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Guerre en Ukraine : "Aucun élément ne conduit au constat qu'un crime de génocide est en train de se commettre", déclare une avocate

Qu'il n'y ait pas de génocide ne veut pas dire qu'il n'y a pas de crimes de guerre ou contre l'humanité, précise Clémence Bectarte, avocate auprès de la Fédération internationale pour les droits humains (Fidh).

Article rédigé par franceinfo
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Clémence Bectarte, avocate auprès de la Fédération internationale des droits de l'Homme (Fidh), le 24 octobre 2016. (STEPHANE DE SAKUTIN / AFP)

"Il n'y a aucun élément aujourd'hui qui semble conduire au constat qu'un crime de génocide est en train de se commettre en Ukraine", a déclaré jeudi 14 avril sur franceinfo Clémence Bectarte, avocate auprès de la Fédération internationale pour les droits humains (Fidh). Alors que plusieurs dirigeants de la communauté internationale, dont Joe Biden, ont dénoncé le génocide commis par la Russie en Ukraine. Emmanuel Macron ne souhaite pas reprendre à son compte cette terminologie. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky s'est déclaré "blessé" par la réserve du chef de l'État français. "Il faut quand même rappeler que les mots ont un sens et qu'il est important de ne pas les dévoyer", affirme l'avocate.

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franceinfo : Faut-il utiliser le terme de génocide ?

Clémence Bectarte : Il n'y a aucun élément aujourd'hui qui semble conduire au constat qu'un crime de génocide est en train de se commettre en Ukraine. Le crime de génocide est effectivement défini par la volonté d'exterminer une population dans son ensemble en raison, en l'occurrence de sa nationalité. Ça ne semble vraiment pas être le cas, d'après les informations qui remontent aujourd'hui du terrain. Donc, il faut quand même rappeler que les mots ont un sens et qu'il est important de ne pas les dévoyer.

"Ce n'est pas parce qu'un crime de génocide n'est pas en train d'être perpétré qu'il n'y a pas pour autant des crimes d'une extrême gravité qui sont en train d'être commis en Ukraine."

Clémence Bectarte, avocate auprès de la Fidh

à franceinfo

>> Peut-on parler d'un "génocide" perpétré par l'armée russe, comme le dit le président Volodymyr Zelensky ?

C'est donc normal que la communauté internationale soit divisée sur cette question ?

Oui, et c'est d'autant plus normal qu'il s'agit là de termes juridiques et qu'il y a normalement le fait que ce sont des cours de justice qui doivent établir la réalité de ces crimes. C'est à la Cour pénale internationale de mener son enquête. C'est aux justices nationales de le faire et de pouvoir établir juridiquement si les éléments de ces différents crimes sont constitués. Mais encore une fois aujourd'hui, il est tout à fait pertinent de parler de crimes de guerre. La Cour pénale internationale a ouvert aussi une enquête qui vise de possibles crimes contre l'humanité.

Quelle est la différence entre crimes de guerre, crimes contre l'humanité et génocide ?

Les crimes de guerre sont des crimes commis dans un contexte de guerre en lien avec un conflit armé. Ce sont principalement de crimes commis contre les personnes protégées par le droit international humanitaire, donc les personnes civiles. Le crime contre l'humanité, c'est un crime qui peut être commis en temps de paix ou en temps de guerre, mais qui suppose la démonstration d'une attaque généralisée ou systématique contre une population civile. C'est franchir un certain degré et il faudrait démontrer que les autorités russes souhaitent lancer une attaque systématique ou généralisée qui aurait pour cible exclusive les populations civiles ukrainiennes. C'est l'une des qualifications pour lesquelles la Cour pénale internationale a ouvert son enquête depuis début mars. Cela montre bien qu'il y a une vigilance particulière sur cette qualification.

"Ce qui est aujourd'hui avéré comme étant des crimes de guerre commis par l'armée russe en Ukraine, pourrait peut-être atteindre le degré de crimes contre l'humanité."

Clémence Bectarte

à franceinfo

Cela prend du temps de définir la notion de tous ces crimes ?

Bien évidemment, il est très rare que la justice puisse s'exercer en temps réel. L'enquête a été ouverte très tôt, après le déclenchement de l'invasion russe au niveau de la Cour pénale internationale. Il y a aujourd'hui une douzaine d'États qui ont ouvert aussi des enquêtes devant leurs justices nationales, dont, bien sûr, l'Ukraine. Il faut saluer ces initiatives. C'est quand même très important qu'aujourd'hui, la question de la justice et de la lutte contre l'impunité soit placée très tôt dans la discussion internationale, très tôt à partir du début de cette invasion. Mais pour autant, il faut aussi rappeler que la justice est toujours un temps long qui doit être respecté, c'est important. D'abord parce qu'il est complexe de prouver les crimes, mais encore plus complexe d'arriver à établir les responsabilités, puisque c'est l'un des objectifs de l'enquête de la Cour pénale internationale, y compris d'arriver à établir les plus hautes responsabilités, qu'elles soient militaires ou politiques.

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