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Témoignage Guerre en Ukraine : dans la région de Kherson, des habitants piégés entre le front et les inondations dues à la destruction du barrage de Kakhovka

Dans cette région déjà très meurtrie par l’occupation russe et les combats incessants depuis 15 mois, l’explosion du barrage hydroélectrique de Kakhovka et les inondations qui ont suivi sont une épreuve de plus pour les habitants.
Article rédigé par Camille Magnard
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Une zone inondée dans la région de Kherson, le 10 juin 2023, après la destruction du barrage hydroélectrique de Kakhovka (photo d'illustration). (PETER DRUK / XINHUA)

Les habitants de la région de Kherson, jusque-là habitués à traverser le Dnipro sans même y penser, ont du apprendre à vivre sur une ligne de front pilonnée quotidiennement et désormais inondée, à cause de la destruction du barrage hydroélectrique de Kakhovka, le mardi 6 juin. Le fleuve sépare cette région du sud de l'Ukraine en deux : zone libérée sur la rive droite et occupée par les Russes sur la rive gauche.

La ville de Kherson en Ukraine. (CAPTURE ECRAN GOOGLE MAPS)


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Au printemps 2022, Vladimir Jurakhovky a quitté son domicile à Kherson, ville reprise par l'armée ukrainienne en novembre 2022, pour s'installer dans sa datcha, sa maison de campagne de l’autre côté du Dnipro. Il pensait y passer tranquillement l’été, mais sa femme est tombée malade. Le couple n'a pu rentrer à Kherson avant l’automne. Puis la guerre a fait le reste : les Russes qui occupaient toute la région ont du reculer sur la seule rive gauche du fleuve, celle où se trouve donc la datcha, et Vladimir s’est retrouvé coincé en zone russe, sans possibilité de retraverser. "Quand Kherson a été libérée les Russes ont bloqué le fleuve. Quand un bateau se présentait, ils tiraient devant pour l’arrêter et lui ordonnaient de faire demi-tour", se souvient-il. 

Un fleuve devenu ligne de front 

Vladimir était au milieu, avec les obus russes et ukrainiens qui se croisaient au-dessus de sa tête. "On les entend et on sait : un obus, ça siffle et BOUM, l’explosion. On reconnaît : 'Ah tiens, ce sont les nôtres qui tirent vers là-bas. Oh tiens, de la fumée, ça veut dire qu’ils ont touché leur cible. Bravo !" raconte-t-il en riant. 

Vladimir Jurakhovky, un Ukrainien qui vit dans la région de Kherson. (CAMILLE MAGNARD / RADIO FRANCE)

Les îles au milieu du Dnipro ont été les premières à être submergées après l’explosion du barrage de Kakhovka. "On s’est réfugiés sur notre ponton parce que tout était déjà inondé. On ne voyait plus que 30 ou 40 centimètres du toit de notre maison de deux étages."

"Des gens autour étaient montés sur leur toit. Nous, on était sur notre ponton à attendre de l’aide, pendant 24 heures."

Vladimir Jurakhovky

franceinfo

Vladimir, sa femme et six voisins ont eu la chance d’être secourus par l’armée ukrainienne, alors qu’ils se trouvaient en zone en principe contrôlée par les Russes, mais ces derniers avaient reculé dès la montée des eaux. Il a donc suffi à Vladimir, ancien entraîneur de l’équipe locale d’aviron, de faire appel à ses connaissances du côté de Kherson pour appeler à l’aide. "On a appelé un ami qui a prévenu les militaires, leur a dit où on était et comment nous trouver. Ils sont venus avec trois Zodiacs et sur un quatrième, il y avait un ancien champion d’aviron que j’ai entraîné. Je l’ai envoyé secourir nos voisins coincés sur leur toit", raconte-t-il.

Aujourd’hui, le vieil entraîneur se remet de ses émotions à Kherson. Il sait qu’il ne reverra pas sa datcha de sitôt. Les inondations ont fait remonter à la surface des mines qui menacent d’exploser à tout instant.

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