Cet article date de plus de deux ans.

Ukraine : “Je n'ai jamais vu une telle mobilisation de la société civile envers ses propres réfugiés”, confie le directeur des opérations de l’ONG Solidarités international

Emmanuel Rinck a traversé l'Ukraine, de Lviv à Mykolaïv, et raconte à franceinfo cette traversée d'un pays en guerre, où les besoins de la population varient selon leur situation.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Une école d'Odessa, en Ukraine, transformée en centre pour accueillir les réfugiés. (ADRI SALIDO / ANADOLU AGENCY / AFP)

"Je n'ai jamais vu une telle mobilisation de la société civile envers ses propres réfugiés", a affirmé le directeur des opérations de l’ONG Solidarités international Emmanuel Rinck samedi 11 juin sur franceinfo. Il témoigne de son passage à Odessa, après avoir traversé une bonne partie de l’Ukraine.

>> Guerre en Ukraine : suivez l'évolution de la situation sur notre direct

franceinfo : À quel point sent-on que c'est la guerre lorsqu'on est à Odessa ?

Emmanuel Rinck : C'était une ville qui dépendait beaucoup du tourisme et des activités portuaires. Moi, j'ai pu me rendre le long du front de mer. On ne voit pas un seul bateau à l'horizon, et pour cause, puisque la mer est minée. On n'a pas le droit d'aller sur les plages parce que de temps en temps une mine se détache et est susceptible de dériver jusqu’à la plage. Et de temps en temps, il y a des tirs de missiles qui rappellent à l'ensemble de la population que le front de la guerre n'est pas très loin, près de Mykolaïv. Entre Kherson et Mykolaïv, où j'ai pu me rendre également, on sent beaucoup plus l'ambiance de guerre avec des tirs d'obus réguliers qui tombent à 5 ou 10 kilomètres.

Vous êtes passé par Lviv, Kiev, Dnipro, Kharkiv, Mykolaïv, et donc par Odessa. C'est tout un itinéraire dans des zones de combat et dans des zones plus calmes. Les besoins sont-ils les mêmes partout ?

Non, les besoins ne sont pas les mêmes partout, évidemment. Pour faire simple, il y a deux catégories de besoins : il y a la catégorie des six ou sept millions de déplacés internes, donc les gens qui fuient l'est et le sud du pays. Ces gens-là ont besoin d'abris. Ils sont dans des centres de transit, des familles entières qui sont hébergées dans des gymnases, avec des centaines de personnes sur des lits de fortune. Cela fait trois mois que ces personnes sont là, et vous pouvez multiplier ce type de centres ou de situations par 1 000 ou 2 000 rien que dans certaines villes comme Dnipro, Lviv ou Odessa. Et vous avez des gens qui sont bloqués dans les zones de combat. Ce sont soit des personnes âgées qui n'ont pas pu fuir à temps ou des gens qui n’avaient pas de véhicule et se retrouvent prisonniers dans ces zones de conflit intense. Et une fois que vous êtes dans ces zones-là, vous ne pouvez plus bouger. Donc on met en place des distributions de nourriture, plats chauds, et des réhabilitations avec les autorités locales des centres de transit qui accueillent ces déplacés pendant plusieurs mois et tant qu'il le faudra. Quant à la zone de front, comme par exemple à Mykolaïv, on y amène des camions remplis d'eau parce que les canalisations d'eau potable ont été visées par des obus et n'alimentent plus les gens.

Vous avez sillonné toute l'Ukraine. Qu'est-ce que vous retenez de tout ce périple sur ce pays, sur sa population ?

D'une part, l'extraordinaire mobilisation de la société civile. C'est incroyable. Cela fait 20 ans que je suis dans l'humanitaire, je suis allé un petit peu partout, et je pense que je n'ai jamais vu une telle mobilisation de la société civile envers ses propres réfugiés. Bien sûr, combien de temps les gens vont-ils tenir ? C'est la grande question. Parce qu'ils s'épuisent financièrement et en termes de temps. Je retiendrai une deuxième chose également : des autorités locales qui sont quand même très en contrôle et très présentes en appui. Souvent la réponse humanitaire passe par elles. Nous, en tant qu'organisation internationale, tout l'enjeu, c'est d’arriver à compléter leur action et surtout ne pas casser cet élan.

"On a des inquiétudes après cette visite : l'hiver va bientôt arriver. Les températures très froides commencent dès fin septembre, octobre. On parle de six ou sept millions de déplacés internes, donc comment ces déplacés vont-ils arriver à passer cet hiver ?"

Emmanuel Rinck, de l'ONG Solidarités international

à franceinfo

On s’emploie donc avec tous ces acteurs que je viens de nommer, à préparer cette réponse-là. Et puis, il y a aussi un ensemble important de populations qui se retrouvent en zones contrôlées par les Russes. Les besoins sont énormes aussi dans ces zones-là. Donc un des grands défis, c'est de savoir comment les aidern eux qui sont également dans le besoin.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.