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L'article à lire pour tout comprendre sur la présidentielle en Ukraine

Les Ukrainiens sont appelés aux urnes pour désigner un nouveau président, trois mois après la destitution de Viktor Ianoukovitch.

Article rédigé par Mathieu Dehlinger
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 10min
Une électrice passe devant des isoloirs lors de l'élection présidentielle, à Kiev (Ukraine), le 25 mai 2014. ( GLEB GARANICH / REUTERS)

L'étape est "cruciale" pour les Occidentaux. Les Ukrainiens sont appelés à élire, dimanche 25 mai, un successeur au président Viktor Ianoukovitch, destitué en février. Le scrutin a valeur de test pour les autorités de transition pro-européennes de Kiev, confrontées à de violentes insurrections dans l'est du pays depuis la révolution de la place de l'Indépendance.

Francetv info revient sur les principaux enjeux du scrutin.

Je croyais qu'il y avait une insurrection dans le pays. Comment peut-on organiser une élection présidentielle ?

En réalité, la situation est plutôt stable dans la majeure partie du pays, explique RFI : 85% de la population vit en dehors des régions qui ont des velléités séparatistes, rappelle Mashable (en anglais).

Les problèmes se concentrent dans l'Est, car les affrontements s'y poursuivent entre l'armée ukrainienne et les insurgés pro-russes, qui contrôlent en partie les provinces de Louhansk et Donetsk. Dix-neuf soldats ukrainiens sont morts jeudi dans ces régions, les plus lourdes pertes de l'armée depuis le lancement de son opération "antiterroriste" contre les séparatistes.

Des soldats ukrainiens inspectent le site d'une attaque séparatiste près du village de Blahodatne, dans l'est de l'Ukraine, le 22 mai 2014. (IVAN SEKRETAREV / AP/ SIPA)

Les séparatistes ont affiché à plusieurs reprises leur volonté de perturber le scrutin. 
"Les élections se dérouleront dans le chaos" dans l'Est, prédit dans le Wall Street Journal (en anglais) Sergei Tkachenko, directeur régional du Comité des électeurs d'Ukraine, une ONG qui surveille les élections. Pourtant, même dans ces régions pro-russes, les habitants commencent à afficher leur colère face aux séparatistes, en raison des violences et de l'instabilité, signale le New York Times (en anglais).

Pour pouvoir organiser malgré tout le vote, les autorités ukrainiennes ont annoncé le déploiement de plus de 75 000 hommes : 55 000 policiers et 20 000 volontaires. 2 000 observateurs internationaux doivent aussi être présents dans les bureaux de vote, rappelle RFI.

Oui, mais alors, qui pourra voter ?

Dans l'est de l'Ukraine, près de deux millions d'électeurs pourraient avoir des difficultés à se rendre aux urnes, selon la Commission centrale électorale. Il s'agit des citoyens résidant dans les provinces de Donetsk et Louhansk, où s'est tenu le 11 mai un référendum d'autodétermination contesté, organisé non pas par Kiev, mais par les insurgés. En Crimée, péninsule du sud de l'Ukraine rattachée de facto à la Russie depuis mi-mars, les habitants sont invités à se déplacer dans la province voisine de Kherson pour voter à la présidentielle, explique Mashable (en anglais).

Dans les régions de Donetsk et Louhansk, de nombreuses villes sont dirigées par des maires rebelles, appuyés par des milices qui se sont emparées des bâtiments officiels. A Donetsk, un des derniers bureaux de vote qui tentait encore d'organiser le scrutin a dû se résoudre à fermer. Les Nations unies ont évoqué des enlèvements et des menaces à l'encontre des membres des commissions électorales.

Même les autorités de Kiev ne se font guère d'illusions. "Nous réalisons, et nous ne tromperons personne à ce sujet, qu'il sera impossible d'organiser des élections normales dans le territoire immense [de ces] régions, a concédé le ministre de l'Intérieur. Mais les élections auront lieu en Ukraine, quoi qu'il en soit, malgré la volonté des terroristes de les empêcher, même si elles sont perturbées."

Pourquoi ce scrutin est-il si important pour les autorités de Kiev ?

La présidentielle a valeur de test pour les autorités de Kiev : le scrutin doit renforcer leur légitimité et surtout afficher l'unité du pays, en ouvrant le maximum de bureaux de vote dans les régions sécessionnistes de l'Est, explique Le Monde (article payant). Si le vote est un succès, "il est possible que le pays reprenne la voie d'un processus constitutionnel, négocié et pacifique", estime un éditorialiste du Guardian (en anglais).

Le futur chef de l'Etat a de nombreux dossiers qui l'attendent, que liste La Croix : trouver un accord avec la Russie sur la fourniture de gaz, gérer l'insurrection dans l'Est, engager des réformes constitutionnelles, économiques et administratives.

Qui sont les candidats ?

La Commission centrale électorale avait enregistré 23 candidatures début avril, mais depuis, plusieurs candidats ont jeté l'éponge, signale l'agence Itar-Tass (en anglais). Ils sont donc 18, dimanche, à briguer les suffrages des électeurs ukrainiens.

Petro Porochenko, candidat à l'élection présidentielle, en meeting à Tcherkassy (Ukraine), le 20 mai 2014. (MYKOLA LAZARENKO / POROSHENKO PRESS-SERVICE / AFP)

Parmi eux, beaucoup de petits candidats. Seules deux personnalités émergent. D'un côté Petro  Porochenko, 48 ans, surnommé le "roi du chocolat" en raison de sa fortune, acquise dans cette industrie. Le parcours politique de cet homme est sinueux. Il a contribué à la fondation du Parti des régions de l'ex-président pro-russe Viktor Ianoukovitch, destitué en février : il fut même un temps son ministre de l'Economie. Mais il a aussi participé, en 2004, à la "révolution orange" menée par l'opposant de Viktor Ianoukovitch, Viktor Ioutchenko, dont il a été le ministre des Affaires étrangères.

L'ex-Première ministre ukrainienne Ioulia Timochenko, candidate à l'élection présidentielle, en meeting à Rivne (Ukraine), le 30 avril 2014. (ALEXANDER PROKOPENKO / TYMOSHENKO PRESS-SERVICE / AFP)

Face à lui, l'ancienne Première ministre Ioulia Timochenko, égérie de la "révolution orange". Condamnée à sept ans de prison en 2011 pour "abus de pouvoir" après la signature d'un accord gazier très avantageux pour la Russie, la "dame aux tresses" a été libérée à la faveur de la fuite de son ennemi de toujours, Viktor Ianoukovitch, et en a profité pour faire son retour en politique. Elle pâtit aujourd'hui de son image d'oligarque controversée, et de son mauvais bilan lors de ses années au pouvoir.

Et comment se déroule la campagne ?

Elle ne déchaîne pas les passions. Le Financial Times (en anglais), qui a suivi Petro Porochenko dans le centre de l'Ukraine, évoque un candidat reçu avec "respect", mais sans excès de joie. Avec la crise économique, la rébellion dans l'Est, et l'inquiétude autour de la présence de troupes russes à proximité de la frontière, l'heure est à la sobriété, bien plus que lors des campagnes passées, analyse le journal.

Dans l'est du pays, la campagne est quasiment invisible, raconte le Wall Street Journal (en anglais). Le quotidien assure n'avoir vu aucune affiche pour les deux principaux candidats dans le centre de Donetsk.

Alors qui va gagner ?

Petro Porochenko part favori, selon les différents sondages réalisés ces dernières
semaines. Le milliardaire récolterait 53,2% des voix dès le premier tour, estime l'institut ukrainien Socis, loin devant sa rivale Ioulia Timochenko, tout juste au-dessus de 10%. Seuls trois autres candidats dépasseraient la barre des 5%.

Petro Porochenko bénéficie de sa prudence et d'une image de bon manager, moins corrompu que les autres, analyse RFI pour expliquer ce succès annoncé. "Il faut que le président soit élu dès le premier tour", martèle le candidat en campagne. Une telle victoire semble à sa portée, mais il restait encore il y a quelques jours plus de 23% d'électeurs indécis.

Et la Russie dans tout ça ?

Vladimir Poutine, accusé d'encourager les séparatismes, se montre de plus en plus conciliant. Vendredi 23 mai, le président russe a annoncé que la Russie comptait "respecter le choix" des Ukrainiens, ajoutant que Moscou "travaillerait avec les nouvelles autorités". La Russie avait à plusieurs reprises exprimé ses doutes sur la légitimité du scrutin, même si début mai, Vladimir Poutine avait estimé que l'élection présidentielle ukrainienne était un "pas dans la bonne direction".

Autre signe d'apaisement, Moscou a ordonné lundi le retrait de ses troupes massées depuis plusieurs semaines pour des "exercices" à la frontière ukrainienne, et qui faisaient planer la menace d'une invasion de l'est du pays. Le New York Times lie cette apparente volonté de conciliation à la posture de favori de Petro Porochenko.

Selon le journal, le milliardaire redistribue les cartes du conflit ukrainien en offrant au Kremlin un partenaire ouvert au dialogue. C'est d'ailleurs l'un des axes de campagne de Petro Porochenko. "Je connais bien Poutine, affirme-t-il. J'ai une grande expérience de discussions avec lui, c'est un négociateur fort et difficile." Le candidat promet de régler la crise avec Moscou en trois mois.

J'ai eu la flemme de lire l'article en entier et j'ai scrollé vers le bas. Vous pouvez me faire un résumé ?

L'Ukraine organise, dimanche 25 mai, une élection pour désigner un nouveau président. Objectif : trouver un successeur au pro-russe Viktor Ianoukovitch, destitué en février sous la pression des révolutionnaires pro-occidentaux, et légitimer les nouvelles autorités de Kiev. 18 candidats s'affrontent pour le poste, mais un homme apparaît ultrafavori : le milliardaire Petro Porochenko, 48 ans, caracole en tête des sondages, malgré ses attaches passées avec Viktor Ianoukovitch.

Le scrutin est compliqué par les séparatistes pro-russes de l'est de l'Ukraine, qui ont affiché leur volonté de perturber les opérations de vote. Pour faire face, Kiev a annoncé le déploiement de 75 000 hommes partout dans le pays. A Moscou, Vladimir Poutine affiche des positions plus modérées que par le passé : peut-être à cause de la victoire annoncée de Petro Porochenko, qui semble ouvert au dialogue avec le Kremlin.

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