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Guerre en Ukraine : que sait-on de l'"offensive de grande envergure" que la Russie dit avoir repoussée dans le Donbass ?

Les autorités ukrainiennes, dont la contre-offensive est attendue depuis des mois, n'ont pas répondu à l'annonce faite par la Russie lundi.
Article rédigé par franceinfo
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Capture d'écran d'une vidéo diffusée par le ministère de la Défense russe, le 5 juin 2023, censée montrer des frappes contre des blindés de l'armée ukrainienne lors d'une tentative d'offensive repoussée dans le sud de la région de Donetsk (Ukraine). (RUSSIAN DEFENSE MINISTRY / AP / SIPA)

Le moment de la contre-offensive de l'armée ukrainienne est-il venu ? La question s'est déjà posée à plusieurs reprises depuis le printemps, et elle ressurgit lundi 5 juin : le ministère de la Défense russe dit avoir repoussé dimanche matin une "offensive de grande envergure" dans le Donbass, l'une des régions occupées de l'est de l'Ukraine. Mais des responsables prorusses locaux, ainsi que des blogueurs militaires soutenant Moscou, décrivent une attaque toujours en cours, plus importante qu'annoncé. Lundi, l'Ukraine a confirmé mener des "actions offensives" dans certains secteurs du front, revendiquant des gains près de la ville dévastée de Bakhmout dans l'Est, tout en minimisant l'échelle de ces attaques évoquées par Moscou. Que sait-on de ce qui se joue sur ce secteur du front de l'Est ? Franceinfo vous résume la situation.

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La Russie dit avoir repoussé une offensive de blindés

Le ministre de la Défense russe est le premier à avoir évoqué les événements. Dimanche matin, "l'ennemi a lancé une offensive de grande envergure dans cinq secteurs du front dans la direction du sud de la région de Donetsk", affirment les autorités militaires dans un communiqué sur Telegram, sans faire pour autant de lien explicite avec la contre-offensive annoncée par Kiev depuis plusieurs mois.

Le ministère de la Défense russe ne livre pas de localisation plus précise de l'incident. Mais il revendique une victoire : "L'ennemi n'a pas atteint son but" de percer les défenses russes, écrit le ministère, qui revendique avoir tué 250 soldats ukrainiens et détruit 16 tanks, 21 véhicules blindés et trois véhicules d'infanterie. A l'appui de cette affirmation, il diffuse une vidéo censée montrer le bombardement de véhicules ukrainiens mais dont l'authenticité et le contexte sont difficilement vérifiables.

Le message affirme également que le commandant des opérations russes en Ukraine, Valéri Guérassimov, se trouvait pendant l'assaut "à l'un des postes de commandement avancé et de contrôle" de la zone visée. A lire le message, l'offensive ukrainienne semble s'être arrêtée là.

D'autres voix, côté russe, affirment que l'attaque se poursuit

Depuis cette communication russe, lundi matin, d'autres sources ont dressé un tableau plus complexe de la situation. L'Institute for the Study of War, un groupe de réflexion américain, rapporte ainsi des avancées ukrainiennes dans plusieurs localités du sud de la région de Donetsk dimanche, disant s'appuyer sur des sources russes anonymes, et sans qu'il soit possible d'établir si les zones mentionnées correspondent à celles évoquées par Moscou.

Cités par l'agence russe Tass, deux dirigeants locaux ont évoqué en particulier la situation dans une zone à la lisière des régions de Zaporijjia et Donetsk, en dressant un tableau plus contrasté. Selon un conseiller du chef des séparatistes de la région de Donetsk, Yan Gagin, l'attaque ukrainienne a été "neutralisée" mais elle continue de "tirer sur des positions russes" et d'amasser des forces. "Les combats continuent à l'est de la zone attaquée hier [dimanche]" et "une bataille d'artillerie est en cours", affirme à Tass le leader d'un groupe prorusse de la région de Zaporijjia, Vladimir Rogov. "Notre armée retient l'assaut", a-t-il assuré lundi à la mi-journée sur son canal Telegram, faisant aussi état de bombardements à l'arrière du front. Plus tôt, il analysait ces attaques ukrainiennes comme une façon de "sonder la ligne de défense" russe en préparation d'une offensive à plus grande échelle.

"La situation à Novodonets'ke et à l'est vers Velyka Novossilka est difficile – l'ennemi, ayant senti nos points faibles, intensifie ses efforts", écrit de son côté Alexandr Khodakovski, commandant d'un bataillon de volontaires pro-russe dans la région de Donestk, lundi sur Telegram.

La situation sur cette portion du front, dans le sud de la région de Donetsk, est également commentée par plusieurs blogueurs militaires russes très suivis. L'ancien leader séparatiste Igor Girkine, souvent critique de la conduite de l'invasion russe, affirme ainsi lundi sur Telegram que "le front n'a pas été percé" mais que l'armée ukrainienne a gagné du terrain et "n'a pas encore pleinement utilisé ses principales forces" et pourrait cibler d'autres points simultanément. "L'attaque est bien plus grave qu'hier", affirme de son côté WarGonzo, autre influent canal prorusse d'analyse du conflit, qui évoque une avancée ukrainienne "d'au moins deux kilomètres". Ces affirmations témoignent d'un optimisme plus modéré que celui du Kremlin mais émanent de sources non officielles. 

L'Ukraine minimise et reste floue sur ses plans

Lundi matin, un organe de communication du ministère de la Défense ukrainien a indirectement démenti l'annonce d'une offensive repoussée : "Les forces d'occupation russes intensifient leurs opérations d'information et de psychologie", écrit-il sur Telegram, accusant la Russie de diffuser des fausses informations et "d'anciennes vidéos et photos" pour faire croire à des pertes ukrainiennes.

La vice-ministre de la Défense ukrainienne, Hanna Malyar, a confirmé lundi sur Telegram mener des "actions offensives" dans certains secteurs du front, revendiquant des "succès" près de la ville dévastée de Bakhmout dans l'Est, "épicentre des hostilités", tout en minimisant l'échelle de ces attaques que Moscou a affirmé avoir repoussées. "Pourquoi les Russes diffusent-ils activement des informations sur une contre-offensive ? Parce qu'ils ont besoin de détourner l'attention de la défaite dans la direction de Bakhmout", estime-t-elle.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky, lui, s'est contenté d'un message d'encouragement générique sur Twitter : "Le terrorisme russe doit être vaincu, chaque jour et chaque nuit, dans chaque région d'Ukraine." Les autorités ukrainiennes ont toujours entretenu le secret sur les préparatifs de leurs opérations. Dimanche, le ministre de la Défense ukrainien Oleksii Reznikov rappelait la nécessité de garder le silence dans un clip très remarqué et un message citant le groupe Depeche Mode.

Les combats se poursuivent sur plusieurs autres fronts

Lundi, le chef du groupe Wagner, Evguéni Prigojine, a affirmé que des troupes ukrainiennes avaient repris une partie de Berkhivka, une localité à quelques kilomètres au nord de Bakhmout, progressant donc dans leur tentative d'encerclement de la ville prise par l'armée russe en mai. Le chef des séparatistes prorusses de la région de Donetsk, Denis Pouchiline, a évoqué une situation "difficile mais contrôlée" sur les flancs de la ville, selon les termes de l'agence russe Ria Novosti. Kiev a également gardé le silence sur la situation dans cette zone.

Dimanche, la Russie avait une nouvelle fois annoncé avoir repoussé des combattants russes pro-ukrainiens dans la région de Belgorod, frontalière du nord-est de l'Ukraine. Un de ces groupes a revendiqué, vidéo à l'appui, avoir capturé des prisonniers en territoire russe, ce qui serait une première. L'Ukraine dément tout lien avec ces attaques visant la région russe frontalière. Mais la multiplication des points d'affrontement le long de la ligne de front souligne que l'"offensive de grande envergure" évoquée lundi matin par Moscou, si elle a bien eu lieu, ne représente sans doute qu'une opération parmi d'autres dans la contre-offensive que Kiev prépare depuis des mois.

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