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Comment les turbines du gazoduc Nord Stream provoquent des tensions entre l'Ukraine, l'Allemagne et le Canada

Le gouvernement canadien a autorisé le retour en Europe de ces pièces en maintenance outre-Atlantique, même si cette décision déroge aux sanctions prononcées contre la Russie.

Article rédigé par franceinfo
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Le terminal du gazoduc Nord Stream à Lubmin (Allemagne), le 8 novembre 2011. (JOHN MACDOUGALL / AFP)

Une opération de maintenance qui vire à l'incident diplomatique. Au moins une turbine nécessaire au fonctionnement du gazoduc Nord Stream, qui permet d'approvisionner en gaz russe l'Allemagne et d'autres pays d'Europe de l'Ouest, a été envoyée au Canada, sur un site appartenant au groupe allemand Siemens. Les opérations terminées, Ottawa a donné son feu vert, samedi, au retour en Europe de ces précieux équipements, nécessaires au fonctionnement du gazoduc. Une fois rapatriée par Siemens, la turbine doit être remise à la Russie. La décision a été saluée mardi 13 juillet par la Commission européenne.

Comme de nombreuses entités et personnalités russes, la compagnie Gazprom fait pourtant l'objet de sanctions depuis l'invasion de l'Ukraine par l'armée russe. Le ministre des Ressources naturelles canadien, Jonathan Wilkinson, a donc dû signer un permis "révocable et d'une durée limitée" afin de permettre le retour des précieux équipements. Pour justifier cette exception, le ministre a souligné la nécessité de soutenir "la capacité de l'Europe à accéder à une énergie fiable et abordable alors qu'elle poursuit sa transition en s'éloignant du pétrole et du gaz russes".

Kiev craint d'autres exceptions aux sanctions

Cette décision canadienne a fait l'objet de vives condamnations à Kiev, où le président Volodymyr Zelensky a dénoncé une "exception absolument inacceptable au régime de sanctions contre la Russie". Les autorités redoutent que ce précédent n'ouvre la voie à d'autres exceptions aux sanctions occidentales. L'affaire a valu à l'ambassadeur canadien d'être convoqué à Kiev pour une explication de texte. Pour ne rien arranger, le gouvernement canadien a par la suite confirmé au site Politico (en anglais) que six turbines au total allaient être renvoyées à Nord Stream – leur nombre était jusqu'ici inconnu.

Au Canada, des manifestants se sont rassemblés devant le siège de Siemens, à Montréal, pour dénoncer le retour des turbines. Deux hommes ont même entamé une grève de la faim devant le Parlement à Ottawa. Cette décision crée "un dangereux précédent en pliant au chantage de Poutine sur l'Europe, et aura un impact négatif sur la position du Canada sur la scène mondiale", ont également dénoncé trois députés conservateurs, cités par La Presse. Le Congrès mondial ukrainien, une organisation représentative de la diaspora et des organisations ukrainiennes, a annoncé avoir assigné le gouvernement canadien en justice.

"Il ne s'agit pas que d'une turbine ou possiblement de plusieurs turbines (...). Il s'agit de succomber au chantage de la Russie."

Paul Grod, président du Congrès mondial ukrainien

dans un communiqué

L'Allemagne est très dépendante du gaz russe et son gouvernement se trouvait depuis plusieurs semaines "en contacts intensifs" avec Ottawa, afin de trouver une solution diplomatique et de permettre le retour des pièces. Berlin redoute un arrêt complet des exportations, qui serait catastrophique au moment où les stocks de gaz naturel doivent être reconstitués pour l'hiver. Volodymyr Zelensky, pour sa part, considérait que cette décision de rapatrier les turbines en Europe serait vue à Moscou comme "un signe de faiblesse". La Russie, selon lui, pourrait d'ailleurs, si elle le souhaitait, "arrêter complètement l'approvisionnement en gaz de l'Europe au moment le plus aigu".

Nord Stream à l'arrêt complet pour dix jours

Gazprom avait déjà réduit en juin les flux de 60% sur le gazoduc Nord Stream (100 millions de mètres cubes par jour, contre 167 prévus). A la mi-juin, le groupe Siemens Energy avait déclaré à l'agence Associated Press (en anglais) qu'il n'était pas en mesure de retourner ces pièces destinées aux stations de compression, dont la maintenance est prévue tous les dix ans. La compagnie russe en avait pris prétexte pour fermer en partie les robinets, même si plusieurs acteurs occidentaux doutaient de cette explication.

Le gazoduc est par ailleurs coupé depuis lundi et pour dix jours, pour des opérations de maintenance annuelle classiques. Cet arrêt devait, en théorie, n'être qu'une formalité technique, mais le contexte invite à la prudence. L'Allemagne et d'autres pays européens attendent désormais de voir si la livraison de gaz sera rétablie. Comme un avertissement, Gazprom a d'ailleurs réduit ses livraisons de gaz à l'Italie et l'Autriche, respectivement d'un tiers et de 70%, ont indiqué les énergéticiens autrichien OMV et italien ENI. Les deux pays sont en partie approvisionnés par le gazoduc TAG, qui passe par l'Ukraine, mais aussi par Nord Stream.

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