: Reportage "On a eu seulement deux heures d'électricité aujourd'hui" : en Ukraine, les coupures de courant compliquent le quotidien
"J'ai mis de l'essence dans notre groupe électrogène. Il va y avoir une coupure d'électricité dans dix minutes, je dirais." Il en faudrait plus pour ôter son sourire à Evgueniy, dentiste à Dnipro. Il est seulement 16 heures et le black-out est parti pour durer toute la soirée. "Pendant qu'on parlait, le courant a été coupé", constate le dentiste.
La crise énergétique franchit encore un cap en Ukraine. Les dernières frappes aériennes massives, menées par la Russie, jeudi 28 novembre, ont considérablement réduit les capacités de production d'électricité. Pour faire face à la pénurie, alors que l'hiver est déjà bien là avec des températures négatives. Le pays est obligé de procéder à des coupures de délestage, plusieurs heures par jour.
"En trois minutes, c'est réglé et on peut retourner travailler", explique Iryna alors que le générateur se lance. À l'intérieur du cabinet dentaire, elle aussi préfère s'amuser de la situation : "On rigole, on se taquine entre nous, qu'est-ce qu'on peut faire d'autre ?" Malgré les frappes russes quasi quotidiennes, et l'électricité coupée plus souvent qu'elle ne fonctionne. "Aujourd'hui, de 8 heures à 14 heures, il n'y avait pas d'électricité et maintenant elle est coupée à nouveau jusqu'à 11 heures du soir, raconte Iryna. Au travail, c'est facile, c'est à la maison que c'est compliqué."
"Je ne vois plus le positif"
Chez elle, Iryna n'a pas de groupe électrogène, alors elle se couche tôt : "Ils nous bombardent et nous, on dort. De toute façon, si on ne se lève pas le matin pour aller au travail, il y a de quoi devenir fou." À l'extérieur, le quartier est plongé dans le noir et pourtant des enfants jouent dans le square entre les immeubles. Jana les surveille d'un œil en discutant avec une voisine. "On n'a de nouveau plus d'électricité, on en a eu seulement deux heures aujourd'hui. On arrive et tout est dans le noir. On n'y voit rien. C'est pour ça qu'on a décidé de laisser les enfants jouer un peu dehors."
Jana s'occupe seule de son petit-fils, depuis la mort de sa fille. Et alors que commence un troisième hiver de guerre, de bombardement et de pénuries d'électricité, elle ne partage pas vraiment l'optimisme forcené d'Iryna et Evgueny. "J'ai beau être quelqu'un d'optimiste, là, je ne vois plus le positif. Vous voulez savoir comment je m'en sors ? À la maison, j'ai trois téléphones que j'utilise dans la cuisine et dans les chambres pour faire un peu de lumière."
Après les dernières frappes russes, l'opérateur électrique Ukrénergo a annoncé qu'il devait augmenter encore l'ampleur des coupures de délestage : désormais 70% de la population pourra être privée de courant, au même moment, plusieurs heures par jour.
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