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Le dessinateur inconnu de la Grande Guerre

Article rédigé par Véronique le Jeune
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2min
Il avait un sacré coup de crayon, le sens des couleurs et de la satire. 130 croquis à l’encre et à l’aquarelle nous sont parvenus de son séjour sur les fronts belge et français entre 1917 et 1918. Mais de lui, on ne sait presque rien. Ses initiales, JM, gardent leur mystère. Tout juste est-il admis qu’il servait dans l’armée britannique, au régiment royal de cavalerie et d’artillerie de campagne.


(Diaporama publié une première fois en novembre 2014)

Personne à l’université canadienne de Victoria ne sait vraiment comment les deux carnets de dessins signés «JM» sont arrivés à la bibliothèque de l’établissement, il y a une cinquantaine d’années. Pour le professeur Marcus Milwright du département Histoire de l’art, le centenaire de la Première Guerre mondiale devenait l’occasion de montrer au monde l’œuvre originale de cet artiste.

Souvent en première ligne, vraisemblablement avec le grade d'officier vu l'étendue des sujets qu'il aborde, JM saisit au plus près les combats, les explosions, les blessures, les amputations, la dure vie dans les tranchées mais aussi la peine et les souffrances des civils, le lourd tribut payé par les chevaux, précieux auxiliaires des militaires ; il pointe également avec ironie la suffisance et les postures ridicules de membres de l’état-major avec un talent certain pour la caricature.

JM a survécu à la guerre (certains dessins sont datés de 1920) et a dédicacé ses carnets à sa fille : «A ma fille Adèle, ces croquis ne sont pas des œuvres artistiques et elles ne prétendent pas être considérées comme telles. S'il y a un quelconque intérêt à leur en reconnaître un, ça n'est pas uniquement parce qu'ils ont été réalisés en France et en Belgique, mais la plupart sur le front. Les incidents horribles que j'ai omis en tant que tels sont mieux exécutés par les véritables artistes mandatés pour cela.» Maigres mais précieux indices dont se contentent pour le moment les historiens.

Lecteurs, si vous pensez pouvoir apporter votre contribution, aussi infime soit-elle, à cette enquête digne de Sherlock Holmes, libre à vous d'écrire au professeur Marcus Milwright qui a déjà reçu des dizaines de suggestions «enthousiastes» mais peu probantes jusqu'à présent.
 
Avec ce diaporama d'une vingtaine d'illustrations, Géopolis complète la collection de documents sur 14-18 qui vous a été présentée tout au long de l'année 2014, centenaire du début de la Grande Guerre. 

Les ballons captifs d'observation anglais ont été la cible de l'aviation allemande dès 1915. Les attaques étaient réalisées avec des balles incendiaires tirées à la mitrailleuse. Cela laissait peu de chances de survie aux occupants chargés de recueillir de précieuses informations sur l'ennemi. Il a donc été décidé que chaque observateur serait pourvu d'un parachute.  (JM's WWI Sketchbooks, 1917-1918 - University of Victoria Libraries’ Special Collections, World War I Sketchbooks, SC325, Acc. No.: 1997-012 )
Observez le reporter consciencieux à droite de l'image, sous la mention «our special», «notre envoyé spécial». (JM's WWI Sketchbooks, 1917-1918 - University of Victoria Libraries’ Special Collections, World War I Sketchbooks, SC325, Acc. No.: 1997-012)
En pleine campagne, les soldats sortent clous et marteaux sous l'œil des paysans. (JM's WWI Sketchbooks, 1917-1918 - University of Victoria Libraries’ Special Collections, World War I Sketchbooks, SC325, Acc. No.: 1997-012)
A gauche, un gradé de l'armée française bedonnant et assez sûr de lui (JM lui associe un gros insecte bleu... qui fume aussi la pipe !). A droite, un Poilu engoncé dans sa capote, chargé de son paquetage et de son fusil, et qui parle avec les mains (Montage de deux dessins). (JM's WWI Sketchbooks, 1917-1918 - University of Victoria Libraries’ Special Collections, World War I Sketchbooks, SC325, Acc. No.: 1997-012)
En janvier 1917, le gouvernement de Sa Majesté annonce la création d'un nouveau service de volontaires adressé aux femmes : le «Women's Auxiliary Army Corps» (WAAC). Sur l'aquarelle, JM montre la recrue tenant dans ses mains un obus destiné à «Fritz», le nom populaire donné à l'ennemi allemand. A droite, un galonné britannique, baptisé le «cerveau de l'armée» par JM, semble avoir d'autres préoccupations (Montage de deux dessins). (JM's WWI Sketchbooks, 1917-1918 - University of Victoria Libraries’ Special Collections, World War I Sketchbooks, SC325, Acc. No.: 1997-012)
A gauche : «Etes-vous là ?... Deux obus de 152 mm nous ont assommés.» A droite : «Allo ! L'état-major voudrait savoir si vous vous rendez compte que nous sommes en plein milieu d'une Bataille ?» (Montage de deux dessins). (JM's WWI Sketchbooks, 1917-1918 - University of Victoria Libraries’ Special Collections, World War I Sketchbooks, SC325, Acc. No.: 1997-012)
JM se plaît à caricaturer les officiers peu investis dans les combats comme ceux-ci, surpris par une forte explosion. «Que diable cela pouvait-il bien être ?» (JM's WWI Sketchbooks, 1917-1918 - University of Victoria Libraries’ Special Collections, World War I Sketchbooks, SC325, Acc. No.: 1997-012)
En 1916, le terme «no man's land» apparaît pour la première fois, désignant littéralement en anglais le «terrain n'appartenant à personne». Une zone à terrain découvert, située entre les tranchées adverses, qui fut le théâtre de lourdes pertes lors des assauts. (JM's WWI Sketchbooks, 1917-1918 - University of Victoria Libraries’ Special Collections, World War I Sketchbooks, SC325, Acc. No.: 1997-012)
Les tirs d'artillerie ravagent les hommes et dévastent les paysages. (JM's WWI Sketchbooks, 1917-1918 - University of Victoria Libraries’ Special Collections, World War I Sketchbooks, SC325, Acc. No.: 1997-012)
Les morts meurent une seconde fois. (JM's WWI Sketchbooks, 1917-1918 - University of Victoria Libraries’ Special Collections, World War I Sketchbooks, SC325, Acc. No.: 1997-012)
Un campement militaire britannique titré «Renaissance», peut-être en raison du retour du printemps. (JM's WWI Sketchbooks, 1917-1918 - University of Victoria Libraries’ Special Collections, World War I Sketchbooks, SC325, Acc. No.: 1997-012)
La chambre de l'officier JM, baptisée la «petite maison grise» : c'est le règne de l'ordre et de l'organisation. A gauche, au-dessus du lit de camp, on peut lire les initiales «JM» sur l'un des sacs. Au fond, sous les photos de famille, les éperons et la pipe, et au-dessus du carton à dessins, des cartes dont l'une figure le Moyen-Orient où JM a pu se rendre, si l'on en croit l'aquarelle suivante. (JM's WWI Sketchbooks, 1917-1918 - University of Victoria Libraries’ Special Collections, World War I Sketchbooks, SC325, Acc. No.: 1997-012)
Rougi par l'émotion et sans doute par la chaleur, un soldat britannique, un «Tommy», est accueilli par un vieillard à l'entrée de la ville dite «trois fois sainte». «Enfin, nos pieds s'arrêtent dans tes portes, ô Jérusalem», écrit JM, citant le Psaume 122:2 de la Bible. Une humilité qui rappelle celle voulue par le général Allenby entré dans Jérusalem à pied avec ses troupes en décembre 1917, à la tête de l'Egyptian Expeditionary Force (EEF). Il est possible que JM en ait fait partie. (JM's WWI Sketchbooks, 1917-1918 - University of Victoria Libraries’ Special Collections, World War I Sketchbooks, SC325, Acc. No.: 1997-012)
Les chevaux sont mis à contribution pour les tâches quotidiennes. Parfois aussi, ils tractent des chargements très lourds, comme des mitrailleuses. (JM's WWI Sketchbooks, 1917-1918 - University of Victoria Libraries’ Special Collections, World War I Sketchbooks, SC325, Acc. No.: 1997-012)
Un détachement rejoint la ligne de front rougeoyante au loin. (JM's WWI Sketchbooks, 1917-1918 - University of Victoria Libraries’ Special Collections, World War I Sketchbooks, SC325, Acc. No.: 1997-012)
Selon certaines sources, 11 millions d'équidés - chevaux, mules, ânes - ont péri pendant la Première Guerre mondiale. (JM's WWI Sketchbooks, 1917-1918 - University of Victoria Libraries’ Special Collections, World War I Sketchbooks, SC325, Acc. No.: 1997-012)
A gauche : le titre de l'hymne allemand «Deutschland über alles» accompagne ces «Allemands nettoyant les rues de Belgique». A droite: les «créatures qui un jour furent des hommes» ou ces «prisonniers britanniques relâchés par les Allemands». En novembre 1918, à Sweveghem en Belgique (Montage de deux dessins). (JM's WWI Sketchbooks, 1917-1918 - University of Victoria Libraries’ Special Collections, World War I Sketchbooks, SC325, Acc. No.: 1997-012)
Des forains pleurent la mort de leur cheval et la destruction de leur manège à l'arrière de la ligne de front en Belgique. (JM's WWI Sketchbooks, 1917-1918 - University of Victoria Libraries’ Special Collections, World War I Sketchbooks, SC325, Acc. No.: 1997-012)
Le sacrifice des populations civiles, est-ce la guerre ?, se demande JM avec force. (JM's WWI Sketchbooks, 1917-1918 - University of Victoria Libraries’ Special Collections, World War I Sketchbooks, SC325, Acc. No.: 1997-012)

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