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Le déficit structurel : quand c'est flou, il y a un loup

Le traité budgétaire européen oblige la France à réduire son déficit structurel, mais sans préciser comment le mesurer. Un détail technique qui offre des marges de manœuvre au gouvernement.

Article rédigé par Simon Gourmellet
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Jean-Marc Ayrault lors du débat sur le traité budgétaire européen à l'Assemblée nationale, à Paris, le 2 octobre 2012. (CHRISTOPHE PETIT TESSON / MAXPPP)

TRAITE EUROPEEN - "Quand c'est flou, il y a un loup." L'expression est de Martine Aubry, rappelle RTL, mais convient bien à la notion de "déficit structurel" au cœur du traité budgétaire européen. Alors que l'Assemblée nationale a voté pour le projet de loi autorisant la ratification du texte mardi 9 octobre, et que le Sénat l'examine à partir de mercredi, des députés, de gauche comme de droite, plaident pour sortir rapidement du flou qui entoure le déficit structurel. Explications.

 Le principe du "déficit structurel" 

Selon l'article 3 du traité budgétaire européen, les Etats signataires s'engagent à avoir des comptes publics en équilibre ou en excédent. Cela signifie que la France devra ramener rapidement son "déficit structurel" à 0,5% du produit intérieur brut (PIB). Ça, c'est pour l'énoncé. Concrètement, ce déficit est calculé en dehors de la conjoncture économique, qu'elle soit bonne ou mauvaise. C'est la grande originalité de ce traité, comme l'expliquait à FTVi l'économiste de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) Eric Heyer.

Ainsi, lorsque la croissance est faible ou négative, certaines dépenses publiques augmentent plus vite, comme celles liées au chômage, creusant le déficit conjoncturel. Dans le même temps, les recettes, comme l'impôt sur le revenu, diminuent. L'élimination de ces effets liés à la conjoncture conduit à évaluer la situation structurelle des finances publiques.

Une notion qui reste à préciser

En réalité, personne n'est d'accord sur la définition et le calcul de ce déficit. Ni la Commission européenne, ni la Cour des comptes, ni l'OCDE ne sont sur la même longueur d'ondes, rapporte Le Point. Pour un traité négocié au niveau européen, c'est un problème. Comment savoir si telle dépense de l'Etat relève du structurel ou du conjoncturel ? Cette question est pour l'instant sans réponse.

Cette notion essentielle devra donc être précisée et harmonisée au niveau européen, a reconnu Jérôme Cahuzac, le ministre délégué au Budget. "On va se heurter à des problèmes méthodologiques qu'il faudra régler", a-t-il expliqué devant une commission spéciale de l'Assemblée nationale chargée d'examiner le projet de loi organique (une loi qui complète la Constitution sans la modifier).

En attendant, vu les modalités de calcul "relativement complexes", le rapporteur PS de la commission, Christian Eckert, a considéré qu'une "solution raisonnable" serait que le gouvernement explicite comment il a calculé le solde structurel annuel, utilisé dans le rapport annexé au budget 2013.

Un flou qui rassure

Cette zone grise du traité est, pour certains députés, une porte de sortie pour trouver de petits aménagements à la règle et ainsi éviter la rigueur tant redoutée par une partie de l'hémicycle. Ainsi, pour le coprésident du groupe écologiste à l'Assemblée (groupe qui s'oppose au traité), François de Rugy, "dans le fond, ce n'est peut-être pas plus mal que cela reste assez flou".

Enfin, il faut rappeler que cette règle du 0,5% de déficit structurel autorisé, appelée "règle d'or", n'a pas été inscrite dans la Constitution. François Hollande a fait le choix de retranscrire le traité en droit français par une simple loi organique. Et selon le ministre de l'Economie, Pierre Moscovici, cité par Le Point, cela fait toute la différence : "Il n'y a pas de règle d'or". Traduction : le Conseil constitutionnel ne pourra pas censurer sa loi de finances.

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