C'est un chapitre de l'histoire du Brexit qui vient de se clore. Le Royaume-Uni et l'Union européenne sont parvenus, lundi 27 février, à un compromis concernant les dispositions post-Brexit en Irlande du Nord. Londres et Bruxelles espèrent maintenant ouvrir "un nouveau chapitre" après des mois de relations tumultueuses et de blocage politique dans la province britannique. Le Premier ministre, Rishi Sunak, et la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, ont présenté l'accord, baptisé "cadre de Windsor", lors d'une conférence de presse commune à Windsor, à l'ouest de Londres. Franceinfo revient sur le compromis trouvé et ce qu'il va changer. Quelle était la situation avant l'accord ? Signé en 2020, le protocole nord-irlandais réglemente la circulation des marchandises entre le reste du Royaume-Uni et l'Irlande du Nord, qui dispose d'une frontière terrestre avec la République d'Irlande, membre de l'UE. Ce protocole, négocié par l'ancien Premier ministre Boris Johnson, voulait éviter l'instauration d'une frontière entre l'Irlande et l'Irlande du Nord qui risquerait de fragiliser la paix, tout en protégeant le marché unique européen.Plutôt que d'effectuer les formalités au niveau de la seule frontière terrestre entre le Royaume-Uni et l'UE, au risque de raviver les tensions, l'accord prévoyait que les contrôles sur les marchandises en provenance de Grande-Bretagne, de l'autre côté de la mer d'Irlande, s'effectueraient à leur arrivée en Irlande du Nord. Le texte maintenait de fait l'Irlande du Nord dans le marché commun et l'union douanière de l'UE.Le protocole a ainsi généré des tensions entre l'Union européenne et Londres, mais est aussi devenu un problème de politique intérieure pour Rishi Sunak, confronté à l'opposition de l'aile droite de sa majorité et à celle des unionistes du Democratic Unionist Party (DUP), opposés à toute remise en cause de la place de l'Irlande du Nord au sein du Royaume-Uni. Ils refusaient toute application de fait du droit européen dans la province britannique et bloquaient le fonctionnement de l'exécutif local depuis un an.Ce protocole n'a toutefois jamais été mis complètement en œuvre en raison de périodes de grâce prolongées sur certains contrôles comme la viande non surgelée ou les médicaments. En juin 2022, le gouvernement de Boris Johnson avait proposé un projet de loi pour outrepasser ce texte. Furieux, les Européens avaient menacé de représailles commerciales.Que prévoit le compromis trouvé ? Avec l'accord trouvé lundi, appelé "cadre de Windsor", "nous avons supprimé la frontière en mer d'Irlande", a fait valoir Rishi Sunak devant la Chambre des communes. Il doit permettre "des échanges commerciaux fluides au sein du Royaume-Uni", selon le Premier ministre. "La pesante bureaucratie douanière sera supprimée", a-t-il insisté. Il apporte des "garanties solides" pour la protection du marché unique européen, a de son côté assuré Ursula von der Leyen.Concrètement, les produits arrivant de Grande-Bretagne vers l'Irlande du Nord pour y rester ne seront plus soumis aux mêmes contrôles que ceux voués à être ensuite exportés vers la République d'Irlande, c'est-à-dire vers l'Union européenne. Cela vaudra pour les échanges commerciaux comme pour l'envoi de colis par des particuliers.Certains changements de taux de TVA ou autres droits décidés par Londres pour le Royaume-Uni, par exemple sur l'alcool, s'appliqueront à l'Irlande du Nord, tandis que les contraintes pour envoyer et vendre dans la province des animaux ou certains végétaux seront supprimées. Par ailleurs, les autorités britanniques, et non plus l'Agence européenne des médicaments (EMA), délivreront les autorisations de mise sur le marché des médicaments.Pour répondre aux préoccupations des unionistes, qui veulent avoir leur mot à dire sur l'application de nouvelles règles européennes en Irlande du Nord, le Parlement local disposera d'un "frein d'urgence". Si 30 députés de plusieurs partis s'opposent à l'application dans la province d'une nouvelle loi européenne sur les biens et marchandises, ils pourront convoquer un vote pour la bloquer, sur le modèle d'une disposition existant déjà dans l'accord de paix de 1998.Ce "mécanisme d'urgence" n'enlèvera toutefois par à la Cour de justice européenne "le dernier mot" en ce qui concerne les règles régissant le marché unique toujours en vigueur dans la province, a insisté Ursula von der Leyen. Au final "moins de 3%" des lois européennes continueront de s'appliquer en Irlande du Nord, fait valoir Londres.L'accord prévoit également que Londres renonce à un projet de loi grâce auquel le gouvernement britannique voulait s'arroger unilatéralement la faculté de passer outre certaines dispositions du protocole nord-irlandais. Ce faisant, Rishi Sunak obtient en contrepartie le retrait des procédures judiciaires lancées par les Européens. Que va-t-il se passer à présent ?Selon les premières réactions du camp conservateur, Rishi Sunak semble en mesure d'éviter une fronde majeure qui affecterait son autorité après quatre mois au pouvoir. Après avoir entretenu le flou, le Premier ministre britannique a confirmé que le nouvel accord serait soumis à un vote "au moment opportun".Le chef de l'opposition travailliste, Keir Starmer, a d'ores et déjà fait savoir que son parti voterait en faveur de l'accord.