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"Etoile montante" du Labour, pro-européenne, humanitaire engagée : qui était la députée Jo Cox ?

La députée travailliste de 41 ans a été tuée jeudi par balles à Birstall (Royaume-Uni). Son meurtre a entraîné la suspension de la campagne pour le maintien du pays dans l'Union européenne. 

Article rédigé par Elise Lambert
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Photo d'archives de la députée britannique Jo Cox, abattue le 16 juin 2016 dans le Yorkshire (Royaume-Uni). (SHUTTERSTOCK / SIPA)

"Passionnée, compatissante, fidèle." C'est par ces trois adjectifs que Jo Cox s'était définie, lors d'une interview en janvier au Huffington Post (en anglais). Elue à la chambre des Communes depuis seulement quinze mois, la députée de 41 ans a été tuée par balles jeudi 16 juin, dans la petite ville de Birstall, dans le nord de l'Angleterre.

A une semaine du référendum pour le maintien du Royaume-Uni dans l'Union européenne, sa disparition a provoqué un véritable effroi dans le pays. Si "l'étoile montante" du Labour, comme le décrit The Independent (en anglais), était peu connue du grand public, son parcours et ses positions politiques ont rapidement fait d'elle le symbole du camp "anti-Brexit". 

Fille d'un ouvrier et d'une secrétaire

Quand d'autres ne cachent pas leur parcours élitiste, comme le Premier ministre David Cameron, Jo Cox, elle, n'hésitait pas à raconter qu'elle avait grandi dans un milieu populaire et se décrivait comme une "local lass" (jeune fille des quartiers). Née en 1974 à Batley dans le Yorkshire, Jo Cox est la fille d'une secrétaire d'école et d'un père ouvrier dans une usine de fabrication de dentifrices. 

"Ma famille entière vivait là-bas. Un cousin devait vivre à vingt minutes de la maison, il était considéré comme le mouton noir de la famille pour ça", racontait-elle au Huffington Post. Chez les Cox, on parle peu de politique et les journaux sont absents. "Ma famille n'est pas politisée, mes parents étaient trop occupés au travail, à s'occuper des enfants ou à essayer de payer notre hypothèque", confiait-elle au Huffington Post.

Etudiante à la Heckmondwike Grammar School puis diplômée de l'université de Cambridge en 1995, Jo Cox est la première de sa famille à obtenir un diplôme universitaire. Alors que ses étés se cantonnent à aider son père dans l'usine de dentifrices, elle découvre un nouveau monde lors de son arrivée dans la prestigieuse université.

Étudier à Cambridge a été un véritable choc culturel. Je venais de Batley et je n’avais jamais été ailleurs que sur la Costa del Sol, pour des séjours occasionnels en Espagne. Soudainement, je me retrouvais dans un milieu où les gens faisaient des années de césure, étaient allés en Inde, dont les parents étaient diplomates et avaient vécu à l’étranger.

Jo Cox

The Huffington Post

C'est durant cette période que la jeune femme prend conscience du poids des origines sociales. "L'endroit où vous êtes né a de l'importance, la manière dont vous parlez a de l'importance, de même que vos relations", confiait-elle quelques années plus tard au Yorkshire Post (en anglais). "J'ai mis cinq ans à me remettre de mon expérience à Cambridge."

Protection de l'enfance et droits des femmes

Jo Cox s'engage très vite dans des associations œuvrant pour la protection des enfants et contre la pauvreté dans le monde. En 2002, elle participe à plusieurs campagnes pour Oxfam et parcourt l'Europe, les Etats-Unis et de nombreuses zones de conflits. 

Je me suis retrouvée dans des situations horribles : au Darfour, où les femmes avaient été violées à plusieurs reprises, en Ouganda, où l’on donnait des kalachnikovs à des enfants soldats pour qu’ils tuent des membres de leur propre famille.

Jo Cox

Yorkshire Post

C'est lors de cette période qu'elle rencontre son futur mari, Brendan Cox, alors responsable de l'association Save the Children. Le couple s'installe sur une péniche amarrée sur la Tamise, près du Tower Bridge, à Londres. Leur famille s'agrandit avec l'arrivée de Lejla et Cuilin, et le quotidien à quatre se partage entre la capitale, Batley et les vacances à la montagne.

Après avoir gravi de nombreux échelons dans le monde associatif, elle devient la conseillère de Sarah Brown (épouse de l'ancien Premier ministre britannique Gordon Brown), de la baronne Glenys Kinnock et de la fondation Bill et Melinda Gates, détaille la BBC. C'est là qu'elle fait ses premiers pas en politique.

Jo Cox et son mari Brendan Cox (photo non datée). (SHUTTERSTOCK/ SIPA)

"Le job dont j'ai toujours rêvé"

En mai 2015, elle se présente aux élections générales sous l'étiquette travailliste, et est élue dans sa circonscription, à Batley et Spen, dans le comté du Yorkshire. Elle célèbre son élection au Parlement d'un tweet laconique, mais révélateur de son engagement : "Le job dont j'ai toujours rêvé." 

A Westminster, elle prend la vice-présidence du groupe parlementaire sur la Syrie, ainsi que la présidence du réseau des femmes travaillistes du Parlement, note Le Monde. En décembre 2015, elle fait partie des cinq seuls députés du Labour qui, contrairement à la ligne du parti, s'abstiennent de voter les frappes aériennes contre le groupe Etat islamique en Syrie. "C'est seulement en protégeant les civils que nous vaincrons l'EI", déclare-t-elle devant les députés.

Capture d'écran de Jo Cox lors d'une séance au Parlement britannique, le 21 mars 2016. (PRU / AFP)

Elle n'est pas considérée comme étant "à la gauche" du Labour, pourtant elle accorde son soutien au "socialiste" Jeremy Corbyn pour la présidence du parti en 2015, afin "d'élargir le débat au sein du parti". Mais elle finit par voter pour Liz Kendall, la candidate blairiste, rappelle The Independent.

Après les résultats mitigés du Labour aux élections locales de mai 2016, la jeune femme enjoint le parti à se doter d'un "véritable leader", et encourage les conservateurs et les travaillistes à œuvrer ensemble sur certains sujets, comme la politique internationale, la santé ou le réchauffement climatique. Adepte du consensus, cette "alliance" représenterait, pour elle, "une vraie nouvelle politique".

Pro-européenne, engagée sur la question de l'immigration

Pro-européenne, elle s'illustre à de nombreuses reprises durant la campagne du Brexit pour le maintien de son pays dans l'Union européenne. Face à un Jeremy Corbyn jugé trop "tiède", la députée n'hésite pas à parader à bord d'un canot pneumatique rouge, avec ses enfants et son mari, brandissant un drapeau "In", au beau milieu d'une flottille de marins pêcheurs militant pour le Brexit.

Alors que la question brûlante de l'immigration est au cœur de la campagne, Jo Cox répète que "l'immigration est une peur légitime", mais qu'elle n'est pas "une raison légitime pour quitter l'UE"

Plus de la moitié des migrants vivant en Grande-Bretagne ne sont pas originaires de l'Union européenne. Le résultat de ce référendum ne changera rien à ces statistiques.

Jo Cox

Yorkshire Post

La députée avait d'ailleurs fait l'objet de récents messages de menaces, a indiqué la police britannique vendredi. Un homme avait été arrêté en mars dans le cadre de cette affaire, mais serait sans lien direct avec le meurtre de la députée.

Dans un émouvant hommage publié jeudi, Brendan Cox, le mari de Jo Cox, a déclaré que la mort de sa femme était "le début d'un nouveau chapitre dans nos vies" et a rappelé qu'elle aurait souhaité deux choses par-dessus tout : "Que nos enfants soient entourés d'amour, et que tout le monde s'unisse contre la haine qui l'a tuée."

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