Les réformes de Matteo Renzi font descendre les Italiens dans la rue
Une grève générale de huit heures a été lancée, vendredi, par plusieurs syndicats. Ils dénoncent les réformes économiques et sociales menées par le président du Conseil italien.
L'Italie s'est arrêtée de tourner. Ecoles, transports, fonctionnaires, pompiers... La grève générale a duré pendant huit heures dans la péninsule, vendredi 12 décembre, avec toutefois un service minimum. Quelque 50 000 personnes ont ainsi défilé à Milan, selon les organisations syndicales, 70 000 à Turin, 40 000 à Rome ou 50 000 à Naples. Au total, les manifestations se sont déroulées dans une cinquantaine de villes.
A la fin octobre, déjà, des centaines de milliers de personnes étaient descendues dans la rue pour dénoncer la réforme du marché du travail engagée par le gouvernement du président du Conseil Matteo Renzi. Même si ce texte, qui doit lever les freins à l'embauche et relancer l'emploi, alors que le pays souffre d'un taux de chômage catastrophique, notamment chez les jeunes (plus de 43%), a été adopté depuis, la colère demeure. Tout au long de la journée, les manifestants ont souvent raillé "Renzinocchio" (un jeu de mots entre Renzi et Pinocchio), l'homme des paroles et des mensonges. Avec un seul mot d'ordre : "Non va cosi" ("Comme ça, c'est pas bon").
Un "Jobs Act" qui hérisse le poil des syndicats
Comme le précise La Repubblica (en italien), il existe actuellement plus d'une quarantaine de contrats de travail. Le "Jobs Act" porté par Matteo Renzi met donc en place un contrat unique à temps indéterminé, accompagné d'incitations fiscales pour l'employeur. Ces nouveaux contrats fonctionnent sur le principe d'une "protection croissante" au fil du temps. L'employeur peut facilement licencier sa recrue pendant les trois premières années, mais cela devient ensuite plus compliqué et plus coûteux. De quoi hérisser le poil des syndicats.
La réforme contient un autre point de crispation, puisqu'elle supprime l'article 18 du Code du travail (en italien). Un texte important aux yeux des salariés puisqu'il les protège contre les licenciements abusifs, en leur offrant la possibilité de déposer un recours en justice pour obtenir leur réintégration. Matteo Renzi a promis de plancher sur des exceptions, comme les licenciements économiques. Reste à connaître sa définition. Tout un symbole, quand on se souvient que Silvio Berlusconi lui-même avait dû renoncer à ce projet, quand plusieurs millions de personnes étaient descendues dans la rue, en 2002.
En contrepartie de cette flexibilité, le gouvernement prévoit la création d'une nouvelle indemnité-chômage, la Naspi, financée grâce à la baisse attendue du chômage. Pour y prétendre, il faut avoir travaillé au moins trois mois dans la dernière année de travail, ce qui représente une grande nouveauté. Quelque 400 000 Italiens supplémentaires sans aucun revenu pourraient ainsi bénéficier de cette nouvelle indemnité, selon les calculs du ministère de l'Economie italien.
Matteo Renzi face à ses frondeurs
Face à ces profondes réformes, les syndicats accusent le président du Conseil de les avoir oubliés. La secrétaire générale de la Confédération générale italienne du travail (CGIL), Susanna Camusso, estime, dans La Repubblica (en italien), que le gouvernement a pris "une gravissime décision unilatérale". Il faut dire que Matteo Renzi est du genre fonceur. Comme le précise Le Monde, il a bâclé en 30 minutes sa seule rencontre avec les syndicats, début octobre.
Et puis, les syndicats ne croient pas au pari du gouvernement. Susanna Camusso estime ainsi que la réforme "ne réduit pas la précarité, mais bien les droits et les protections" des salariés, tout en "encourageant les licenciements". En effet, comme l'explique le député Cesare Damiano, pourtant membre du Parti démocrate tout comme Matteo Renzi, beaucoup redoutent un effet d'aubaine chez les employeurs : "L'indemnisation en cas de licenciement doit être supérieure à la réduction des cotisations, sinon vous pourriez provoquer un comportement opportuniste chez certaines entreprises."
Enfin, à l'image de François Hollande, le président du Conseil doit, lui aussi, faire face à ses frondeurs. Le texte a été adopté de haute lutte (en italien), le 3 décembre, après un deuxième vote de confiance au Sénat. Comme Manuel Valls, le président du Conseil italien tente donc d'imposer des réformes qui heurtent la frange gauche de sa majorité. Le "Jobs Act" a "été traduit immédiatement par les conseillers de Manuel Valls et étudié ligne par ligne", expliquait le spécialiste de l'Italie Marc Lazar au JDD.
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