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Guerre en Ukraine : "Pour la Turquie, cette crise est une opportunité pour sortir de son isolement", selon un spécialiste

Bayram Balci, directeur de l'Institut français d'études anatoliennes à Istanbul, était l'invité de franceinfo ce jeudi.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Le président ukrainien Volodymyr Zelensky et le chef d'Etat turc Recep Tayyip Erdogan, à Kyiv le 3 février 2022. (SERGEI SUPINSKY / AFP)

"La crise ukrainienne pour la Turquie est une opportunité pour sortir le pays de sa situation d'isolement", a confié ce jeudi 18 août sur franceinfo Bayram Balci, directeur de l'Institut français d'études anatoliennes à Istanbul, alors que se tient ce jeudi à Lviv une rencontre trilatérale entre Volodymyr Zelensky, Recep Tayyip Erdogan et Antonio Guterres. "Jusque-là, le rôle de la Turquie" dans ce conflit est "un succès", ajoute le chercheur.

franceinfo : Après six mois de guerre, que peut-on dire du rôle de la Turquie ?

Bayram Balci : Le rôle de la Turquie est assez singulier et crucial parce que la Turquie entretient des relations complexes avec les deux protagonistes. La Turquie a des relations économiques importantes avec la Russie. Il y a une certaine dépendance car elle importe du gaz russe. Elle reçoit aussi beaucoup de touristes russes, ce qui est crucial pour son économie. De plus, beaucoup d'entreprises turques travaillent en Russie. Il y a donc un besoin de coopération économique.



Cependant, la Turquie craint également la Russie. Historiquement, les relations entre les deux pays ont toujours été compliquées. La Turquie est vulnérable parce qu'elle est entourée par la Russie, à l'est, au nord et au sud. De ce fait, la Turquie est obligée de mesurer sa politique dans le conflit ukrainien parce qu'il en dépend de ses intérêts. Avec l'Ukraine, les relations sont beaucoup plus simples. L'Ukraine est un partenaire qui a des bonnes relations économiques et militaires avec la Turquie. On a tendance à l'oublier mais la Turquie soutient militairement l'Ukraine depuis le début de l'invasion russe et même avant. Des touristes ukrainiens viennent aussi en grand nombre en Turquie. Donc, la Turquie éprouve le besoin de jouer un rôle de médiatrice conciliatrice entre les deux.

Est-ce que vous pensez que le terme "arbitre" correspond à la Turquie dans cette guerre ?

Je pense que c'est l'intention de la Turquie. D'ailleurs, le rôle joué par la Turquie et par son président Erdogan a été un succès parce qu'il y a eu trois rencontres entre Russes et Ukrainiens organisées en Turquie. En plus de ça, l'accord sur la reprise d'exportations de céréales s'est fait avec le soutien de la Turquie. Est-ce que la Turquie pourra aller plus loin et apporter une solution à la guerre ? C'est compliqué de le dire. Néanmoins, jusque-là, le rôle de la Turquie est un succès. On peut dire également qu'il y a un calcul de la Turquie pour pouvoir se réconcilier avec une bonne partie de ses partenaires et de ses voisins. De ce fait, la crise ukrainienne pour la Turquie est un risque mais aussi une opportunité pour sortir le pays de sa situation d'isolement qui commençait à devenir assez pesante pour le pouvoir politique en Turquie.

La Turquie soutient l'Ukraine et pourtant ne souscrit pas aux sanctions européennes contre la Russie. N'est-ce pas étonnant ?

C'est étonnant mais en même temps, si l'on regarde la position de la Turquie, la particularité de la position turque, la proximité à la fois avec l'Ukraine et avec la Russie, le fait que la Turquie n'est pas occidentale, qu'elle n'est pas dans l'Union européenne, si l'économie russe s'effondre, ce serait une catastrophe pour la Turquie. Le pays importe 55% de son gaz depuis la Russie. De plus, le premier groupe de touristes à visiter la Turquie, ce sont les Russes. Il ne faut pas croire que la Turquie s'entend avec la Russie à 100%. La relation est complexe entre les deux pays. Même si l'on compare souvent Erdogan et Poutine, qui sont deux dirigeants autoritaires, la Turquie se méfie beaucoup de la Russie et de Poutine car elle sait que ce n'est pas un partenaire fiable à 100%.

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