Destruction partielle d'un barrage en Ukraine : "La responsabilité des Russes est évidemment l'explication la plus probable", selon un historien militaire
"La responsabilité des Russes est évidemment l'explication la plus probable", déclare mardi 6 juin sur franceinfo Cédric Mas, historien militaire, président de l'Institut action résilience, après la destruction partielle d'un barrage hydroélectrique de Kakhovka dans le sud de l'Ukraine. Moscou et Kiev s'accusent mutuellement. La centrale de Kakhovka et son barrage sont situés sur la rive est du Dniepr, le plus grand fleuve d'Ukraine. Cette explosion va "rendre plus difficile", la contre-offensive ukrainienne, "parce que c'est au sud que se trouvent les berges les plus envahies", estime Cédric Mas.
franceinfo : Cette attaque fait partie, selon vous, d'une stratégie bien précise de l'armée russe ?
Cédric Mas : La destruction des zones que la Russie ne parvenait pas à défendre est quelque chose, malheureusement, que l'on a déjà constaté à plusieurs reprises. Il y a cette volonté de détruire, de ruiner, de transformer en désolation les terres qui étaient libérées, comme Kherson et toutes les zones au nord du Dniepr. On l'avait déjà connu autour d'Izioum à Kharkiv ou même autour de Kiev lors de l'évacuation fin mars-début avril. La responsabilité des Russes est évidemment l'explication la plus probable. Pour l'instant, on n'a pas de certitude, donc il faut rester prudent. Tout ce que l'on sait, c'est que les explosions ont commencé vers 2 h 20 du matin, puisque les personnes qui habitent autour, à partir de 2 h 20 du matin heure locale, ont signalé des bruits très importants et le bruit de l'eau qui s'écoulait des réservoirs.
Il y a un objectif des Russes dans cette affaire ?
Oui si on part du principe qu'il y avait une possibilité de la part des Ukrainiens de passer le fleuve pour attaquer et viser la Crimée. N'oubliez pas que c'est le chemin le plus direct vers la Crimée et que, à part les fortifications hâtivement construites par les Russes, il n'y a rien, aucun obstacle. Le terrain est complètement plat au sud du Dniepr, jusqu'à l'entrée de la presqu'île de la Crimée. Donc ça, c'est quelque chose qui en faisait une voie naturelle, à condition de pouvoir passer le fleuve. Bien évidemment, en élargissant la largeur du fleuve à franchir, avec ce que les militaires appellent une coupure humide, les Russes mettent une distance et ça leur permet de libérer des forces pour pouvoir les repositionner ailleurs où ils sont un peu plus en difficulté. Donc c'est une opération militaire, au-delà de ses conséquences désastreuses pour l'environnement et les habitants qui vont devoir continuer à vivre dans ces terres désolées lorsque la guerre se terminera.
>> Guerre en Ukraine : la Russie affirme avoir déjoué une contre-offensive de Kiev
Donc c'est bel et bien de nature à freiner la contre-offensive ukrainienne ?
Cela va la rendre plus difficile parce que c'est au sud que se trouvent les berges les plus envahies. Il va falloir stabiliser un nouveau point de passage, les rallonger, ce qui va les rendre plus vulnérables à des attaques aériennes, alors même que les moyens de défense antiaérienne ukrainiens sont mobilisés pour la défense de Kiev et d'autres villes. D'où l'explication aussi de toutes ces frappes et ces salves régulières. Cette nuit, il y avait encore 35 missiles qui ont été lancés sur Kiev, les grandes villes ukrainiennes, pour retenir les moyens antiaériens que nous livrons, qui sont très modernes et très efficaces. Il s'agit de les retenir loin du front et empêcher de protéger ces points de passage qui pourront ensuite être ciblés par les bombes planantes et les moyens d'artillerie d'aviation russe.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.