Guerre en Ukraine : des forces ukrainiennes accusées d'avoir exécuté des soldats russes
Une vidéo a émergé lundi sur les réseaux sociaux, dans laquelle on aperçoit quatre hommes en tenue militaire gisant dans des mares de sang.
Les images sont insoutenables. Couchés sur le sol, deux hommes en tenue militaire se vident de leur sang, qui s'écoule sur le bitume d'une route défoncée. On distingue un bruit sourd de respiration. "Il est encore vivant", commente une voix. Un militaire fait retentir deux coups de feu, mais le corps bouge encore. Un troisième tir met un point final au ronflement rauque de la victime. Quelques mètres plus loin, deux autres hommes sont étendus dans le sang, dont l'un a les mains liées dans le dos. Certains portent le brassard blanc des forces russes. "Slava Ukraini" ("Gloire à l'Ukraine", en français), glisse un homme devant la caméra. Une douzaine de combattants apparaissent à l'image.
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Un blindé BMD-2 russe, marqué de la lettre "V", est visible sur le bas-côté. Ces meurtres semblent avoir été commis à la suite d'une embuscade menée par des soldats ukrainiens contre une colonne russe, écrit le New York Times (en anglais).
"Des soldats sur place nous ont dit que cette attaque s'était produite 48 heures plus tôt", écrivait, samedi 2 avril, le journaliste indépendant Oz Katerji, qui a constaté la destruction de 13 chars et blindés. Le même jour, le ministère de la Défense russe diffusait la vidéo d'un convoi russe détruit près du village de Dmitrovka, à l'ouest de Kiev, où s'opérait le retrait des troupes envoyées par Moscou.
"Les voilà, les défenseurs de l'armée russe"
La BBC a localisé la route qui relie Dmitrovka à Irpin et Boutcha, en recoupant plusieurs éléments visuels (en anglais). Le média britannique diffuse également une image satellite de Maxar Technologies, datée du 31 mars, sur laquelle figurent des blindés et des taches de sang sur le sol. Selon la BBC, la scène a été tournée dans l'après-midi du 29 mars, ou plus tôt, car une première version de la vidéo est apparue dans la matinée du 30 mars. Il est fort probable que les victimes soient des soldats russes, comme le suggère la déclaration de l'un des hommes : "Les voilà, les défenseurs de l'armée russe".
L'unité en question n'est pas formellement identifiée, mais le média ukrainien Unian attribue le succès de l'embuscade à la légion géorgienne, une organisation paramilitaire qui combat aux côtés de Kiev. Selon le New York Times, l'un des soldats impliqués évoque également des "garçons de Belgravia", ce qui fait vraisemblablement référence à un lotissement tout proche. Certains comptes Telegram prorusses affirment, quant à eux, avoir identifié deux hommes qui apparaissent à l'image, en livrant leurs noms. Il s'agirait d'un combattant géorgien, ancien garde du corps de l'ex-président Mikheil Saakashvili, et d'un combattant de Kiev.
Ces images ont fait réagir Moscou, qui condamne des "crimes de guerre". Le comité d'enquête de la Fédération de Russie a annoncé des poursuites contre le commandant de la Légion géorgienne Mamuka Mamulashvili. Lors d'une émission sur YouTube, mercredi, ce dernier avait déclaré que ses hommes ne feraient pas de prisonniers russes ou "kadyrovite"– laissant entendre qu'ils réglaient le sort des vaincus dans le sang. "Je n'ai pas vu la vidéo", a commenté Dmytro Kuleba en marge de son déplacement à l'Otan à Bruxelles (Belgique), réaffirmant que l'armée ukrainienne "respectait les règles de la guerre", mais sans exclure un acte isolé qui fera l'objet d'une enquête. Avant d'ajouter : "Vous ne comprenez pas comment on se sent après avoir vu les images de Boutcha".
Une vidéo plus ancienne pose aussi question
Ce n'est pas la première fois que les forces armées de Kiev sont pointées du doigt. Quelques jours plus tôt, déjà, une autre vidéo avait été largement commentée, sur laquelle des hommes en tenue militaire apparaissaient en train de torturer des prisonniers. Certains d'entre eux arboraient le brassard blanc, porté par les forces russes, tandis qu'ils étaient frappés par des hommes au brassard bleu, signe de reconnaissance des forces ukrainiennes.
D'après la vérification des Révélateurs de franceinfo, la scène s'est bien déroulée dans une usine de produits laitiers, à l'est de Kharkiv, près du village de Mala Rohan, comme en témoignent plusieurs éléments visuels concordants (poteaux rouges, bâtiment, motifs au sol...). Cette localisation est d'ailleurs cohérente avec la situation militaire en cours. Le village de Mala Rohan venait d'être libéré par les forces ukrainiennes, entre le 25 et le 26 mars, lors d'une offensive.
Le commandant en chef des forces ukrainiennes, Valeri Zaloujny, avait dénoncé sur Facebook une mise en scène russe ayant pour objectif de "discréditer les forces de défense" de Kiev. Le même jour, le conseiller présidentiel Alexeï Arestovitch avait pour sa part déclaré qu'une enquête serait lancée et que "les coupables, s'ils sont trouvés, seraient punis". Quatre jours plus tard, l'ONG Human Rights Watch avait évoqué de potentiels "crimes de guerre" ukrainiens et réclamé à Kiev de faire toute la lumière sur cet épisode. Plus largement, elle réclame toujours à l'Ukraine de faire cesser la diffusion d'images de prisonniers russes sur les réseaux sociaux.
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