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Sommet de l'Otan en Lituanie : l'adhésion de l'Ukraine et le financement de la défense au cœur de la rencontre entre les Alliés

L'Alliance atlantique, réunie mardi et mercredi à Vilnius, doit notamment se mettre d'accord sur le processus d'adhésion de Kiev et sur les garanties pour assurer sa sécurité.
Article rédigé par Zoé Aucaigne
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 9min
Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, et le président de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord, Jens Stoltenberg, le 20 avril 2023 à Kiev (Ukraine). (UKRAINIAN PRESIDENTIAL PRESS SERVICE / AFP)

L'Ukraine rêve que son drapeau bicolore flotte au-dessus du siège de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (Otan), à Bruxelles. Depuis le début de l'invasion russe sur son territoire il y a près d'un an et demi, Volodymyr Zelensky multiplie les appels du pied aux Alliés. Le président ukrainien a d'ailleurs enchaîné les rencontres avec plusieurs pays membres de l'Alliance (Pologne, République tchèque, Turquie) avant ce sommet, qui se tiendra mardi 11 et mercredi 12 juillet, à Vilnius (Lituanie). Il espère y recevoir un "signal clair" sur l'adhésion de son pays à l'Otan. Mais Kiev doit être patient, a rappelé Jens Stoltenberg. "L'Ukraine deviendra membre de l'Otan à un moment donné (...) mais elle ne recevra pas d'invitation à Vilnius", première étape du processus d'adhésion, a prévenu le secrétaire général de l'Otan.

A défaut de faire une place à Kiev tout de suite, les Alliés pourraient discuter d'un calendrier clair et d'une feuille de route concrète. En amont de sa rencontre avec Jens Stoltenberg, mercredi 28 juin, Emmanuel Macron a assuré que les membres de l'Otan allaient "définir un chemin pour concrétiser [cette] perspective". "Ils vont certainement discuter d'un agenda, mais sans préciser la date à laquelle l'Ukraine intégrera l'Alliance", estime Jean-Pierre Maulny, directeur adjoint de l'Institut de relations internationales et stratégiques (Iris) et spécialiste des questions de défense. 

Le président de la République, Emmanuel Macron, et le secrétaire général de l'Otan, Jens Stoltenberg, le 28 juin 2023 à l'Elysée (Paris). (MUSTAFA YALCIN / ANADOLU AGENCY / AFP)

Car, avant tout, "il faut atteindre le consensus entre les membres, puisque c'est comme ça que les décisions sont prises, ce qui n'est pas évident", rappelle Vira Ratsiborynska, professeure auxiliaire sur l'Otan à la Vrije Universiteit Brussel. Les pays de l'Est, la France ou encore l'Espagne soutiennent largement l'entrée de Kiev au sein de l'Alliance atlantique. Mais d'autres membres, comme les Etats-Unis ou l'Allemagne, se montrent plus frileux. "Je ne pense pas qu'on ait une unanimité dans l'Otan pour faire entrer – ou non – l'Ukraine (...) au beau milieu d'une guerre", a rappelé le président américain, Joe Biden, dans un entretien à CNN publié dimanche. 

Un partenariat renforcé face à Moscou

Une adhésion imminente impliquerait en effet que "l'Otan rentre directement en guerre avec la Russie", souligne Amélie Zima, chercheuse à l'Institut de recherche stratégique de l'Ecole militaire (Irsem). Les Alliés qui bordent le territoire russe – les Etats baltes (Estonie, Lettonie, Lituanie) et la Pologne – se retrouveraient alors en première ligne. L'objectif est d'éviter une escalade du conflit, inévitable dans ce scénario puisque l'article 5 du traité de l'Atlantique nord stipule que si un pays membre est agressé, les autres doivent lui venir en aide. Ce qui implique, potentiellement, de prendre les armes. Kiev s'est inclinée devant cet argument. "Nous sommes un Etat responsable et nous comprenons que nous ne pouvons pas être membre de l'Otan en temps de guerre", a reconnu Volodymyr Zelensky. Tout en ajoutant : "Nous devons être sûrs qu'après la guerre, nous le serons".

Tant que les combats continueront avec Moscou, Kiev n'intègrera donc pas l'Otan. Pour autant, les Alliés souhaitent poursuivre leur soutien aux troupes ukrainiennes. Fin juin, Emmanuel Macron et Jens Stoltenberg devaient s'"accorder sur un ensemble de mesures" à adopter lors du sommet. Les Occidentaux ont déjà envoyé munitions, armes, chars, drones, matériel médical, équipements... ainsi qu'une aide financière "qui s'élève à plusieurs milliards d'euros". "Ils devraient mettre en place un partenariat spécifique avec l'Ukraine, qui comprendra la formation du personnel politique ou l'organisation de l'armée", anticipe Jean-Pierre Maulny.

"L'intérêt de ce partenariat, c'est que Kiev soit prête le jour où les Etats membres décideront qu'elle peut intégrer l'Alliance."

Jean-Pierre Maulny, directeur adjoint de l'Iris

à franceinfo

A l'occasion du sommet de Vilnius se tiendra d'ailleurs la première réunion du nouveau Conseil Otan-Ukraine. "Il permettra un dialogue plus structuré et permanent", souligne Jean-Pierre Maulny. Pour Amélie Zima, il s'agit surtout d'une initiative symbolique : "Ça renforce le statut de partenaire de l'Ukraine et c'est un message fort envoyé à Moscou. L'Otan montre qu'elle continue et continuera de soutenir Kiev, malgré ce que ça lui coûte"

Dépenser davantage pour compenser l'aide à Kiev 

L'envoi d'armes et de matériel supplémentaires pourrait également être discuté à Vilnius. La question du consensus est là encore primordiale, notamment sur l'argent à injecter. En 2006, puis en 2014, les pays de l'Otan s'étaient mis d'accord : leurs dépenses en matière de défense devaient représenter au moins 2% de leur PIB. L'année dernière, seuls sept Alliés sur les 31 respectaient cette règle, précise l'Otan. "Cet argent n'est pas utilisé pour aider un Etat tiers, mais pour protéger les pays membres, précise Amélie Zima. Comme ils transfèrent du matériel de défense à l'Ukraine, ils doivent dépenser plus pour combler les trous dans leurs stocks."

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Afin d'envoyer un message de soutien à Kiev, sans augmenter le budget, "on déclarera que les 2% du PIB ne sont plus un objectif à atteindre, mais un montant plancher. On ne pourra plus être en dessous et on pourra le dépasser", prévoit le directeur adjoint de l'Iris. Berlin a d'ailleurs déjà donné le ton fin juin. "Nous veillerons à ce que l'armée fédérale reçoive enfin l'équipement dont elle a besoin (...) en dépensant à nouveau, pour la première fois depuis des décennies, 2% de notre PIB pour la défense, à partir de l'année prochaine", a déclaré le chancelier allemand, Olaf Scholz. Reste que l'Allemagne doit encore trouver plusieurs dizaines de milliards d'euros pour respecter cet engagement, comme le notent Les Echos.

La Suède, bientôt un Allié face à Moscou

Un autre dossier brûlant sera sur la table mardi et mercredi en Lituanie : l'adhésion de la Suède à l'Otan, dans les tuyaux depuis des mois. Après avoir fait barrage, le président de la Turquie, Recep Tayyip Erdogan, a finalement "accepté de transmettre le protocole d'adhésion de la Suède" à l'Assemblée nationale turque "et de travailler avec pour garantir une ratification", a annoncé Jens Stoltenberg lundi soir.

La Turquie accusait le gouvernement suédois de complaisance envers les sympathisants kurdes de son territoire, et notamment ceux du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), une organisation considérée comme "terroriste" par une partie des Alliés. Ces derniers mois, les manifestations anti-islam en Suède – dont les Corans brûlés sur la voie publique – avaient fait grimper les tensions. Et Stockholm s'était opposé à l'extradition d'une dizaine de Kurdes vers la Turquie, condition posée par Ankara, à l'époque, pour lever son veto. 

L'entrée de la Suède renforcerait la sécurité de l'Otan face à Moscou. "Ça permettrait une meilleure défense du Nord et des Etats baltes, qui partagent leurs frontières avec la Russie. Ils étaient totalement isolés avant l'adhésion de la Finlande début avril. L'idée est de verrouiller la mer Baltique", pointe Amélie Zima. Jean-Pierre Maulny nuance : "Stockholm ne va pas apporter quelque chose de vraiment significatif à la défense de l'Otan. C'est surtout le pays qui veut se protéger et bénéficier de l'article 5." 

L'Otan veut faire bloc face à la Russie, mais aussi la Biélorussie, fidèle alliée du Kremlin. "Les membres de l'Alliance pensent qu'ils ont surestimé le rôle de la Biélorussie comme un Etat tampon avec la Russie, analyse Amélie Zima. Et ce, car Loukachenko s'était posé en médiateur lors des accords de Minsk" signés en 2015 pour mettre fin à la guerre dans le Donbass. L'arrivée du chef du groupe Wagner, Evguéni Prigojine, sur le sol biélorusse après sa rébellion avortée n'arrange rien. "Les Lituaniens sont très inquiets. En réaction, l'Allemagne s'est dite prête à déployer 4 000 hommes sur le sol lituanien", au lieu de 850 actuellement, rappelle Jean-Pierre Maulny. Si l'Ukraine sera bien au centre de cette rencontre au sommet, la Lituanie espère donc aussi qu'un soutien supplémentaire au flanc est de l'Alliance sera au programme.

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