La face cachée du modèle allemand : les retraités pauvres
Dans la partie Ouest de
Berlin, dans le quartier cossu de Wilmensdorf, avec ses allées arborées et
ses immeubles de standing, on ne s'attend pas à trouver des retraités pauvres. Et pourtant, ils sont
plusieurs dizaines à venir demander l'aide de l'Église catholique.
Quatre jours par semaine, l'église
Sainte-Marie, qui est équipée d'une cuisine et d'un réfectoire, organise une
soupe populaire. On peut manger un repas chaud pour 50 centimes. Zoé, 66 ans, vient régulièrement. Ancienne
serveuse dans un restaurant, séparée de longue date de son mari, elle vit
très chichement. "J'ai environ 700 euros par
mois, en cumulant ma retraite et les aides sociales. Une fois que j'ai payé mon
loyer, mon téléphone et les autres factures, il me reste 120 euros pour vivre.
J'ai une petite retraite car je n'ai travaillé que, pendant 15 ans, je n'ai pas
fait d'études, et je suis d'une génération où on disait aux femmes qu'elles
devaient plutôt rester à la maison et se marier. L'Allemagne est un pays
toujours plus vieillissant. Alors il faudrait vraiment que le gouvernement
fasse plus pour nous."
Les
retraités pauvres sont-ils si nombreux ?
Selon
les statistiques officielles, près de la moitié des retraités allemands
touchent une pension de base inférieure à 700 euros. Alors évidemment certains ont des revenus
complémentaires - par exemple des plans d'épargne.
Mais ceux qui n'en ont pas
sont en grande difficulté, comme Volker qui perçoit 680 euros par mois."Je ne vis pas , dit-il, je
survis ". Il a quasiment fait une croix sur ses loisirs. Volker songe aussi à une
solution pour améliorer son quotidien. Il envisage de trouver un petit boulot
d'appoint en plus de sa retraite. C'est courant en Allemagne : des
retraités qui font du secrétariat, du baby-sitting ou encore de la garde
d'animaux. Comme Zoé : "J'ai un chien chez moi, il
ne m'appartient pas mais, je le promène. Ça me rapporte un peu d'argent... Avec
ça je peux me payer la salle de sport deux à trois fois par semaine. Car je
tiens absolument à rester en forme malgré mon âge".
Les petits boulots d'appoint
pour les retraités allemands, c'est une réalité que l'on peut aussi observer
sur Internet. Les petites annonces fleurissent sur la toile. Le texte est
presque toujours le même : "Retraité(e) dynamique, jeune dans sa tête, mobile
et disponible, cherche minijob à temps partiel". Environ un million de retraités
occupent aujourd'hui ce type d'emplois.
Pourquoi les petites
retraites sont-elles si fréquentes en Allemagne ?
La faiblesse des retraites est en partie la
conséquence des réformes qui datent du début des années 2000. Les règles de calcul des
pensions se sont durcies, explique Dirk Schuman, responsable de la soupe
populaire de l'Eglise Sainte-Marie à Berlin. "Ça signifie que quelqu'un
qui a travaillé pendant 40 ans peut se retrouver à la limite du seuil de
pauvreté. Je peux vous donner un exemple, j'ai le cas d'un ancien employé
municipal. Il a commencé à travailler à 16 ans. Il est parti à 63 ans sans
avoir eu d'interruption de carrière. Et pourtant il touche seulement 880 euros
par mois. C'est avec ce genre d'exemples qu'on voit que le système ne fonctionne
pas bien. Et c'est ce qui explique que de plus en plus de gens ont besoin de
notre aide ".
Les retraités pauvres en
Allemagne, c'est un phénomène qui pourrait empirer dans les prochaines années.
Avec la multiplication des emplois précaires, les minijobs, de nombreux
salariés ne cotisent pas suffisamment pour leurs retraites. Et ils auront une
pension très maigre. Les syndicats vont même jusqu'à évoquer une bombe à
retardement avec laquelle devront composer les gouvernements futurs.
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