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La droite populiste a réalisé une percée historique aux législatives du dimanche 17 avril en Finlande

Le parti des "Vrais Finlandais", eurosceptique et anti-immigrés, passe ainsi de 4 % des voix (en 2007) à 19 %, devenant le 3e parti du pays. Il est devancé de peu par la Coalition nationale (conservateurs), 20,4 %, et les sociaux-démocrates, 19,1 %.La participation a été particulièrement forte: 70,4 % (contre 67,9 % en 2007).
Article rédigé par France2.fr avec agences
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Le leader des "Vrais Finlandais, Timo Soini, à l'annonce des résultats des législatives (AFP - LEHTIKUVA - Martti Kainulainen)

Le parti des "Vrais Finlandais", eurosceptique et anti-immigrés, passe ainsi de 4 % des voix (en 2007) à 19 %, devenant le 3e parti du pays. Il est devancé de peu par la Coalition nationale (conservateurs), 20,4 %, et les sociaux-démocrates, 19,1 %.

La participation a été particulièrement forte: 70,4 % (contre 67,9 % en 2007).



Le nouveau gouvernement devrait être formé avant la fin mai.

Le probable futur premier ministre, Jyrki Katainen (AFP - JONATHAN NACKSTRAND)

Le ministre des Finances dans la coalition conservatrice sortante, Jyrki Katainen, devrait être pressenti pour former le nouveau gouvernement. Dans l'état actuel des choses, aucun parti n'est en mesure de constituer une majorité à laquelle pourraient participer les sociaux-démocrates. Les "Vrais Finlandais" seront peut-être eux aussi pressentis. "Ils ont le droit et le devoir d'entrer au gouvernement", écrivait le 18 avril le quotidien Helsingin Sanomat dans un éditorial.

Reste à savoir si cela sera possible. Car ceux-ci expriment des positions très anti-européennes face à un Jyrki Katainen, ferme partisan de l'UE. Durant la période pré-électorale, ce dernier a notamment défendu les aides financières aux membres de l'Union européenne frappés par la crise.

A l'inverse, les "Vrais Finlandais" ont fait campagne contre les plans d'aide aux pays endettés de la zone euro et contre une augmentation de la capacité effective du Fonds européen de stabilité financière. Le ministre des Finances sortant et le chef des "Vrais Finlandais", Timo Soini, vont donc devoir s'engager dans des négociations qui s'annoncent ardues. Avant le scrutin, un représentant du parti populiste expliquait que "nous ne céderons pas sur les plans d'aide, même si tout le reste est négociable".

Au lendemain des élections, les deux parties semblaient plutôt conciliantes. "Lorsque des gens responsables se mettent autour d'une table et discutent de ce qui est de l'intérêt de la Finlande, ils parviennent en général à trouver des solutions", a ainsi déclaré Jyrki Katainen à l'annonce des résultats. Timo Soini était sur la même ligne lundi matin: "Des deux côtés nous devons faire des compromis. Aucune des deux parties ne doit imposer ses vues à l'autre", a-t-il dit.

Pour autant, rien n'est fait... Timo Soini a ainsi précisé qu'il voulait modifier les modalités du plan de sauvetage du Portugal. Le scrutin du 17 avril "était un référendum sur la politique européenne", a souligné le chef des "Vrais Finlandais". "Je pense que le lait de la vache finlandaise doit rester en Finlande et qu'il ne doit pas être envoyé à l'étranger comme une aumône", a-t-il dit. "Notre argent ne doit pas servir à des mécanismes inefficaces. Nous n'allons pas imposer nos conditions aux pays de l'UE mais nous allons garder notre argent et le droit de prendre nous-mêmes nos décisions", a poursuivi le leader de la formation populiste.

De son côté, Jyrki Katainen explique: "nous verrons ce que nous pourrons faire. Mais quoi qu'il en soit, les changement ne pourront pas être très importants". Et de poursuivre: "la Finlande doit, pour son propre bien, créer un programme de gouvernement intelligent et responsable, qui maximisera notre influence dans tous les forums internationaux". La messe est donc loin d'être dite...

Dans ce contexte, le parti de Timo Soini est susceptible de bloquer l'approbation d'une aide d'urgence de l'UE au Portugal. Car à la différence d'autres pays de l'Union, c'est le Parlement finlandais et non le gouvernement qui détermine la politique européenne du pays. Au-delà de la Finlande, l'affaire pourrait sérieusement compliquer les affaires bruxelloises...

L'avis d'un éditorialiste français

Dans son éditorial du 19 avril, l'éditorialiste de Nord Eclair, Jean-René Lore, écrit:

"Particularité" des "Vrais Finlandais'": "être de façon affirmée
anti-immigrés et eurosceptique. Un mélange de souverainisme et de droite extrême. Rien d'alarmant à priori, si ce n'est que ce scrutin nordique confirme une tendance lourde en Europe, celle du développement et de l'installation apparemment durable de familles politiques hostiles à l'Europe dans l'ensemble des pays de l'Union. Les partis finlandais traditionnels, conservateurs et sociaux-démocrates, qui ont trusté le pouvoir jusqu'alors, ne condamnent pas une des positions essentielles des "Vrais Finlandais", à savoir le refus de porter secours aux pays en difficulté sur le plan des finances publiques: Irlande et Portugal en tête. En somme, une nouvelle brèche vient de s'ouvrir contre ce qui devrait faire la force de l'Europe: la solidarité. Ainsi, les mauvaises nouvelles de Finlande affectent non seulement les démocrates mais aussi les Européens convaincus".

"Mouvement de repli national" en Europe
Les "Vrais Finlandais" et leur leader Timo Soini "s'inscrivent dans un mouvement de repli national, une vague populiste en Europe qui n'épargne personne, y compris les pays les plus exemplaires", estime Jean-Dominique Giuliani, président de la Fondation Robert Schuman, qui entend oeuvrer en faveur de la construction européenne

Les observateurs estiment par ailleurs qu'avec leur slogan "les Finlandais d'abord", la formation anti-européenne a notamment tiré profit du débat sur l'immigration qui affecte l'Europe dans un pays où 3,1% seulement de la population est étrangère. Elle a également su tirer profit de la crise économique.


Timo Soni, en train de se faire maquiller avant d'entrer sur un plateau de télévision... (AFP - LEHTIKUVA - Kimmo Mäntylä)

Timo Soini: un homme sympathique et rusé

Proche du peuple, sympathique et rusé mais ferme, le leader des "Vrais Finlandais", Timo Soini a su capter, grâce à un charisme nettement supérieur à celui de ses adversaires, tout un électorat de déçus ou d'abstentionnistes traditionnels.

Face à ses principaux rivaux représentants d'une classe politique jeune mais pas toujours à l'aise devant les électeurs, M. Soini a affiché au contraire la sérénité d'un homme de 48 ans, marié et père de deux enfants. D'autres candidats étaient pourtant plus expérimentés que lui sur le plan politique, comme le ministre des Finances, Jyrki Katainen, ou la première ministre sortante, Mari Kiviniemi.

Timo Soini a joué sur la maturité. Il a évité de se laisser trop facilement entraîner sur le terrain de l'immigration, à laquelle son parti est fermement opposé. Il a au contraire su prendre ses adversaires à leur propre jeu.

"M. Soini a évité le débat sur l'immigration, de peur d'être marqué anti-immigration (...). Mais dans le même temps, les autres partis ont eux aussi voulu éviter le thème par crainte que cela ne serve les intérêts des Vrais Finlandais", commente le politologue Ilkka Ruostetsaari, de l'université de Tampere.

Plus que la ligne idéologique, dont il a su adoucir les aspects les plus controversés, la personnalité de M. Soini est le véritable artisan du succès de la droite nationaliste. "Le Parti des Vrais Finlandais, c'est le parti de Timo Soini ", résume le politologue.

Avec son parler franc et son contact facile - on lui serre la main, on lui tape dans le dos, on l'apostrophe facilement -, il a été perçu comme l'alternative du Finlandais moyen aux politiciens élitistes. Et ce en particulier auprès de la classe ouvrière dont l'électorat est d'habitude fidèle aux sociaux-démocrates.

Avec lui, "vous n'aimerez peut-être pas les réponses, mais au moins vous aurez des réponses", estime un responsable des Vrais Finlandais, Janne Salonen.

Au sein de sa formation, M. Soini est réputé tenir fermement ses troupes. Chaque candidat a ainsi dû s'engager par écrit à ne pas quitter le parti durant au moins un an en cas d'élection au Parlement.

Aux dires de ses proches, "il est strict mais juste". Face à lui, "si vous promettez quelque chose, vous avez intérêt à tenir votre promesse". Toujours selon ses troupes, le leader des Vrais Finlandais apprécie les conseillers qui osent lui dire ce qui ne va pas. Mais il sait "élever la voix" quand il le faut. La marque, selon ses proches, d'un "véritable meneur d'hommes".

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