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Mobilisation russe : la population "n'est pas dupe" et "comprend" qu'elle est entrée "en guerre", analyse la géopolitologue Carole Grimaud

Elle estime que "plus d'un million" de Russes seraient déjà concernés par cette mobilisation, soulignant une "confusion" entre la communication des autorités et la réalité du terrain. 

Article rédigé par franceinfo
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Un panneau publicitaire fait la promotion de l'engagement auprès de l'armée russe, à Saint-Petersbourg, le 21 septembre 2022. (OLGA MALTSEVA / AFP)

"La population mobilisée n'est pas dupe et comprend bien que la Russie entre en guerre", a expliqué samedi 24 septembre sur franceinfo Carole Grimaud, spécialiste de la géopolitique russe, enseignante à l’université de Montpellier, et experte à l’Observatoire géostratégique de Genève, alors que Moscou a lancé la mobilisation partielle de ses réservistes. Pour Carole Grimaud, il y a "une grande confusion dans la mise en œuvre de cette mobilisation". Elle estime que "plus d'un million" de Russes seraient concernés par cette mobilisation, "c'est une confusion assez générale entre ce que disent les autorités et ce qui se passe sur le terrain dans les centres de recrutement".

franceinfo : Les Russes ne s'attendaient pas à la mobilisation partielle. Est-ce qu'il y a une rupture entre la population et le président Poutine ?

Carole Grimaud : Cette mobilisation n'était pas prévue. Par de nombreuses fois, le gouvernement avait démenti toute rumeur de mobilisation. La peur de la mobilisation existe parmi la population depuis quelques mois. Et cela avait toujours été démenti par les autorités. Or, on voit aujourd'hui cette mobilisation qui prend une grande ampleur. La population est prise de court. On a vu tous ces départs. On voit aussi une grande confusion dans la mise en œuvre de cette mobilisation avec de nombreuses erreurs et des informations contradictoires, et des régions qui seraient plus ciblées que d'autres. C'est une confusion assez générale entre ce que disent les autorités et ce qui se passe sur le terrain dans les centres de recrutement. Plus personne ne comprend plus rien.

Est-ce que cette mobilisation est plus large que ce que dit le Kremlin ? Le sentiment est que l'on enrôle à tour de bras en Russie en ce moment.

C'est le sentiment que l'on a. Même des femmes sont enrôlées. Il y a le cas d'une femme médecin qui a reçu sa convocation de mobilisation. Le chiffre est tenu secret. Ce serait une clause qui n'a pas été publiée. Les soupçons qui pèsent déjà depuis hier sont que cette mobilisation porterait non pas sur 300 000, comme le chiffre donné par le ministre de la Défense, mais plutôt sur un million et peut être même plus d'un million de personnes.

Aux yeux des Russes, est-ce qu’avec cette mobilisation, la guerre dévoile maintenant son vrai visage ?

On ne parle toujours pas de guerre, on s'en tient encore à cette opération spéciale. Mais bien sûr, la population mobilisée n'est pas dupe et comprend bien que la Russie entre en guerre avec cette mobilisation-là. Il y a aussi les mobilisés qui ne résistent pas, et qui, par sentiment patriotique, déclarent vouloir faire leur devoir et se rendent au bureau de recrutement de façon volontaire. Mais ce que l'on voit, c'est surtout cette confusion et ces informations contradictoires qui font paniquer la population. Les contrôles se sont répétés aux frontières, les policiers apparaissent de plus en plus nombreux dans les villes où il y a toujours des manifestations, des arrestations et encore aujourd'hui. Pour le flux de Russes, ceux qui ont pu sortir du territoire par voie terrestre ou par les airs, les contrôles se durcissent. Vous devez prouver que vous avez un billet de retour, ou on vous demande la somme d'argent que vous avez pour partir. On vous demande toutes sortes de documents. Et cela devient de plus en plus difficile.

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