Le juge Garzon a été suspendu de ses fonctions vendredi pour avoir voulu enquêter sur les crimes du franquisme
Cette mesure du Conseil général du pouvoir judiciaire (CGPJ) fait suite à la décision prise mercredi par un magistrat du Tribunal suprême d'ordonner l'ouverture d'un procès pour abus de pouvoir du juge.
Il lui est reproché d'avoir ouvert une instruction sur 10.000 disparitions durant la guerre civile de 1936-39 alors que les faits étaient amnistiés.
Cette suspension du célèbre juge Baltazar Garzon a été prise à l'unanimité des membres du CGPJ, l'organe de tutelle de la magistrature espagnole.
La suspension provisoire est normalement automatique en Espagne pour tout magistrat appelé à comparaître devant un tribunal pour des délits présumés commis dans l'exercice de ses fonctions.
Le juge Garzon a tenté d'échapper à cette mesure humiliante en demandant mardi sa mise en disponibilité pour travailler durant sept mois comme consultant à la Cour pénale internationale (CPI) de La Haye.
Mais le secteur conservateur du CGPJ a déjoué cette manoeuvre en convoquant une réunion extraordinaire vendredi matin pour statuer sur sa suspension avant même d'avoir à se prononcer sur sa mise en disponibilité.
Poursuivi par l'extrême-droite
Garzon est poursuivi par des organisations d'extrême droite pour avoir voulu en 2008 enquêter pour la première fois sur les disparus de la Guerre civile et de la répression franquiste, en enfreignant "sciemment" selon eux la loi d'amnistie générale votée en 1977, deux ans après la mort de Franco.
Il encourt une peine de 20 ans d'interdiction d'exercice de sa fonction de juge, qui mettrait un point final à sa carrière.
Soutien international au magistrat
Le juge Garzon , 54 ans, a reçu le soutien de nombreux juristes dans le monde qui estiment que les crimes contre l'humanité sont imprescriptibles et que la loi d'amnistie espagnole n'est pas conforme au droit international.
En Espagne, sa mise en accusation suscite une vive controverse. Elle choque profondément les milieux de gauche et les associations de victimes du franquisme. La droite estime que la justice doit suivre son cours en toute indépendance.
Colère des familles de victimes
"Le scénario a été respecté, c'est un jour très triste pour l'Espagne", a réagi avec amertume Santiago Macias, vice-président de l'Association pour la mémoire historique, qui groupe des familles de victimes républicaines de la guerre civile espagnole et de la dictature de Franco.
"Aujourd'hui, quelqu'un devrait sortir et dire: 'Espagnols, la justice est morte'", a-t-il ajouté, en référence au célèbre "Espagnols, Franco est mort" prononcé en 1975 par le présentateur en larmes de la télévision espagnole.
"Ce juge a été le premier à se préoccuper des victimes du franquisme. Que cela se termine ainsi, c'est lamentable", a ajouté le responsable de cette association qui est à l'origine de l'enquête controversée du juge Garzon.
Quelques minutes après l'annonce de sa suspension, le juge Garzon est sorti, souriant, des locaux du tribunal de l'Audience nationale où il a salué des partisans qui criaient "Garzon, ami! Le peuple est avec toi!".
Jeudi soir, il avait confié à l'issue d'un colloque qu'il assumerait la
décision de ses pairs, "avec la tranquillité que confère le fait de savoir qu'on est innocent de ce dont on vous accuse".
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