Prix Bayeux : "On parle beaucoup des journalistes, mais c'est plutôt le courage des personnes qui témoignent qu'il faut relever", déclare la lauréate Maurine Mercier
Son reportage radio a permis de mettre des mots derrière l'horreur des exactions à Boutcha, commises par les Russes en Ukraine. La journaliste Maurine Mercier a remporté le prix Bayeux ce samedi. Elle revient sur la force des témoignages recueillis sur place.
"On parle beaucoup des journalistes, mais c'est plutôt le courage des personnes qui témoignent qu'il faut relever", a réagi samedi 8 octobre sur franceinfo Maurine Mercier. La correspondante en Ukraine pour Franceinfo et RTS est la lauréate du prix Bayeux des reporters de guerre catégorie Radio pour son reportage réalisé en avril à Boutcha, en Ukraine.
Une ville devenue tristement célébre pour les exactions commises par les Russes. La journaliste a recueilli le témoignage d'une femme victime de viols durant deux semaines et demie sous les yeux de sa fille de 13 ans.
franceinfo : Comment percevez-vous votre récompense ?
Maurine Mercier : J'ai l'impression que ce prix c'est cette mère qui le mérite. On parle beaucoup des journalistes, mais c'est plutôt le courage des personnes qui témoignent qu'il faut relever. Je dédie mon prix à cette femme. J'avais envie d'avoir un mégaphone pour permettre aux gens de pouvoir l'entendre.
"Elle m'a dit qu'elle ne témoignerait qu'une seule fois, parce qu'elle n'aurait pas le courage de le faire deux fois, et que c'était à moi de faire entendre sa voix."
Maurine Mercier, lauréate du prix Bayeux, catégorie radio.France Info
C'est pour ça que ces prix-là reviennent aux personnes qui témoignent et aux victimes. Cette femme disait quelque chose de la réalité de la guerre en Ukraine et a permis de dresser le portrait de ces brigades qui ont sévi à Boutcha et fait preuve d'une violence inouïe.
Dans quelles conditions avez-vous réalisé ce reportage ?
J'ai essayé d'arriver à Boutcha dès que possible et je n'ai plus quitté Boutcha pendant huit à dix jours durant. J'ai interrogé toutes les femmes que je rencontrais. Quatre, cinq femmes m'ont dit avoir été violées et seule cette femme-ci a trouvé le courage de témoigner au micro. Cela a été un travail de longue haleine. Lorsque j'ai rencontré cette mère, je tenais à lui donner le temps de renoncer à ce témoignage.
"Quand on arrive à Boutcha, on a affaire à des gens qui sont dans des états de traumatismes aigus."
Maurine Mercier, lauréate du prix Bayeux catégorie radioFrance Info
J'avais très à cœur de lui laisser le temps de savoir si véritablement elle souhaitait témoigner ou non. Elle a mis 48h pour me dire oui. Là, elle m'a délivré dans une sorte de huis clos, un témoignage, trois heures durant. Elle m'a livré tous les détails froidement.
Avez-vous encore des contacts avec cette femme ?
Oui, j'ai gardé contact. Je me suis engagée à lui délivrer ce prix la semaine prochaine. Elle est à Boutcha avec sa fille et sa mère qui a 75 ans et qui ne peut pas partir. C'est pour ça qu'elles ont subi l'occupation parce qu'il y avait cette grand-mère dans la maison qui n'était pas suffisamment en santé pour pouvoir quitter Boutcha. Voilà pourquoi elles ont dû subir les viols. Cette mère a décidé de porter plainte. Ce sont des procédures qui sont lentes.
Votre travail a-t-il changé depuis le début du conflit ?
Oui, parce que j'ai décidé de m'établir là-bas. Donc, je suis passée du statut d'envoyée spéciale à correspondante permanente en Ukraine. On aborde les choses différemment et on se rend compte qu'il va falloir être très endurants parce que c'est une guerre qui dure et qui va certainement durer encore. Il ne faut pas lasser les gens, réussir à enquêter malgré la propagande.
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