux éditions Nouveaux Mondes Carnet de bord de la résistance ukrainienne qui rassemble les articles des journalistes de cette rédaction. Un témoignage direct sur la guerre en Ukraine, sur le comportement de l'armée russe, les exactions qu'elle commet et la façon dont les civils tentent de survivre.
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"Beaucoup d'experts s'accordent à le dire, on retrouve de plus en plus de traces d'un potentiel génocide des Ukrainiens", ajoute le journaliste de 34 ans. Alexander Query critique la position d’Emmanuel Macron "au vu des cortèges d'atrocités et d'horreurs que les soldats russes infligent aujourd'hui aux Ukrainiennes et aux Ukrainiens, ne pas humilier la Russie est un discours qui est absolument incompréhensible".
franceinfo : Au début de la guerre, vous avez hésité à rentrer en France. Pourquoi êtes-vous resté en Ukraine ?
Alexander Query : L’hésitation se posait surtout du point de vue de ma compagne et de la mettre en sécurité, mais l'idée, c'était justement de rester là-bas parce qu'aujourd'hui, l'histoire européenne, l’histoire mondiale s'écrit en Ukraine. Pour un journaliste, c’était le seul endroit où je pouvais décemment être. C’est aussi ce que je devais à ce pays qui m'a accueilli depuis six ans. Je me devais de rendre ça. C'est une question de devoir, de mission.
Raconter la guerre, c’est une façon de résister ?
C'est une façon de résister comme certains soldats prennent les armes. On a un collègue, notamment, qui est d'ailleurs entré dans la force de défense territoriale en Ukraine. De cette manière, je pense aussi que les journalistes ont leur rôle à jouer dans cette histoire.
Comment est-ce qu'on reste le plus objectif possible quand on est journaliste, aujourd'hui en Ukraine, alors qu'on a peur tous les jours pour soi et sa famille ?
Je pense que c'est important, justement, de faire la différence entre cette neutralité et l'objectivité. Aujourd'hui, la cause commune, la cause importante, c’est celle de soutenir l'Ukraine et que l'Ukraine, finalement, arrive à vaincre. On ne peut pas nécessairement parler d'impartialité, c’est sûr. Par contre, être neutre, ça veut dire simplement respecter les standards journalistiques et l'éthique journalistique de vérification des faits et garder un regard critique.
Votre recueil d'articles documente le comportement de l'armée russe : civils mitraillés, des assassinats, des viols de masse. Est-ce qu'il y a quelque chose de systématique ?
Il y a quelque chose de systématique. On a intercepté des conversations, notamment de soldats russes qui disent clairement qu'ils ont reçu des ordres. Ce qui montre que c'est systématique ou en tout cas que c'est accepté, c'est quand Vladimir Poutine décore l'unité qui était à Boutcha, responsable de ces massacres absolument abominables. C'est une volonté de terroriser la population. C'est une volonté aussi de créer un mythe de brutalité autour de l'armée russe. Il y a aussi cet aspect d'une guerre psychologique qui joue énormément. Beaucoup d'experts s'accordent à le dire, on retrouve de plus en plus de traces d'un potentiel génocide des Ukrainiens.
Plusieurs articles évoquent les déboires de l’armée russe. Était-elle préparée à cette guerre ?
Ce n'est pas seulement qu'ils étaient mal préparés. Certains expliquent qu'ils avaient été envoyés juste après leur entraînement et que c'était dans la continuité de l'entraînement. Ils ne savaient pas nécessairement qu'ils allaient en Ukraine. À partir du moment où il y a des massacres, comme Boutcha, comme Marioupol, cet argument ne tient plus parce que c'est une façon aussi de se défausser en disant, on ne savait pas ce qu'on faisait. Aujourd'hui, on se rend compte aussi que l'un des problèmes majeurs de l'armée russe, c'est bien la corruption systématique qui fait qu’aujourd'hui, leur matériel est défaillant. Ce sont des composantes importantes à comprendre au niveau de l'armée russe.
Emmanuel Macron pourrait se rendre en Ukraine cette semaine. C’est une visite importante ?
Ce qui serait important, surtout, c’est qu'il adopte, au moins publiquement, une position moins ambiguë vis-à-vis de Vladimir Poutine. C’est un discours qui est absolument inaudible, aujourd'hui en Ukraine. Tout simplement parce qu’au vu des cortèges d'atrocités et d'horreurs que les soldats russes infligent aujourd'hui aux Ukrainiennes et aux Ukrainiens, ne pas humilier la Russie est un discours qui est absolument incompréhensible pour les Ukrainiens. C’est vrai que la France, même si elle ne l'a pas dit publiquement, a aidé l'Ukraine en envoyant des armes. Mais aujourd'hui, l'Ukraine réclame simplement une position publique plus dure vis-à-vis de Vladimir Poutine.
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