Guerre en Ukraine : les deux derniers journalistes présents à Marioupol racontent leur fuite de la ville assiégée
Mstyslav Chernov et Evgeniy Maloletka étaient les derniers journalistes travaillant pour un média étranger, l'agence américaine AP, encore présents dans la ville du sud-est de l'Ukraine, où "plus de 80% des infrastructures sont endommagées ou détruites", d'après Pavlo Kirelenko, un responsable de l'administration militaire de Donetsk.
"Les Russes nous traquaient. Ils avaient une liste de noms, dont les nôtres, et ils se rapprochaient." Dans un long récit publié sur le site d'Associated Press (lien en anglais), lundi 21 mars, un journaliste travaillant pour cette agence de presse américaine, Mstyslav Chernov, relate ses derniers jours dans le port assiégé de Marioupol (Ukraine) avec le photographe Evgeniy Maloletka, avant leur fuite de la ville devastée.
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Mstyslav Chernov et Evgeniy Maloletka étaient les derniers journalistes travaillant pour un média étranger encore présents dans la ville du sud-est de l'Ukraine, où "plus de 80% des infrastructures sont endommagées ou détruites", d'après Pavlo Kirelenko, un responsable de l'administration militaire de Donetsk. Ils ont fui après plusieurs semaines passées à couvrir le siège de la ville par les forces russes, se sentant directement menacés, rapportent-ils.
"Nous faisions un reportage à l'intérieur de l'hôpital lorsque des hommes armés ont commencé à rôder dans les couloirs. Les chirurgiens nous ont donné des blouses blanches à porter comme camouflage. Soudain, à l'aube, une dizaine de soldats ont fait irruption : 'Où sont les journalistes, putain ?'"
Mstyslav Chernovdans un article d'Associated Press
Dans ce récit, Mstyslav Chernov relate également les propos d'un policier de Marioupol, confirmant ces menaces russes : "S'ils vous attrapent, ils vous filmeront et ils vous feront dire que tout ce que vous avez filmé est un mensonge", a assuré l'agent aux reporters. "Tous vos efforts et tout ce que vous avez fait à Marioupol seront vains."
"J'ai tellement vu la mort"
Arrivés le 23 février dans le port, à la veille des débuts de l'invasion russe de l'Ukraine, les reporters d'Associated Press sont partis de la ville le 15 mars. Pendant ces trois semaines, ils ont été témoins de "morts à l'hôpital, de cadavres dans les rues, de dizaines de corps poussés dans une fosse commune". "J'ai tellement vu la mort que je filmais presque sans en prendre conscience", décrit Mstyslav Chernov. L'équipe d'Associated Press était également présente lors du bombardement d'une maternité, le 9 mars. "Lorsque nous sommes arrivés, les secouristes étaient encore en train de sortir des ruines des femmes enceintes ensanglantées."
"Une bombe à la fois, les Russes ont coupé l'électricité, l'eau, l'approvisionnement alimentaire et enfin, surtout, les tours de téléphonie cellulaire, de radio et de télévision."
Mstyslav Chernovdans un article d'Associated Press
Pour le journaliste, "l'absence d'information dans un blocus accomplit deux objectifs". "Le chaos est le premier. Les gens ne savent pas ce qui se passe et ils paniquent. (...) L'impunité est le deuxième objectif", poursuit le reporter. "En l'absence d'informations provenant d'une ville, d'images de bâtiments démolis et d'enfants mourants, les forces russes pouvaient faire ce qu'elles voulaient. C'est pourquoi nous avons pris de tels risques, pour pouvoir envoyer au monde ce que nous avons vu, et c'est ce qui a mis la Russie suffisamment en colère pour nous traquer."
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