L’ambition suédoise: travailler moins et gagner autant
Travailler six heures par jour payées huit. C'est ce que propose la ville de Göteborg (500.000 habitants) dans un projet expérimental qui se limite pour l’instant au service public. Après une phase de test d'un an, les autorités municipales analyseront les données pour savoir si la journée de six heures a permis de faire des économies, avec par exemple moins d'arrêts-maladie, et décidera si l'expérimentation doit être étendue ou pérennisée.
«A la fin, nous comparerons les deux et nous verrons ce qui diffère. Nous espérons que les employés prendront moins de congés maladie et se sentiront mieux psychologiquement et physiquement après des journées de travail raccourcies», a expliqué Mats Pilhem, maire adjoint (Parti de Gauche) de Göteborg, selon Slate.
Politique dangereuse pour l'économie
«C'est le genre de politiques populiste et socialiste qui sont très dangereuses pour l'économie», s'insurge Maria Ryden, opposante conservatrice au conseil municipal de Göteborg qui estime les 35 heures en France et les 30 heures en moyenne aux Pays-Bas, ont donné des résultats mitigés.
Faire travailler une grande partie de main-d'oeuvre 25% de moins qu'auparavant, pour le même salaire, coûterait trop cher, selon Malin Sahlen, analyste du cercle de réflexion libéral Timbro. Convaincue que cette «idée insensée ne se matérialisera pas», Mme Sahlen explique: «Nous avons une semaine de 40 heures, mais nous avons aussi un peu plus d'absentéisme que les autres et nous commençons à travailler tard (...) parce que l'on étudie plus longtemps». «Nous pourrions travailler davantage, c'est un fait», souligne-t-elle.
Moins fatigués à l'approche de la retraite
Pour les défenseurs du projet, des économies seront faites sur le long terme, en ayant des salariés moins souvent malades au fil des années, et moins fatigués à l'approche de la retraite. Convaincu que la Suède se dirige vers des journées plus courtes, Matz Pilhem s'appuie sur l'exemple de l'usine Toyota de Göteborg. où la journée de six heures a été mise en place en 2002, afin de rentabiliser ses installations: une équipe d'ouvriers du matin cède la place à celle de l'après-midi, sans coupure.
«À chaque fois qu'on prend une pause, il faut 10 ou 15 minutes avant de se remettre au travail, parce qu'on doit reprendre le fil», observe Robert Nilsson, mécanicien de 25 ans, qui constate qu'une journée de six heures était plus productive car il y a moins de temps perdu. Dans cet atelier, l'efficacité se répercute sur les salaires: les techniciens comme lui gagnent 29.700 couronnes, soit 3.300 euros par mois, bien au-delà des 25.100 couronnes de salaire moyen ouvrier en Suède.
Dès le départ, «ça a bien fonctionné pour le personnel, pour l'entreprise et pour les clients, donc je ne pense pas que nous envisagions y mettre un terme», se félicite la directrice du centre de services Toyota, Elisabeth Jonsson.
Une main d'oeuvre plus productive
Pour les économistes, la clé du succès repose sur une main-d'oeuvre productive et bien formée, capable de s'adapter vite aux nouvelles technologies. Dans un classement international de la richesse produite par heure et par personne, dressé par le Conference Board, une organisation américaine de recherche sur l'entreprise, la Suède occupe le 11e rang sur 61 pays. La Norvège est en tête du classement, les États-Unis en troisième position, les Pays-Bas en 5e, la France 6e et la Grande-Bretagne 13e.
En 2012, le Suédois moyen a travaillé 1.621 heures au total, selon les derniers chiffres publiés par l'Organisation pour la coopération et le développement économique (OCED). C'est plus que les Pays-Bas, royaume du temps partiel, avec 1.381 heures, ou que la France et son régime des 35 heures officielles, avec ses 1.479 heures, mais moins que le Royaume-Uni avec 1.654 heures et les États-Unis avec 1.790 heures.
Au début des années 1990, la Suède travaillait même 1560 heures, comme la France aujourd'hui, relève Le Figaro. Et le quotidien de rappeler que la grande crise traversée par le pays entre 1990 et 1992 l'a finalement contrainte à travailler davantage.
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