Guerre en Ukraine : trois questions sur la zone d'exclusion aérienne réclamée par Volodymyr Zelensky mais refusée par l'Otan
Cette mesure était demandée par le président ukrainien pour empêcher la Russie de procéder à des frappes aériennes contre les populations civiles.
Interdire le survol de l'Ukraine pour empêcher les bombardements de l'armée russe ? C'est ce que Kiev réclame aux Occidentaux depuis des jours, sans succès. L'Otan a formellement rejeté l'instauration d'une zone d'exclusion aérienne au-dessus de l'Ukraine, vendredi 4 mars, craignant qu'elle ne provoque une escalade mondiale du conflit. Explications sur les raisons de cette décision.
1Qu'est-ce qu'une zone d'exclusion aérienne ?
La mise en place d'une zone d'exclusion aérienne (ou "no-fly zone" en anglais), doit permettre d'interdire le survol aérien d'une zone. Elle est autorisée par l'article 42 de la Charte des Nations unies. Il y est précisé qu'en cas d'inadéquation des premières mesures décidées pour le maintien ou le rétablissement de la paix et de la sécurité internationales, "des démonstrations, des mesures de blocus et d'autres opérations exécutées par des forces aériennes, navales ou terrestres de Membres des Nations unies" peuvent être entreprises.
Concrètement, en cas d'établissement d'une "no-fly zone", les avions qui survolent le territoire touché doivent demander une autorisation à l'institution qui a mis en place le blocage de l'espace aérien. Si l'avion se soustrait à la règle, il sera considéré comme un avion ennemi et pourra être abattu. En 2011, le Conseil de sécurité des Nations unies, à New York, a ainsi voté une résolution instaurant une zone d'exclusion aérienne au-dessus de la Libye.
2Pourquoi l'Ukraine a-t-elle fait cette demande ?
En demandant cette mesure, Kiev espérait un répit dans les bombardements menés par l'aviation russe, qui a pris le contrôle du ciel ukrainien.
Dmytro Kouleba, le ministre ukrainien des Affaires étrangères, s'est adressé à ses homologues vendredi, durant une réunion d'urgence des ministres des Affaires étrangères de l'Alliance pour demander la mise en place de la zone d'exclusion aérienne.
"Mon message a été : 'Agissez maintenant, avant qu'il ne soit trop tard. Ne laissez pas Poutine transformer l'Ukraine en Syrie'. Nous allons continuer à nous battre. Mais nous avons besoin de partenaires pour nous aider par des actions concrètes, résolues et rapides, maintenant", a raconté le ministre sur Twitter.
3Pourquoi l'Otan a-t-elle refusé de la mettre en place ?
La mise en place d'une zone d'exclusion aérienne n'est pas qu'une décision diplomatique. "La seule façon de mettre en œuvre une zone d'exclusion aérienne est d'envoyer des avions de chasse de l'Otan dans l'espace aérien de l'Ukraine, puis d'abattre des avions russes pour la faire respecter", a expliqué Jens Stoltenberg, secrétaire général de l'Otan, à l'issue de cette réunion.
Or, l'Alliance refuse catégoriquement l'envoi de ses troupes militaires sur place, à la fois sur le sol et dans les airs, car un tel virage serait synonyme d'escalade. "Les Alliés sont convenus que nous ne devrions pas avoir d'avions de l'Otan opérant dans l'espace aérien ukrainien ou des troupes de l'Otan au sol, car nous pourrions nous retrouver avec une guerre totale en Europe", a encore expliqué son secrétaire général.
"Nous avons la responsabilité d'empêcher l'escalade de cette guerre au-delà de l'Ukraine. Parce que cela serait encore plus dangereux, plus dévastateur, et causerait encore plus de souffrances humaines."
Jens Stoltenberg, secrétaire général de l'Otanle 4 mars 2022
Une analyse partagée par l'historien militaire Guillaume Lasconjarias, interrogé par France 24 : "Cela rendrait un conflit entre forces aériennes de la Russie et des forces de l'Otan littéralement inévitable."
Un affrontement entre les forces de l'Otan et la Russie serait d'autant plus dangereux qu'il mettrait aux prises des puissances nucléaires, les Etats-Unis et la Russie contrôlant ensemble environ 90% des ogives nucléaires mondiales, rappelle Vox (en anglais).
L'Otan a tout de même renforcé ses défenses à l'Est avec le déploiement pour la première fois de sa force de réaction rapide, l'envoi des milliers de soldats de l'Alliance dans les pays du flanc oriental et la mise en alerte de plus de 130 avions de combat et de plus de 200 navires en mer.
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