Guerre en Ukraine : pourquoi la Russie cible à nouveau les installations électriques et énergétiques
Des frappes qui contraignent l'Ukraine à se priver de courant. Trois centrales thermiques ukrainiennes ont subi d'importants dommages, vendredi 29 mars, après des frappes russes massives qui ont fait six blessés. L'opérateur national Ukrenergo s'est dit "contraint de procéder d'urgence à des coupures [de courant] jusqu'au soir" dans trois régions en raison du "manque de capacité de production" d'électricité. Le ministre de l'Energie ukrainien avait auparavant déclaré qu'une "attaque massive" avait visé des sites de production d'énergie dans les régions de Dnipropetrovsk, Poltava, et Tcherkassy. Des "restrictions" étaient déjà en place dans deux autres régions après de précédents bombardements.
Au cours des dernières semaines, Moscou a intensifié ses frappes aériennes contre l'Ukraine, tirant des dizaines de missiles et lançant des dizaines de drones explosifs sur l'infrastructure énergétique du pays agressé. Kiev avait déjà subi une campagne massive de bombardements contre ses installations électriques en 2022 et 2023, mais avait plutôt bien résisté en raison de défenses antiaériennes plus solides. Franceinfo vous explique pourquoi les Russes s'en prennent de nouveau à de telles cibles.
Pour "punir" l'Ukraine
Moscou a justifié ses frappes en réponse aux attaques menées par Kiev en Russie ces dernières semaines. Le 23 mars, deux civils ont été tués et plusieurs autres blessés dans une attaque de drones dans la région russe de Belgorod, frontalière de l'Ukraine. La ville de Belgorod a été visée par des frappes aux lance-roquettes, endommageant plusieurs immeubles résidentiels. Kiev a également visé les raffineries de pétrole russes et d'autres installations énergétiques dans cette région.
Le même jour, la Russie a affirmé avoir repoussé une attaque de dix missiles ukrainiens visant Sébastopol en Crimée, péninsule annexée en 2014 par Moscou. Le lendemain, l'Ukraine a déclaré avoir frappé deux navires russes en mer Noire. "Les forces armées ukrainiennes ont réussi à toucher les navires amphibies Yamal et Azov, ainsi qu'un centre de communications et d'autres infrastructures de la flotte russe de la mer Noire", ont précisé les forces armées ukrainiennes.
Viser les infrastructures énergétiques est stratégique. "Dans une campagne de frappes, il faut se concentrer sur un objectif précis pour que ça soit efficace. Si vous saupoudrez vos frappes un peu partout, il n'y aura pas d'effet massif", explique à franceinfo Michel Goya, historien militaire.
"Depuis fin 2022, les Russes se concentrent particulièrement sur le réseau énergétique et électrique ukrainien car c'est le système nerveux du pays. Cela perturbe toute la vie économique."
Michel Goya, historien militaireà franceinfo
Après sa réélection, le président russe Vladimir Poutine a également décrit les attaques ukrainiennes en Russie comme une tentative d'effrayer les habitants et faire dérailler l'élection qu'il a remportée. Il avait promis de répliquer, rappelle Associated Press.
Pour affaiblir encore la défense antiaérienne ukrainienne
Ces frappes russes visent aussi à saturer la défense ukrainienne, sous tension depuis des mois. "Elle dépend notamment de matériels comme les batteries Buk et les S-300", explique Michel Goya. Or, "ces batteries datent de l'époque soviétique et leur ravitaillement est très compliqué. Elles ne sont pas fabriquées en Europe [occidentale] et les pays d'Europe de l'Est ont déjà fourni des stocks", explique l'ancien militaire.
En 2023, les alliés de l'Ukraine ont bien fourni des systèmes de défense Patriot. Mais les munitions viennent à manquer. "Les batteries sont là mais plus les missiles. La défense ne peut donc pas couvrir toutes les attaques", reprend Michel Goya. Dans l'attente de nouvelles livraisons, les Ukrainiens cherchent donc "à tirer des vieux missiles occidentaux, comme les missiles Hawk, avec des batteries soviétiques", illustre le spécialiste.
Depuis plusieurs mois, Kiev réclame à ses alliés occidentaux davantage d'aide. En déplacement aux Etats-Unis jeudi, le président Volodymyr Zelensky a alerté sur "l'augmentation spectaculaire de la terreur aérienne russe". Mais l'aide américaine de 60 milliards de dollars voulue par le président démocrate Joe Biden, est bloquée depuis des mois au Congrès par le camp républicain soutenant Donald Trump. Du côté de Bruxelles, des divisions politiques ont enrayé la livraison d'armes et l'envoi de fonds ces derniers mois.
Pour opérer des avancées sur le terrain
Même si les frappes se distinguent des opérations sur le sol, la réussite des unes facilite le succès des autres. "Les frappes de grande profondeur peuvent par exemple aider à paralyser un système de commandement au sol", reprend Michel Goya. Or les forces russes grignotent du terrain depuis des semaines dans l'est de l'Ukraine, notamment avec la chute mi-février de la ville forteresse d'Avdiïvka. En mars, elles ont affirmé avoir capturé le village de Nevelské, près de la ville de Donetsk (déjà sous contrôle russe). Elles ont également revendiqué la prise d'Orlivka et d'Ivanivské, près de Bakhmout.
Alors que l'Ukraine est aussi confrontée au problème du recrutement de nouveaux soldats, le Kremlin est passé à une économie de guerre, en dédiant une grande part de son budget et de son industrie à la production militaire. Moscou assure aussi que, tous les mois, des dizaines de milliers d'hommes signent des contrats pour rejoindre l'armée.
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