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Le ministère français de l'Agriculture a déploré samedi les heurts entre Greenpeace et des thoniers français.

"Il faut laisser la pêche se dérouler dans le cadre légal", a déclaré un porte-parole.Un militant britannique de Greenpeace, Frank Heweston, a été grièvement blessé vendredi lors d'incidents avec des pêcheurs français pêchant le thon rouge près de Malte. Les deux parties s'accusent mutuellement de violences.
Article rédigé par France2.fr
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Photo, prise par un phographe de Greenpeace, montrant des heurts entre les militants de l'ONG et des pêcheurs français (AFP - GREENPEACE - PAUL HILTON)

"Il faut laisser la pêche se dérouler dans le cadre légal", a déclaré un porte-parole.

Un militant britannique de Greenpeace, Frank Heweston, a été grièvement blessé vendredi lors d'incidents avec des pêcheurs français pêchant le thon rouge près de Malte. Les deux parties s'accusent mutuellement de violences.

Les militants de Greenpeace disent avoir voulu abaisser le filet d'un thonier français, le "Jean-Marie Christian 6", originaire de Sète, pour libérer les poissons. Frank Heweston a été blessé par un harpon, affirme l'ONG. Selon l'armateur sétois, les militants étaient armés de "couteaux et de blocs de ciment".

La pêche au thon rouge est une activité fortement encadrée, a rappelé le ministère de l'Agriculture et de la Pêche: les pêcheurs doivent donner leur position toutes les heures et leurs activités sont surveillées par un observateur indépendant afin qu'ils ne dépassent pas les quotas qui leur ont été assignés. Les prises des pêcheurs français atteignaient ce week-end 37 % de leurs quotas pour la courte campagne 2010 (des quotas en baisse de 38% sur l'année dernière), a précisé le porte-parole.

Cet incident est sans précédent depuis le début il y a cinq ans des campagnes de Greenpeace contre la pêche au thon rouge, une espèce qui fait les délices des amateurs de sushis.

Un incident sans précédent et 52 secondes d'images
Greenpeace et les pêcheurs français de thon rouge ont donné samedi des versions opposées des circonstances de l'affrontement qui a fait un blessé parmi les écologistes vendredi au large de Malte, l'ONG parlant d'"opération non violente" et les pêcheurs d'"attaque de brigands".


Les représentants des pêcheurs ont demandé à l'Etat "d'intervenir pour garantir la sécurité des marins". Un bâtiment de la Marine nationale est arrivé sur les lieux vendredi après l'incident annoncé par Greenpeace. Greenpeace devrait pour sa part porter plainte lundi auprès du parquet de Paris pour "coups et blessures et tentatives de coups et blessures".

En l'absence de témoin de l'incident qui ne soit ni pêcheur ni militant, l'organisation écologiste a rendu public un film de 52 secondes sur l'affrontement. On y voit un pêcheur arracher un drapeau à un militant et frapper avec la hampe des zodiacs chavirés et le militant britannique blessé qui hurle de douleur. Des injures fusent des bâteaux de pêche.

Le militant blessé, Frank Hewetson, 45 ans, a indiqué à l'AFP avoir été opéré dans un hôpital de Malte. Il indique que des pêcheurs ont jeté en direction de son zodiac un harpon, pour l'approcher de leur propre bateau, et que le harpon lui a transpersé la jambe gauche, se fichant "entre l'os et le muscle". "J'ai réussi à le retirer moi-même", a-t-il indiqué.

Selon Greenpeace, les pêcheurs ont tiré à l'aide de fusées de signalisation sur les militants et sur l'hélicoptère de l'ONG qui survolait la scène.

Par cette opération, qui avait mobilisé plusieurs zodiacs, les militants voulaient, expliquent-ils, "abaisser le filet d'un thonier senneur français", le "Jean-Marie Christian VI" de l'armateur sétois Jean-Marie Avallone, pour "libérer les poissons".

L'armateur, propriétaire de trois navires impliqués dans l'affaire, a contesté le caractère non-violent de l'opération de Greenpeace, en affirmant que les militants étaient armés de "couteaux et de blocs de ciment". Il a assimilé l'opération à "une attaque de brigands".

Un combat qui "s'apparente à de la "piraterie"
Le Comité national des pêches maritimes et des élevages marins va dans le même sens en affirmant que les pêcheurs ont été "attaqués" par des militants "casqués, équipés et engagés dans une action violente : la destruction de l'outil de travail". Il s'agit selon lui d'un "combat qui s'apparente à de la piraterie".

Une version que Greenpeace contestait formellement samedi : les militants qui intervenaient "de façon non-violente" n'étaient "absolument pas armés de couteaux", mais seulement "équipés de sacs de sable", puisqu'ils voulaient seulement "lester une des lignes de flottaison du filet pour l'abaisser et libérer les thons rouges".

Selon Greenpeace, la pêche à grande échelle a fait chuter de 80 % les réserves de thon rouge en Méditerranée et dans l'Atlantique-est. L'organisation demande sa fermeture provisoire, afin que se reconstituent les stocks.

"La pêche au thon rouge est une activité totalement légale et autorisée", rétorque Bertrand Wendling, directeur général de la Sathoan, qui représente les pêcheurs sétois. La saison dure du 15 mai au 15 juin.

Les thoniers sont légalement autorisés à pêcher, suivis avec des balises GPS et avec chacun à bord un observateur de l'ICCAT, l'organisme qui encadre la pêche au thon rouge au niveau international, souligne le Comité national des pêches.

En mars, à Doha, une proposition avait été étudiée visant à interdire le commerce international de "thunnus thynnus", une espèce très prisée par les Japonais. Mais une majorité d'Etats participant à la Convention internationale sur le commerce des espèces sauvages menacées l'avaient finalement rejetée.

Les craintes des pêcheurs sétois
Les pêcheurs français de thon rouge redoutent de faire les frais d'une surenchère entre organisations écologistes au large de Malte. "C'est la course à celle des organisations qui fera l'action la plus sensationnelle et ce sont les pêcheurs qui paient le prix fort", explique-t-on à la Sathoan, coopérative de thoniers de Sète.

Outre Greenpeace, qui a mobilisé les navires Rainbow Warrior et Arctic Sunrise pour la campagne de pêche prévue jusqu'à mi-juin, une autre ONG, Sea Shepherd, a annoncé cette année sa venue en Méditerranée. Son site promet "une intervention bien ficelée contre les braconniers du thon rouge". "C'est à celui qui se fera le plus voir pour récupérer des cotisations et des adhésions", estime la Sathoan, "Greenpeace s'attaque à la pêche légale alors que jusqu'à présent il luttait contre la pêche illégale".

Sea Shepherd a prévu de lancer sa campagne lundi. Son bateau, le "Steve-Irvin", est arrivé samedi soir à Malte.

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