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La croissance en Europe : feu de paille ou redémarrage ?

Les derniers chiffres de croissance en Europe sont meilleurs qu’attendu… mais cet optimisme reste mesuré puisque la Banque centrale européenne (BCE) table toujours sur un recul de la croissance de 0,4% en 2013. Où en sont les pays de l'Union européenne ?
Article rédigé par Pierre Magnan
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 9min
David Cameron dans une usine Toyota en Angleterre. Le secteur de la production automobile est en plein boom en Angleterre qui a renoué avec la croissance au deuxième trimestre 2013. (DARREN STAPLES / POOL / AFP)
La BCE a revu ses prévisions pour 2013 à la hausse et table désormais sur une baisse du PIB de seulement 0,4% (contre -0,6 % en juin) et une progression de 1% en 2014.

Parmi les Etats membres de la zone euro pour lesquels des données du deuxième trimestre 2013 sont disponibles, c'est le Portugal qui a enregistré le plus fort taux de croissance (+1,1%) par rapport au trimestre précédent, suivi de l'Allemagne et de la Finlande (+0,7% chacun). La France a vu son PIB progresser de 0,5%. A l'inverse, Chypre a enregistré la baisse du PIB la plus marquée (-1,4%), devant la Slovénie (-0,3%), l'Italie et les Pays-Bas (-0,3% et -0,2%).

Feu de paille ou mouvement de fond ?
Pour l'OCDE, «dans les économies avancées, l'expansion économique devrait se poursuivre au second semestre de 2013 à un rythme similaire à celui du deuxième trimestre. Dans les trois plus grandes économies de l’OCDE, les Etats-Unis, le Japon et l’Allemagne, l'activité devrait augmenter d’un taux annualisé d’environ 2,5% au troisième et quatrième trimestres. La France devrait voir sa croissance atteindre un taux annualisé d’environ 1,5%.»

«Ce rebond apparaît comme une bonne nouvelle qui a du mal à s'expliquer. Mais cela apparaît plus comme un feu de paille que comme l'enclenchement d'une spirale positive»,
tempère l'économiste de l'OFCE Xavier Timbeau, intérrogé par Géopolis. «On est un peu dans le flou, car on est toujours dans une situation préoccupante, notamment au niveau du système bancaire, du marché du travail ou de l'investissement des entreprises», ajoute-t-il.

Allemagne : croissance et prudence
L'économie allemande s'est accrue de 0,7% au deuxième trimestre, selon l'Office fédéral de la statistique. Le PIB allemand avait stagné au premier trimestre après s'être contracté de 0,5% au quatrième trimestre 2012.
 
La croissance de la première économie européenne a notamment été tirée par la consommation des ménages. Elle se «normalisera» au second semestre après une forte reprise d'avril à juin, a prévenu le ministère de l'Economie dans son rapport mensuel.

Grande-Bretagne : croissance et austérité
Le gouvernement britannique peut avoir le sourire et affirmer que la politique d'austérité n'a pas d'effet sur la croissance. Celle-ci a affiché au deuxième trimestre une hausse de 0,7%. Autre signe positif, le moral des ménages s'affiche en hausse. 

En revanche, l'optimisme affiché par Londres doit être nuancé par un chiffre de production industriel stable en juillet et un déficit commercial en hausse.

France : sortie de récession
Le PIB de la France a enregistré un rebond au deuxième trimestre de 0,5%. Avec ces chiffres, la France espère tenir sa prévision de croissance à 0,1% pour 2013. Malgré cette amélioration, Bercy estime que pour 2014 la croissance sera de 0,9% (au lieu de 1,2%, comme annoncé précédemment). 

Portugal : croissance surprise
C'est la bonne surprise des statistiques. Au deuxième trimestre, l'économie portugaise a connu une embellie, renouant  avec la croissance (+1,1%) après deux ans et demi de récession, accompagnée d'une baisse du taux de chômage qui est passé à... 16,4%.
 
Pour 2014, le gouvernement  portugais avait défendu un déficit public à 4,5%, alors que la troïka souhaitait 4%. Le gouvernement continue de «croire que l'objectif qu'il a défendu est le plus approprié», a tenu à indiquer le vice-Premier ministre portugais, Paulo Portas, sous-entendant qu'il ne fallait pas casser la reprise avec des mesures d'austérité trop fortes.

Manifestants portants une banderole afficnant «non» aux réformes gouvernementales.(Athènes août 2013). (LOUISA GOULIAMAKI / AFP)


Grèce : une pointe d'optimisme
Après une contraction du PIB de 6,4% en 2012, le gouvernement table sur un  recul de 4,3% du PIB en 2013, alors que la reprise est prévue pour… fin 2014 avec une croissance d'au moins de 0,2%, selon les prévisions du budget de l'Etat.

Le Premier ministre, M.Samaras, a exprimé «son optimisme» sur le fait que la Grèce, dont l'économie souffre d'une contraction cumulée de plus de 22% depuis 2008, enregistrerait «pour la première fois un excédent budgétaire primaire (hors service de la dette)» en 2013. «Au cours des sept premiers mois de 2013, l'excédent primaire a atteint 1,1 milliards d'euros», a-t-il précisé.
 
La bonne santé du tourisme en Grèce a contribué à ralentir la contraction du Produit intérieur brut (PIB) au deuxième trimestre 2013, qui s'est établi à -3,8%, selon les données révisées publiées par le service des statistiques (Elstat). En août, la première estimation d'Elstat pour ce même trimestre était une récession de 4,6% pour la même période.
 
Chypre : la chute
Chypre s'est enfoncée un peu plus dans la récession au deuxième trimestre 2013, avec une contraction de 5,9% de son PIB par rapport à l'année passée à la même période. Les estimations des analystes tablaient sur une contraction de 5,4% du PIB.
 
Au premier trimestre, le PIB de l'île avait déjà chuté de 5% par rapport à la même période en 2012. Les chiffres du deuxième trimestre ─ le huitième trimestre consécutif de contraction ─ sont les premiers publiés depuis la mise en place d'un «plan de sauvetage» de l'économie chypriote. Selon les estimations de la Troïka (UE, FMI et BCE), l'économie chypriote devrait connaître une contraction de 8,7% cette année et de 3,9% en 2014, avant  de renouer avec une croissance de 1,1% en 2015.

Manifestation anti-austérité en Espagne. (juin 2013 Madrid) (DANI POZO / AFP)


Espagne : compétitivité relancée
Le PIB a reculé de 0,1% par rapport au premier trimestre 2013. L'économie espagnole a continué de se contracter au deuxième trimestre, mais elle se rapproche de la stabilisation, confirment les chiffres. Cette baisse au deuxième trimestre est la plus faible enregistrée depuis le deuxième trimestre 2011, qui a marqué le début de la phase actuelle contraction.

L'amélioration de la conjoncture en Allemagne, en Grande-Bretagne et en France, trois pays qui absorbent au total plus d'un tiers des exportations espagnoles, pourrait contribuer à une sortie de la récession en Espagne avant la fin 2013, mais la reprise sera probablement très graduelle. Les capacités exportatrices de l'Espagne sont par ailleurs aidées par les gains de productivité obtenus par une importante baisse des salaires (quelque 6% en 2012 et entre 1 et 2% en 2013).
 
Quelques points noirs subsistent : les créances douteuses des banques espagnoles ont bondi vers un nouveau record en juin, à 11,61% du total des crédits, signe de la fragilité persistante du secteur.

Pays-Bas : l'immobilier en panne
Les Pays-Bas sont toujours dans le rouge, avec -0,2 %. Sur un an, la (dé)croissance néerlandaise atteint -1,8 %. Une des causes des difficultés néerlandaises viendraient de la crise immobilière que connaît le pays. Dans ce pays, qui fut longtemps plus rigoureux encore que l’Allemagne en matière de déficit budgétaire comme de comptes courants, près d’un ménage sur trois souffre aujourd’hui d’une dette hypothécaire supérieure à la valeur de sa maison. «C’est pire qu’aux Etats-Unis. Aussi incroyable que cela puisse paraître, le citoyen batave est d’ailleurs deux fois plus endetté que son homologue yankee», note Guy Legrand.

Italie : la récession continue

Le produit intérieur brut de l'Italie a reculé de 0,3% au deuxième trimestre 2013 par rapport au précédent. Sur un an, le recul du PIB est de -2,1%. Ce recul trimestriel est le huitième consécutif, soit la plus longue récession qu'ait connu l'Italie d'après-guerre. Le gouvernement espère cependant une reprise de l'économie à la fin de l'année 2013 avec un quatrième trimestre dans le vert.

En Italie, malgré une économie dans le rouge et une situation poilitique instable, Confindustria, principale organisation patronale italienne, a relevé ses prévisions. Elle table sur une baisse de 1,6% en 2013 et sur une croissance de 0,7% en 2014. L'institution avait jusque-là retenu un recul de 1,9% du PIB en 2013 suivie d'une hausse de 0,5%. 

Et demain ?
Un trimestre ne faisant pas le printemps, le Chef économiste adjoint de l'OCDE, M.Jorgen Elmeskov, reste prudent : «Le redressement progressif de l'activité observé dans les économies avancées est encourageant, mais nous ne sommes pas encore engagés sur la voie d'une croissance durable. Des risques considérables subsistent. La zone euro reste exposée à un regain de tensions liées aux marchés de capitaux, aux banques et aux dettes souveraines. Les niveaux d'endettement élevés observés sur plusieurs marchés émergents ont par ailleurs accentué leur vulnérabilité».

Quant à Xavier Timbeau, il estime qu'il vaut mieux attendre «les chiffres du troisième trimestre», afin d'avoir une vue plus claire des perspectives de croissance à moyen terme.

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