Le FMI européen a bouclé son capital, un pas vers un fédéralisme européen ?
Le rôle du MES est de pouvoir prêter aux Etats en difficultés, un peu à la façon du FMI. En échange de ces prêts, les Etats doivent s’engager à réaliser des réformes de structure. Cette obligation n’est pas absolue mais dans les faits, aucun Etat ne prêterait à fonds perdus à un autre pays sans que soient mises sur pieds un certain nombre de réformes structurelles. A commencer bien sûr par le traité budgétaire.
Avec ce capital, le MES peut emprunter jusqu’à 500 milliards d’euros. Le MES a été créé grâce à une légère modification des traités européens, modification actée en 2011.
«Le MES peut également recapitaliser les banques, par l'intermédiaire d'un crédit à l'Etat, comme il l'a fait pour les établissements espagnols à hauteur de 41,3 milliards d'euros. Dans les cas les plus critiques, il peut aussi directement acheter des obligations souveraines, afin d'éviter au pays à la peine d'être exclu des marchés financiers», précisait Le Monde en octobre 2013.
Fédéralisme ou système intergouvernemental ?
Le MES a pris la suite du FESF (Fonds européen de stabilité financière), le système qui avait été mis sur pied en 2010 lors de la crise des dettes pour financer les pays en difficutés (Irlande, Portugal…). Le MES a déjà prété 50 milliards d’euros pour sauver les banques chypriotes. Les prêts du FESF et du MES ont atteint 222 milliards d'euros. «Trois pays (Grèce, Portugal et Irlande) ont emprunté auprès de la FESF. L’Irlande a quitté le programme en décembre. Chypre et l’Espagne ont emprunté auprès du MES. L’Espagne en est sortie en décembre. Ils ont utilisé l’argent notamment pour rembourser leurs créanciers locaux et étrangers, privés ou publics, ou encore pour combler les déficits publics. En Espagne, les prêts du MES ont été utilisés uniquement pour recapitaliser et restructurer les banques du pays», résumait le patron du MES, Klaus Regling, en mars 2014.
Du fait de son statut public (à la différence du FNES), le MES est considéré comme plus efficace car il bénéficie de la garantie de ses Etats actionnaires. «Un tel mécanisme de solidarité au profit des pays en difficultés financières est un pas de géant vers une fédéralisation accrue de la zone euro qui, si on y ajoute le renforcement sans précédent de sa gouvernance économique et budgétaire, devrait mener à terme à la création d’un Trésor européen et à l’émission d’obligations européennes», estime le journaliste très pro-européen Jean Quatremer
Il est vrai que, au-delà des aspects purement techniques et financiers, la crise a obligé les Etats à multiplier les accords développant une sorte de fédéralisme européen qui ne dit pas son nom. Traité budgétaire européen (TSCG) qui oblige les Etats à présenter leurs budgets à Bruxelles, MES et maintenant l'accord sur une union bancaire. Ces différents accords, ajoutés à ceux de Maastricht, tissent une toile qui limite de plus en plus l'autonomie des Etats. Une autonomie rendue difficile à partir du moment où ils sont reliés par une monnaie commune.
Ce développement de l'intégration économique – validé par les parlements nationaux – est très en avance de l'intégration politique. «Le choix de ce modèle a répondu à une contrainte juridique et à un objectif politique. La contrainte tenait au caractère inachevé de la zone euro, qui contrairement à l’UE ne dispose ni de ressources propres ni d’institutions spécifiques, ainsi qu’à la nécessité, dans l’urgence, de trouver des réponses opérationnelles dans le cadre des traités existants», explique l'économiste Jean-Pisani Ferry. Et l'économiste de conclure: «Loin d’approfondir son intégration sur le mode fédéral, elle a fait mouvement dans une direction différente, de caractère plus intergouvernemental».
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.