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Le Portugal vote alors que son économie n'est pas loin de celle de la Grèce

Le taux de chômage au Portugal est reparti légèrement à la hausse en août, à 12,4% contre 12,3% en juillet. Cette dernière statistique tombe mal pour le gouvernement conservateur juste avant les législatives portugaises du 4 octobre 2015. Un chiffre qui traduit la difficile situation de l’économie qui, malgré de meilleurs chiffres, n’a pas grand-chose à envier à celle de la Grèce.
Article rédigé par Pierre Magnan
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 8min
Pedro Passos Coelho, Premier ministre du Portugal (à droite), avec le drapeau national à la main, en campagne électorale le 27 septembre 2015. Le Parti social démocrate (à ne pas confondre avec le Parti socialiste) est au pouvoir avec les conservateurs. Cette alliance, Portugal a frente (Portugal en avant) brigue un nouveau mandat. (FRANCISCO LEONG / AFP)

Au Portugal, le «Syriza» portugais, le «Bloc de gauche», malgré la personnalité d'une de ses leaders, Mariana Mortagua, ne devrait pas bouleverser le paysage politique lors de ces législatives qui pourraient être marquées par un record d'abstention. Pourtant, la situation du pays n'est pas très différente de celle de la Grèce, un pays assez semblable par la taille de sa population (près de 11 millions d’habitants), par son économie (PIB) ou son histoire (sortie aussi d’une dictature en 1974). Mais la Grèce est entrée plus tôt dans l’UE et a connu une très forte croissance de 2001 à 2008 – ce qui n’a pas été le cas du Portugal –, avant de sombrer dans la crise.

Comme dans les autres pays de la zone euro en difficulté, le Portugal a dû appliquer le plan d’austérité voulu par la troïka après l’effondrement de ses finances à la suite de la crise des subprimes. C’est en 2011 que le gouvernement, alors socialiste, avait fait appel au FMI et à l’UE. Cependant, Lisbonne a pu sortir du programme d’«assistance» de l’UE en mai 2014, ce qui n’est pas le cas d’Athènes. 


Légère croissance et baisse du chômage
Résultat, la troïka a imposé au pays le cocktail classique fait de baisse des dépenses publiques, d’une politique sociale plus restrictive (baisse des indemnités chômage), de compression des salaires et des pensions sans compter, bien sûr, une hausse de la TVA (de 20 à 23%), un lourd programme de privatisations (énergie, transports). Dernière en date, le gouvernement portugais a bouclé, le 23 septembre 2015, la privatisation de la gestion des transports en commun de Lisbonne…
 
Cette politique d’amélioration des coûts – avec les effets sociaux négatifs qui vont avec – sont visibles dans les chiffres. On estime que le coût du travail a reculé de 8,8% entre fin 2013 et fin 2014. «Le salaire horaire moyen dans l’industrie charges comprises est passé de 10,30 euros à 9,80 euros», note Le Monde.
 
Sur le plan de la croissance, le pays espère atteindre une hausse du PIB de 1,6% en 2015 après une hausse de 0,9% en 2014. La première depuis 2010. L'amélioration de la compétitivité a d’ailleurs permis de relancer les exportations qui sont passées de 27% à 40% du PIB. Mais, car il y a des mais, la croissance ne redécolle pas vraiment. Elle reste fragile et «les prévisions du FMI ne font guère rêver : 1,5% en 2016, 1,4% en 2017... A ce rythme, le pays n'aura retrouvé son niveau de richesse de 2009 qu'en... 2020», note La Tribune
 
Au total, le «PIB a baissé de 6,5% entre 2010 et 2014», note Alternatives Economiques.
 
Le pays peut aussi afficher quelques bons résultats dans le domaine de l’emploi même si la dernière statistique était un peu sombre. Ainsi au deuxième trimestre, le taux de chômage a reculé de deux points par rapport à la même période de 2014 à 11,9%. Au pire de la crise, le chômage avait atteint les 17,5%.


Un prix élevé : 100.000 personnes quittent le pays chaque année
Mais cette baisse du chômage est en partie due à un phénomène inquiétant pour l'avenir du pays. «Cette baisse s'explique par un recul de la population active, de 0,8% sur un an, alimentée par l'émigration et le vieillissement de la population», selon La Tribune

Des chiffres qui pèsent sur l’âge de la population et les dépenses sociales (retraites et santé) puisque, comme le note Alternatives Economiques, la «population active a reculé de 350.000 personnes entre 2008 et 2015» du fait du départ de jeunes majoritairement diplômés.
 
«Nous avons eu quatre années d’austérité violente. Le PIB a baissé de 6% et nous avons 300.000 chômeurs supplémentaires, même si les chiffres du chômage sont manipulés par le gouvernement qui ne compte pas, par exemple, les demandeurs d’emploi qui effectuent des stages. Depuis le début de la crise, 500.000 Portugais ont émigré à l’étranger – c’est un retour aux chiffres de l’émigration des années 70. C’est presque 100.000 personnes qui quittent le pays chaque année. C’est une immigration qualifiée, de jeunes diplômés sans emploi. Le chômage touche environ 40% de la jeunesse.» Ce constat sévère est celui fait par le dirigeant du Bloc de gauche, Fernando Rosas. (Des chiffres font état d'une émigration de plus de 100.000 départs en deux ans).


Dette : vous avez aimé la Grèce, vous aimerez le Portugal
Il n’empêche que le Portugal a pu revenir sur les marchés pour se financer. 
 
Comme la Grèce, le Portugal traîne aussi son boulet de la dette. Effet mécanique de la purge qui a fait plonger la croissance, la dette publique est passée de 83,6% du PIB en 2009 à 130,2% en 2014. Un chiffre inférieur à celui de la Grèce certes… mais auquel il faut ajouter le poids de la dette privée qui, elle, est nettement supérieure à celle d’Athènes. Elle atteint les 237% du PIB en 2015…

Résultat, «le Portugal est en effet l’un des pays de l’Union où l’endettement total est le plus lourd», note Alternatives Economiques: 486% du PIB en ajoutant dettes publiques, dettes des ménages et dettes du secteur privé. Pour exemple, la dette totale de la Grèce est de 364% du PIB.
 
«Ce niveau est intenable à moyen terme, surtout avec une croissance moyenne de 1,5% du PIB», précise Romaric Godin dans La Tribune qui ajoute: «Ceci signifie que le Portugal est en équilibre instable. Il est un pays vulnérable à un choc externe ou à un ralentissement de la croissance, mais aussi sur un chemin qui, à moyen terme, est intenable par ses propres forces.»
 
Et la situation ne va pas aller en s'améliorant, les derniers chiffres du déficit ne vont pas dans le sens d’une réduction de la dette. Le léger assouplissement de la politique d’austérité dans toute l’europe et au Portugal a permis une légère reprise. Mais au prix d’un creusement du déficit. Celui-ci devrait atteindre 3,2% du PIB cette année contre un objectif de 2,8%. Il était encore de 4,5% en 2014, soit un chiffre supérieur à celui de la Grèce… Aujourd’hui, le Portugal peut se financer sur les marchés. Mais si les taux que paye Lisbonne sont acceptables c’est en grande partie grâce à la politique monétaire accomodante de la BCE et son quantitative easing. 
 
A la moindre tension – comme cet été lors de la crise grecque –, les taux remontent. Et en cas de crise durable, le Portugal a toutes les chances de se retrouver comme la Grèce.

Un thème de campagne qu'a tenté de mettre en avant la gauche de la gauche. «Nous ne pouvons pas continuer à payer des milliards d'euros d'intérêts à des marchés financiers qui ont spéculé contre notre dette publique pendant la crise!», estime Mariana Mortagua, avant d'ajouter: «l'austérité ne résout pas le problème de la dette, et dévaste l'économie».

Mariana Mortagua, du Bloc de gauche, lors d'un meeting le 18 septembre 2015 à Lisbonne. (PATRICIA DE MELO MOREIRA / AFP)

 


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