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"Stop funding hate", la campagne qui veut priver les tabloïds britanniques de leurs recettes publicitaires

La marque Lego a décidé mi-novembre de mettre fin à son partenariat avec le "Daily Mail", accusé de véhiculer haine et xénophobie. En Grande-Bretagne, un mouvement appelant les annonceurs à boycotter les tabloïds prend de l'ampleur.

Article rédigé par Antoine Giniaux
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Unes anti-migrants de tabloïds britanniques  (Capture d'écran de tabloïds britanniques)

Le communiqué a résonné comme un coup de tonnerre au Royaume-Uni. Le 12 novembre, Lego a annoncé mettre fin à son partenariat avec le Daily Mailqui permettait aux lecteurs du journal de recevoir des figurines gratuites. Le géant mondial des jeux pour enfants a décidé de ne plus s'offrir aucune publicité dans les tabloïds britanniques, qu'elle accuse de véhiculer de la "haine", sur fond de Brexit et de crise des migrants.

Le discours raciste des tabloïds, un phénomène en hausse

À l'origine de ce revirement il y a Bob Jones, un fan de Lego. Le 4 novembre, ce Britannique interpelle la marque danoise via sa page Facebook, s'interrogeant sur le partenariat avec un journal qui véhicule "la méfiance à l'égard des étrangers et accuse les immigrés de tout et n'importe quoi." Sans le savoir, Bob Jones a déclenché un raz-de-marée. Trois semaines plus tard, son post a été partagé plus de 13 000 fois.

Je me demandais pourquoi Lego utilisait un moyen de distribution opposé à son image

Bob Jones

sur franceinfo

"J’ai toujours vu les Legos comme un modèle de créativité et d’intégration, comme une manière de rassembler les gens, confie Bob Jones à franceinfo. Et ce n’est pas du tout l’image que j’ai du Daily Mail qui relaie la tension raciale et la xénophobie."

Depuis la campagne sur le Brexit, les journaux britannique multiplient les titres provocateurs. Ainsi un magistrat, accusé de vouloir bloquer le processus de sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne, s'est-il vu désigner par le Daily Mail comme un traître à la nation, le journal n'hésitant pas à préciser que l'homme est "ouvertement homosexuel". Quant aux migrants, les tabloïds vont parfois jusqu'à les comparer à des vers de terre ou des cafards.

"Chaque année, le Daily Express augmente le nombre de pages de Une consacrées aux migrants et aux réfugiés. Il y en a déjà eu 60 depuis le début de l'année", relève Richard Wilson, l'homme à l’origine de la campagne "Stop funding hate" ("Arrêtez de financer la haine"). Ce mouvement appelle les annonceurs à cesser toute collaboration avec les journaux alimentant "la discrimination et la diabolisation". Son objectif est de priver les tabloïds de leurs recettes publicitaires. Dans un contexte de baisse des recettes pour les journaux britanniques, les activistes espèrent faire baisser les tirages et rendre les gros titres moins visibles.

L'affaire Lego a fait réaliser à tout le monde qu’on peut faire quelque chose face à l'hostilité des tabloïds

Richard Wilson

à l'origine de la campagne Stop Funding Hate

La publicité, un enjeu central

La stratégie de "Stop funding hate" va-t-elle payer ? Pas sûr, répond Hugh Carnegy, rédacteur en chef au Financial Times : "Les tabloïds influencent l’agenda politique. Chaque matin sur la BBC, on se rend compte à quel point ils influencent les choix d'actualité." L'analyse vaut particulièrement pour lDaily Mail et le Sun, dont le poids est considérable dans le paysage médiatique, malgré une diminution de moitié de leurs ventes ces dix dernières années.

Au-delà des tabloïds, l'affaire Lego met en lumière les faiblesses et les manques qui touchent l’ensemble de la presse. C'est le verdict de Rafal Zaborowski, qui a réalisé une étude sur le traitement de l’actualité liée aux réfugiés dans huit pays d’Europe. "L’image des migrants que donnent les journaux est très limitée", estime ce professeur à la London School of Economics. Selon lui, "il faut penser à des initiatives pour se donner les moyens de faire entendre d’autres choses", car "le journalisme reste une profession très précarisée, qui n’a pas toujours les moyens de faire entendre d’autres voix."

Le mouvement "Stop funding hate" prend de l'ampleur en Grande-Bretagne

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