La dérive de l'Etat de droit en Roumanie
L’USL (Union sociale-libérale) est arrivée au pouvoir début mai après la chute de l’exécutif de centre-droit sur une motion de censure. Le précédent gouvernement s’était notamment rendu très impopulaire avec des mesures d’austérité et un projet de privatisation partielle du secteur de santé. Politique à l’origine de violentes manifestations, notamment à Bucarest, la capitale roumaine.
Guerre politique
Une fois au pouvoir, la coalition de Victor Ponta, 39 ans, a rapidement fait voter le 6 juillet 2012 par le Parlement la destitution du président Traian Basescu, un ancien marin de 59 ans, dont le mandat devait se terminer en 2014. Pour l'instant, ce dernier, membre du Parti démocrate-libéral (centre droit), est suspendu et est remplacé dans ses fonctions par le président du Sénat, Crin Antonescu.
Elu pour la première fois en 2004, Traian Basescu a longtemps été l’homme politique le plus populaire du pays.
Mais sa popularité s’est effondrée en raison de la politique du précédent gouvernement qu’il soutenait. L’USL lui reproche d’avoir commis «des actions susceptibles de mettre en danger le fonctionnement des institutions de l’Etat» et d’avoir «imposé des mesures d’austérité qui ont appauvri le population». De son côté, le président a accusé l’USL de «contrôler tous les leviers de l’Etat et notamment la justice».
Offensive éclair
Le vote de destitution au Parlement a été validé par la Cour constitutionnelle. Mais pour qu’elle devienne effective, cette mesure doit être approuvée par référendum qui doit avoir lieu le 29 juillet. Un tel vote doit réunir au moins 50% des électeurs. Pour être sûr d’obtenir le départ du président sortant, le gouvernement a supprimé ce seuil de participation, en pleine procédure de destitution. Seuil que la Cour a finalement décidé de rétablir.
En quatre jours, le gouvernement a alors, réduit les pouvoirs de cette institution, démis les présidents des deux chambres du Parlement, membres de l’opposition. Il a aussi remplacé par surprise le médiateur, seul habilité à contester les décrets du gouvernement.
Conséquence : l’UE s’est dite «préoccupée» et a sommé Bucarest de respecter l’Etat de droit. Victor Ponta a assuré qu’il allait «prendre les décisions pour dissiper (les) inquiétudes» de l’Union.
«Coup d’Etat constitutionnel»
A Bruxelles, certains membres de l’exécutif européen n’hésitent pas à parler de «coup d’Etat constitutionnel». Dans les couloirs de l’UE, on évoque la possibilité (lointaine) d’utiliser contre la Roumanie l’article 7 du traité de Lisbonne qui prévoit la suspension des droits de vote d’un Etat membre en cas de «violation grave des droits fondamentaux». De la même façon, la situation politique du pays pourrait bloquer son entrée dans Schengen, l’espace sans visas qui réunit actuellement 22 des 27 membres de l’Union.
Les tensions politiques à Bucarest pourraient par ailleurs bloquer un accord avec le FMI pour le versement de 5 milliards d’euros à l’Etat le plus pauvre de l’UE après la Bulgarie.
Manque de culture démocratique
En plus de la pauvreté, la Roumanie, sortie il y un peu plus de 20 ans d’une dictature parmi les plus dures du bloc communiste, souffre d’un autre mal endémique : la corruption, favorisée par les privatisations, qui touche la classe politique. A commencer par le mentor de Victor Ponta, Adrian Nastase, ex-premier ministre socialiste et ancien apparatchik de l’ère Causescu, condamné le 20 mai à deux ans de prison ferme. Quant à Ponta lui-même, il est connu pour avoir, en 2003, plagié sa thèse de droit, qu’il avait soutenue à l’aide de son professeur, un certain... Adrian Nastase. Depuis, son gouvernement a dissout l’instance qui avait révélé le pot-aux-roses !
Autre problème de la classe politique roumaine dans son ensemble : son manque de culture démocratique.
«M. Basescu, en arrivant au pouvoir, a mené une politique très populiste, hyper personnalisée, suscitant énormément de réactions dans l’opposition. Il a peu tenu compte de celle-ci. Et maintenant qu’il est en difficulté, l’(ancienne) opposition (aujourd’hui au pouvoir, Ndlr ) essaie de lui rendre la monnaie de sa pièce», explique le professeur de sciences politiques de l’Université libre de Belgique, Jean-Michel Dewaele, cité par La Libre Belgique.
L’universitaire constate que la nouvelle majorité a modifié, avec une rapidité inouïe, toute une série de compositions d’organes étatiques importants, sans compromis, sans dialogue, sans explication». «Mais quand Basescu était majoritaire, il faisait la même chose. Ceux qui sont au pouvoir veulent tout le pouvoir, dans tous les organes. Le Premier ministre Victor Ponta a critiqué Basescu et puis il fait très exactement la même chose. (…) Il n’y a pas plus de qualité démocratique d’un côté que de l’autre».
La destitution du président Traian Basescu
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