: Reportage Guerre en Ukraine : dans la morgue de Dnipro, "des corps ravagés, méconnaissables" et des parents "fous de chagrin"
Elles ont été posées là au début de l'invasion russe, sur le parking de la morgue, juste derrière l'hôpital. "Là, vous voyez, ce sont quatre remorques frigorifiques, de la taille de containers. Et à l'intérieur, il y a les corps des soldats de l'armée ukrainienne, de la garde nationale et d'autres unités militaires...", détaille Igor Tetarchuk, responsable de la morgue de Dnipro.
Ce petit service est débordé par le nombre de cadavres ramenés chaque jour du front : "Non, nous n'avons aucun renfort. La seule chance qu'on a, c'est qu'aucun d'entre nous n'a démissionné. On comprend tous le tragique de la situation et l'importance de faire ce travail", glisse-t-il.
"Des armes inhumaines qui ravagent les corps"
Entre 100 000 et 140 000 soldats ukrainiens auraient été tués depuis le début de l’invasion russe, il y a près de trois ans, selon le magazine The Economist, qui livre cette estimation, alors que l’armée ukrainienne refuse toujours de rendre public ce chiffre. Mais pourtant, face à ce carnage, ici, personne n'est dupe.
En première ligne, face à l'horreur de la guerre, Valeriy Vioune dirige l'équipe des experts légistes chargés d'identifier les soldats tués. "Les armes qui sont utilisées aujourd'hui sont tellement inhumaines qu'elles ravagent les corps jusqu'à les rendre méconnaissables. Souvent, on ne récupère que des fragments de corps et ça rend l'identification très compliquée", confie-t-il. Souvent, il faut se baser sur un tatouage, un plombage dentaire ou une cicatrice pour mettre un nom sur ce qu'il reste d'un corps.
"Une fois, une mère a reconnu son fils seulement grâce à sa main, la forme des doigts et des ongles".
Un employé de la morgue militaireà franceinfo
Accompagner les familles, c'est le travail de Viktoria Gerachenko. Depuis le début de la guerre, elle prend des calmants pour tenir le coup. "C'est dur parce qu'on a les proches au téléphone. Ils nous racontent leur malheur et ensuite, quand ils viennent ici, on leur montre les photos du corps. C'est impossible d'encaisser ça. Surtout pour les parents. Souvent, ils deviennent fous de chagrin. J'avoue que parfois, j'ai envie de tout plaquer", souffe-t-il, en souriant tristement.
Quant au corps que personne n'arrive à identifier, ils repartent dans des cercueils de pin clair, enterrés sous une croix avec l'inscription : "Soldats temporairement inconnus, morts pour l'Ukraine".
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