Elizabeth II favorable au "Brexit" : pourquoi le scoop du "Sun" ne vaut pas un penny
"Queen backs Brexit", titre en une le tabloïd, mercredi 9 mars. En français : "la reine soutient le 'Brexit'". Mais le palais de Buckingham a farouchement démenti et les informations semblent dater... de 2011.
Scoop or not scoop ? "La reine soutient le Brexit", proclame le populaire quotidien britannique The Sun. Le tabloïd enfonce le clou avec cette phrase attribuée à la souveraine : "L'Union européenne va dans la mauvaise direction". Elizabeth II l'aurait lancée en 2011 à Nick Clegg, vice-premier ministre de David Cameron, chef des Libéraux-démocrates et "pro-européen passionné", selon le journal.
Les "révélations" du tabloïd tombent à pic, alors que le référendum sur la sortie ou non de l'Union européenne s'avÚre incertain et qu'Elizabeth II peut faire pencher la balance vers le non. Néanmoins, ces révélations sont fortement sujettes à caution pour plusieurs raisons.
La reine dément et porte plainte
Les mĂ©dias britanniques adorent sonder les convictions supposĂ©es de la souveraine. Mais le palais de Buckingham a jugĂ© que le journal le plus populaire du pays (plus de 2 millions d'exemplaires) Ă©tait allĂ© trop loin. D'oĂč une rĂ©plique en deux temps. Les services de la reine ont d'abord rappelĂ© "la neutralitĂ© politique" qu'observe la reine depuis 63 ans, mĂȘme s'il y a des exceptions (elle avait ainsi laissĂ© entendre qu'elle dĂ©sapprouvait l'indĂ©pendance de l'Ecosse, lors du rĂ©fĂ©rendum organisĂ© en septembre 2014). Ils ont aussi Ă©pinglĂ© des "ragots fallacieux basĂ©s sur des sources anonymes".Â
Puis, fait exceptionnel, ils ont porté plainte auprÚs du régulateur de la presse. Cette plainte se réfÚre à la premiÚre clause du code de bonne conduite qui prévoit que "la presse doit faire en sorte de ne pas publier des informations ou des photos qui sont fausses, trompeuses ou déformées, y compris dans les titres qui ne sont ensuite pas confortés par le texte".
Les révélations datent d'il y a cinq ans
Rapportés par des sources anonymes, ces propos n'ont pas été enregistrés et ne sont pas récents. Une source évoque une conversation remontant à 2011 entre la reine et Nick Clegg (c'est à ce moment-là qu'Elizabeth aurait dit que l'UE allait "dans la mauvaise direction").
Une autre source rapporte une conversation de la reine avec un groupe de dĂ©putĂ©s datant "d'il y a quelques annĂ©es lors d'une rĂ©ception Ă Buckingham Palace" (elle aurait alors confiĂ© Ă des parlementaires : "Je ne comprends pas l'Europe"). Vrais ou faux, les propos n'ont pas Ă©tĂ© prononcĂ©s dans le cadre de l'actuelle campagne sur le "Brexit". Et, mĂȘme s'ils ont effectivement Ă©tĂ© prononcĂ©s par la souveraine, ils ne signifient pas automatiquement qu'elle souhaite la sortie du Royaume-Uni de l'Union europĂ©enne.
Le témoin principal dément aussi
Plus gĂȘnant, le centriste Nick Clegg ne se rappelle mĂȘme pas de la conversation. "C'est n'importe quoi. Je n'ai aucun souvenir de cette conversation et ce n'est pas le genre de choses qui s'oublient", a tweetĂ© l'ancien leader des Lib-Dems mardi 8 mars.
Re Sun story. As I told the journalist this is nonsense. I've no recollection of this happening & its not the sort of thing I would forget
â Nick Clegg (@nick_clegg) 8 Mars 2016
Les sources sont anonymes
Les deux phrases supposées favorables au "Brexit" prononcées par la reine sont rapportées par des sources anonymes. Difficile, donc, de vérifier si elles sont "hautement fiables" comme le prétend The Sun.
D'autant plus qu'en principe, les politiques ont interdiction de rapporter des conversations tenues avec la monarque. Mais cette rĂšgle souffre d'exceptions. "En septembre 2014, peu aprĂšs le rejet de lâindĂ©pendance par les Ecossais, David Cameron avait Ă©tĂ© enregistrĂ© Ă son insu racontant que la reine avait 'ronronnĂ©' de bonheur en apprenant la victoire du 'non'. Le Premier ministre avait dĂ» prĂ©senter ses excuses pour avoir rapportĂ© involontairement une conversation privĂ©e avec la souveraine", rappelle Le Monde.
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