Guerre en Ukraine : le cliché censé prouver la présence à Kiev de l'ex-militaire français Adrien Bocquet est un photomontage
"Les Révélateurs" de France Télévisions ont décortiqué et passé au détecteur de mensonges la photo produite par ce Français qui affirme avoir été témoin de crimes de guerre commis par des soldats ukrainiens. Cette image a été retouchée.
Une photo de mauvaise qualité, avec un panneau routier barré de rouge portant l'inscription "Kiev" en ukrainien. Au premier plan, Adrien Bocquet. Cet ancien militaire français a fait le tour des radios et des télévisions au mois de mai (sur BFM, LCI, Sud Radio, Valeurs Actuelles…) pour livrer son témoignage sur la guerre en Ukraine. L'homme a affirmé s'est rendu sur place et avoir été le témoin d'exactions commises par des combattants non pas russes mais ukrainiens, servant au sein du controversé régiment Azov. Il a assuré avoir les preuves de ses dires en vidéos.
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Mais Libération et le collectif StopFake ont pointé les incohérences, notamment chronologiques, et les zones d'ombre amenant à douter de la véracité de son récit. Checknews a également révélé que l'ancien soldat avait enjolivé ses états de services sous les drapeaux tricolores. Sous le feu des critiques de Libé, Adrien Bocquet a, le 4 juin, tweeté cette photo censée le montrer aux portes de la capitale ukrainienne, afin de prouver qu'il est bien allé à Kiev. "Les Révélateurs" de France Télévisions ont passé ce cliché au détecteur de mensonges et découvert… qu'il avait été truqué.
Une photo prise à 570 km à l'ouest de la capitale ukrainienne
Grâce à l'architecture des maisons à l'arrière-plan de la photo, "Les Révélateurs" sont parvenus à retrouver sur Google Street View le lieu exact où le cliché a été pris. Adrien Bocquet ne pose pas aux portes de la capitale ukrainienne, mais à 570 km à l'ouest de Kiev. Il se trouve précisément près du village d'Horodok, sur la route entre Shehyni, ville ukrainienne à la frontière de la Pologne, et Lviv, la grande ville de l'ouest de l'Ukraine.
Cette localisation est cohérente avec les investigations menées par Checknews et StopFake, qui ont géolocalisé plusieurs photos et vidéos d'Adrien Bocquet dans les environs de Lviv, où l'ex-militaire français s'est rendu début avril pour apporter des colis médicaux, selon les deux sites de lutte contre la désinformation.
Un cliché retouché pour y insérer un panneau "Kiev"
Comment un panneau indicateur marquant la sortie de la capitale ukrainienne peut-il alors se trouver au bord d'une route si loin de Kiev ? La réponse à cette question est apportée par une analyse du fichier image tweeté par Adrien Bocquet. L'outil Forensic du logiciel InVid, dédié à la détection d'images retouchées, révèle une anomalie : une différence de compression entre la partie de la photo contenant le panneau de signalisation et le reste de l'image. Or, sur les vues de Google Street View, le panneau de signalisation "Kiev" est absent. On trouve à sa place un panneau indiquant un passage piéton. Le panneau "Kiev" a donc selon toute vraisemblance été ajouté à la place du panneau signalant le passage piéton.
Adrien Bocquet dément avoir "photoshoppé" lui-même l'image
Interrogé par l'équipe de l'émission "Vrai ou fake" de franceinfo, Adrien Bocquet nie avoir modifié l'image. "C'est totalement faux, déclare-t-il, joint par téléphone. Moi, je vous réponds officiellement, moi je n'ai 'photoshoppé' aucune photo". L'image qu'il a mise en ligne a-t-elle alors pu être modifiée par un tiers ? "C'est peut-être possible", répond l'intéressé.
Un ancien militaire, Adrien Bocquet, est passé sur plusieurs chaines de télé pour témoigner de crimes de guerre ukrainiens auxquels il a assisté. @CheckNewsfr et @RevelateursFTV ont montré que son témoignage était en partie bidonné. Je l'ai appelé pour qu'il puisse s'expliquer. pic.twitter.com/zvF2ldIVK9
— Julien Pain (@JulienPain) June 15, 2022
Adrien Bocquet continue de se présenter comme le témoin de crimes de guerre ukrainiens. Il est récemment apparu dans "Vremia", l'émission d'information la plus regardée de la première chaîne russe, comme le relevait France Inter début juin. Il y commentait des vidéos d'actes de torture de soldats russes commis par des militaires ukrainiens. Des images filmées avant son arrivée en Ukraine. Le Monde a confirmé leur authenticité, ce qui prouve que des exactions ont bien été commises par des membres de l'armée ukrainienne.
Cependant, les multiples contradictions d'Adrien Bocquet au sujet de son voyage en Ukraine font qu'on ne peut pas considérer l'ancien militaire français comme un témoin crédible. A ce jour, l'homme n'a apporté aucune preuve tangible de sa présence à Kiev ou à Boutcha, ville martyre au nord-ouest de la capitale ukrainienne.
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