La Cour européenne des droits de l'Homme a épinglé mardi la France
Strasbourg a visé la France pour l'absence d'indépendance de son parquet face au pouvoir exécutif, alors que le rôle du parquet de Nanterre dans l'affaire Woerth-Bettencourt fait polémique.
En 2008, Strasbourg avait condamné la France pour manquement au principe d'indépendance du ministère public, avant de faire marche arrière deux ans plus tard.
La Cour européenne des droits de l'Homme a estimé mardi que le parquet français ne remplissait pas "l'exigence d'indépendance à l'égard de l'exécutif", en donnant raison à une avocate détenue pendant cinq jours avant son audition par un juge d'instruction.
La requérante, France Moulin, contestait son placement en maison d'arrêt par le procureur-adjoint du tribunal de Toulouse alors que cette avocate était en garde à vue dans une affaire de blanchiment d'argent de la drogue.
Elle s'était tournée vers la Cour européenne, estimant qu'à l'issue de sa garde à vue elle n'avait pas été "aussitôt traduite" devant "un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires", affirmant que le représentant du parquet ne représentait pas cette autorité.
Dans son arrêt la Cour européenne des droits de l'Homme rappelle que, contrairement aux magistrats du siège, les membres du parquet "dépendent tous d'un supérieur hiérarchique commun, le garde des Sceaux, ministre de la Justice qui est membre du gouvernement et donc du pouvoir exécutif". Elle estime qu'ils "ne remplissent pas l'exigence d'indépendance à l'égard de l'exécutif (qui compte) parmi les garanties inhérentes à la notion 'autonome' de magistrat" au sens de l'article 5.3 de la Convention européenne des droits de l'Homme.
Sans remettre en cause le statut des magistrats du parquet, Strasbourg "estime que ce n'est pas à eux de contrôler la détention et de garantir les droits fondamentaux", a commenté auprès de l'AFP l'avocat de de France Moulin, qui a obtenu 5.000 euros pour dommage moral.
Il a fustigé la décision de la France de faire appel, expliquant que la Grand chambre de la Cour européenne des droits de l'Homme s'est "déjà prononcée sur cette question dans sa décision Medvedev dont l'arrêt de ce jour n'est que l'application". En 2008, la Cour avait condamné la France dans cette affaire (détention illégale d'un équipage soupçonné de trafic de drogue), pour les liens entre le parquet et le ministère de la Justice. En appel, la Cour avait réaffirmé en mars 2010 le principe de l'indépendance du parquet, mais sans désigner spécifiquement le parquet français.
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