Brexit : les pêcheurs écossais estiment avoir été "vendus en échange d’un accord" par le Royaume-Uni
Sur le port de Peterhead, en Écosse, l’un des plus importants du Royaume-Uni, l’humeur n’est pas aux célébrations. Les pêcheurs peinent à digérer les conditions de l'accord conclu avec l'Union européenne dans le cadre du Brexit, dont ils s'estiment les grands perdants.
À l’heure de larguer les amarres, le cœur n’y est pas. En 2016, l’Écosse avait voté massivement pour rester au sein de l’Union européenne (62%), mais ses pêcheurs, eux, avaient plébiscité le Brexit, à plus de 90%. Ils souhaitaient quitter l’Union européenne et sa politique commune de la pêche dont ils s’estiment les victimes. Ils devraient donc se réjouir, mais pourtant, sur le port de Peterhead, l’un des plus importants du Royaume-Uni, l’humeur n’est pas aux célébrations.
Elle est même aussi morose que le ciel gris qui pèse sur les quelques chalutiers à quai, battus par les vents. Jimmy Buchan responsable de l’association écossaise des produits de la mer en viendrait presque à regretter d’avoir mené ici la campagne pour le "leave".
"Pour les pêcheurs, le Brexit était l’occasion de rééquilibrer un mauvais accord. Mais ce n’est pas ce qui s’est passé. Alors, à quoi bon quitter l’Union ?"
Jimmy Buchanà franceinfo
"Nous avons été sacrifiés comme un agneau, peste-t-il. Nous avons été vendus en échange d’un accord pour le Royaume-Uni." La pêche comme monnaie d’échange, c’est le sentiment qui domine à Peterhead, le sentiment d’avoir été abandonnés. Et quand Londres dit que dans cinq ans, les pêcheurs britanniques pourront récupérer leur part de poissons ou de leurs eaux, Peter Bruce, le patron-pêcheur du Budding-Rose, ne se fait guère d’illusion. "Quand Boris Johnson est venu ici, se souvient le pêcheur, il n’arrêtait pas de parler de reprendre le contrôle mais il ne nous a pas donné le contrôle que nous souhaitions. Bien sûr, on verra dans cinq ans, mais ça n’arrivera jamais..."
"Il y a tellement de conditions que l’on ne pourra rien faire. Si l’on veut agrandir nos quotas ou repousser les bateaux français, ils pourront nous imposer tellement de sanctions. Cela n’arrivera jamais."
Peter Bruceà franceinfo
"Les quotas, c’est la grande affaire ici, prenez le lieu noir, s’enflamme Peter, les Écossais ont 20% de quotas sur la mer du Nord, les Français 80% !" À Peterhead, on espérait un meilleur équilibre et c’est raté. Et avec la sortie de l’Union, les pêcheurs britanniques perdent le droit d’échanger leurs quotas avec les autres pays membres. Ils savent bien qu’ils ne pèsent guère : la pêche représente 0,1% du PIB britannique. Mais le secteur pèse ici beaucoup en terme d'emplois. Les mareyeurs s’inquiètent à leur tour avec le retour des frontières, de voir la bureaucratie et la paperasse compliquer les échanges. "Je songe à licencier, pas à embaucher", s’attriste l’un d’eux, dans le métier depuis plus de 30 ans.
Christian Allard, du Parti national écossais, ne décolère pas. "Ce populisme britannique est d’une incompétence incroyable, tempête-t-il. Ils ont promis monts et merveilles à des marins pêcheurs, à des communautés côtières qui ont souffert pendant 40 ans par le manque de quotas et ont réussi à ne leur donner absolument rien..." La crainte à Peterhead est la mise à la casse de nouveaux bateaux, comme ce fut le cas lors de l’entrée dans l’Union européenne avec cette politique commune qui leur a tant coûté. Or ici perdre un bateau revient, davantage que de l'économie, à perdre une tradition, une culture, un art de vivre ancestral qui disparaissent.
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