Cet article date de plus de deux ans.

Guerre en Ukraine : que signifie la "violation de l'intégrité physique de la centrale" nucléaire de Zaporijjia évoquée par le directeur de l'AIEA ?

Il s'agit de l'un des sept piliers de la sûreté et de la sécurité des centrales nucléaires, définis par l'Agence internationale de l'énergie atomique.

Article rédigé par franceinfo
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5min
Le directeur de l'Agence internationale pour l'énergie atomique (AEIA), Rafael Grossi, après l'inspection de la centrale nucléaire de Zaporijjia occupée par les forces russes, le 1er septembre 2022 en Ukraine. (METIN AKTAS / ANADOLU AGENCY / AFP)

L'heure des premières conclusions a sonné. A la fin de la première journée d'inspection de la centrale nucléaire de Zaporijjia occupée par les forces russes, le directeur de l'AIEA, Rafael Grossi, a estimé, jeudi 1er septembre, que "l'intégrité physique de la centrale [avait] été violée à plusieurs reprises", sans donner davantage de détails.

Le chef de l'Agence internationale pour l'énergie atomique a simplement affirmé que ses équipes en Ukraine n'avaient pas "d'éléments pour évaluer cela", mais que c'était "quelque chose qui ne [pouvait] pas continuer à se produire". Sa déclaration intervient alors que la centrale la plus puissante d'Europe est au cœur d'une guerre de communication entre la Russie et l'Ukraine, qui s'accusent mutuellement de bombardements sur et autour de cette centrale. Moscou a d'ailleurs jugé "très positif" que l'AIEA ait pu visiter les lieux. De son côté, l'opérateur ukrainien de la centrale, Energoatom, juge que "les occupants russes font tout leur possible pour empêcher la mission de l'AIEA de connaître les faits sur le terrain".

Le premier pilier de la sûreté nucléaire

Interrogée par franceinfo, Karine Herviou, directrice générale adjointe de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), tente de décrypter la phrase de Rafael Grossi. Selon elle, le patron de l'AIEA fait référence à certaines zones précises du site de Zapoijjia lorsqu'il évoque une violation de "l'intégrité physique de la centrale". Les zones "qui contiennent des matières radioactives comme les bâtiments d'entreposage à sec, d'assemblages de combustibles usés (de l'uranium déjà passé en réacteur) ou ceux de traitements de déchets radioactifs", précise-t-elle.

Le directeur de l'AEIA, dont la mission doit s'attacher à "faire le tour des installations et vérifier les systèmes de secours en s'assurant qu'ils ont été testés", selon Karine Herviou, a donné quelques détails sur le travail de ses équipes, prolongé jusqu'à "dimanche ou lundi". Il s'agit d'abord de s'assurer que l'intégrité physique des installations est maintenue, notamment au niveau des réacteurs et des piscines d'entreposage du combustible usé. Cette priorité est en réalité le premier pilier de sûreté et de sécurité d'une centrale nucléaire, comme le définit l'AIEA.

L'alimentation électrique de la centrale en question

"Nous avons pu visiter tout le site. J'étais dans les unités [de réacteurs], j'ai vu le système d'urgence et d'autres pièces, les salles de contrôle", a expliqué Rafael Grossi. Il a aussi salué le personnel ukrainien toujours présent à la centrale tombée en mars aux mains des soldats russes. L'AEIA espère par ailleurs "maintenir une présence permanente sur le site", notamment pour travailler sur l'approvisionnement en électricité de la centrale de Zaporijjia. Cet élément est hautement important puisqu'il assure le refroidissement des réacteurs.

La semaine dernière, justement, la centrale a été déconnectée du réseau électrique durant quelques heures, obligeant les six réacteurs (deux sont encore en marche) à utiliser leurs systèmes de protection d'urgence avec des groupes électrogènes. De ce fait, la violation de l'intégrité de la centrale évoquée par le directeur de l'AEIA "peut aussi avoir un rapport avec l'alimentation électrique", abonde Karine Herviou. Pour autant, "aucune augmentation anormale de la radioactivité n'a été observée à Zaporijjia", rassure la directrice générale adjointe de l'IRSN.

L'Agence internationale pour l'énergie atomique identifie six autres piliers de sûreté et de sécurité d'une centrale nucléaire, en plus de l'intégrité physique des installations évoquée par son directeur. Il s'agit de s'assurer que les systèmes de sécurité sont fonctionnels, que le personnel travaille sans pression ou encore que la centrale dispose d'une alimentation électrique hors du site qui fonctionne de manière sécurisée. Le maintien d'une chaîne logistique continue, la surveillance des radiations et la communication du site avec les autorités complètent ce tableau. Début août, l'agence jugeait que cinq de ces sept piliers n'étaient plus respectés dans la centrale de Zaporijjia.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.