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La Méditerranée reste au centre du monde et des menaces
Un rapport parlementaire français fait le point sur l’importance géostratégique de la Méditerranée. 1% de la surface maritime du globe, mais le quart du commerce mondial. Si on y ajoute le poids de la question énergétique, et les tensions dans les pays côtiers, la Méditerranée reste au cœur des relations géopolitiques mondiales. Un plaidoyer pour une Marine nationale forte.
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Pour les députés français, la question des ressources énergétiques reste au cœur des enjeux du bassin méditerranéen. Que ce soit par le passage des pétroliers vers l’Europe, mais aussi en raison des ressources qu’on y trouve. Ainsi, les réserves de gaz du bassin du Levant (au large du Liban, d’Israël et de l’Egypte) sont colossales, estimées à 3500 milliards de mètres cubes, soit l’équivalent de la production mondiale annuelle. Un pactole qui provoque déjà un désaccord sur le tracé de la frontière maritime entre le Liban et Israël.
Les grandes nations à la manœuvre
La Méditerranée reste une zone d’influence, que les grandes nations ne peuvent ignorer. La Russie s’est spectaculairement réinvitée, installant des bases à Tartous et Lattaquié en Syrie. Les députés français y voient la volonté de rassurer les Etats de la région qui lui sont obligés. C’est aussi un verrou pour bloquer tout passage vers le nord des combattants de Daech.
Même la Chine marque son intérêt, comme le prouve sa participation, pour la première fois de son histoire, en 2015, à des manœuvres navales avec la Russie. Elle finance également une dizaine d’infrastructures portuaires d’ouest en est du bassin.
Ce qui est préoccupant pour l’Europe est le désintérêt que semblent porter les Etats-Unis sur la zone. Washington privilégie la région Asie-Pacifique, ce qu’on appelle le «pivot» ou le «basculement» asiatique. «Ce basculement stratégique, s’il s’opérait effectivement sur une vaste échelle, pourrait concerner directement la Méditerranée puisque les Etats-Unis pourraient être amenés à redistribuer les capacités militaires qui y sont actuellement mobilisées au profit de la zone Asie-Pacifique», écrivent les députés. Pour l’heure, constatent-ils, on ne voit guère de changement.
La crise migratoire
C’est l’un des enjeux du contrôle de la Méditerranée. Que ce soit pour bloquer la migration vers l’Europe, mais également dans le cadre de l’assistance aux migrants lors de leur traversée.
Nul n’ignore les drames qui se déroulent durant la traversée de la Méditerranée pour des migrants qui tentent de gagner l’Europe. 40% empruntent la route orientale, via la Grèce, soit 885.000 migrants pour l’année 2015. L’axe central par la Sicile, de loin le plus dangereux, a vu passer 154.000 personnes la même année.
L’opération Sophia, lancée par l’Union Européenne pour venir en aide aux migrants en Méditerranée centrale, est «essentielle» aux yeux des députés car «elle a permis de sauver des milliers de vies, et (car) les pays européens ne pouvaient décemment pas rester inactifs face à la détresse de ceux qui s’échouent sur ses côtes ou qui disparaissent en mer.»
Et si 360.000 personnes sont arrivées en Europe en 2016, les unités Sophia ont secouru 32.000 migrants au cours de 222 opérations de sauvetage (et 40.000 autres par les ONG). Hélas, plus de 5000 sont mortes ou portées disparues.
Sophia peut mieux faire
Les députés dressent un bilan très contrasté de l’opération Sophia. Sa mission «militaro-policière» contre les passeurs a été très modeste, faute de pouvoir intervenir dans les eaux territoriales libyennes. Les rapporteurs militent pour un renforcement de cette fonction. Singulièrement, il s’agit du volet de l’opération Sophia qui provoque le plus de polémique. Clairement, il s’oppose au «rêve européen» des migrants.
Face à tous ces défis, la marine française se retrouve bien seule, constatent les députés. Les Britanniques sont sur d’autres intérêts, l’Allemagne est «hors jeu» et elle « n’a pas encore manifesté concrètement et substantiellement sa volonté à s’impliquer davantage dans les affaires stratégiques du monde». Quant à l'Espagne et à l'Italie, elles ont atteint les limites de leur capacité. Aux yeux des députés, seule la France peut défendre les intérêts européens dans la région.
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