L'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a adopté un rapport sur un éventuel trafic d'organes au Kosovo
Ce rapport évoque un trafic d'organes prélevés sur des prisonniers de l'UCK, l'ex-guérilla locale. Il s'agirait de plusieurs centaines de détenus, surtout des Serbes du Kosovo, mais aussi d'Albanais et de Roms accusés de "collaboration" ou appartenant à des factions rivales de l'UCK.
Le document met en cause le premier ministre kosovar, H.Thaçi.
Le rapport a été adopté à Strasbourg le 26 décembre par 169 voix contre 8 et 14 abstentions. Les représentants albanais, soutenus par des collègues turcs et géorgiens, s'y sont opposés car ils disent y voir l'influence de la Serbie et de la Russie.
Outre le document de 27 pages, rédigé par le député suisse Dick Marty, l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE) a adopté une résolution demandant aux autorités kosovares albanaises de "diligenter une enquête sérieuse" sur cette affaire de trafic présumé. Elle demande aussi à ses Etats membres de fournir à Eulex (voir papagraphe), la mission européenne qui a succédé à l'ONU au Kosovo, tous les moyens nécessaires pour mener des investigations "sans égard aucun aux fonctions exercées par les éventuels suspects". Le premier ministre albanais, Sali Berisha, s'est déclaré "ouvert" à de telles enquêtes tout en rejetant "fermement" la possiblité d'un tel trafic.
Directement mis en cause, son homologue kosovar, Hashim Thaçi, a qualifié de "scandaleux" le rapport , composé, selon lui, d'"éléments fabriqués et de mensonges". Hashim Thaçi a été l'un des responsables de l'UCK (Armée de libération du Kosovo), mouvement indépendantiste kosovar albanais à la fin des années 90 lors de la lutte contre les forces du président serbe, Slobodan Milosevic. Mais ces derniers temps, il a modéré son ton en affirmant: "nous n'avons rien à cacher et j'entends apporter tout mon soutien aux institutions judiciaires qui seront chargées d'élucider cette affaire" (cité par Le Figaro).
En Serbie, on explique que "Dick Marty est le premier représentant d'une organisation internationale à déclarer que de sérieuses violations des droits de l'homme ont eu lieu en présence des forces et institutions internationales" au Kosovo.
L'homme n'est pas le premier venu. C'est lui qui, en 2006, avait rédigé le retentissant rapport sur les prisons secrètes de la CIA en Europe et les transferts illégaux de terroristes présumés à travers l'espace aérien européen. "Ce qui m'a chagriné", explique-t-il, c'est que ce rapport a été interprété comme une attaque contre le Kosovo. "Nous estimons au contraire que les citoyens de ce pays méritent d'être représentés par un personnel politique qui ait les mains propres", a-t-il ajouté.
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Le contenu du rapport
De prime abord, il convient de noter que le document ne fournit pas de preuves formelles. Il utilise souvent le conditionnel. Son auteur, le parlementaire suisse, affirme avoir recueilli "un nombre suffisant de témoignages concordants", en partie anonymes, pour porter des accusations sur des responsables kosovars. Il s'appuie aussi sur des informations émanant des services de renseignement, et de sources diplomatiques ou judiciaires.
Selon le rapport, des responsables de l'UCK se sont livrés à un trafic d'organes prélevés sur les corps de prisonniers à la fin des années 90. Prisonniers d'abord détenus au Kosovo puis ensuite répartis dans au moins huit "prisons secrètes" réparties en territoire albanais.
Selon Dick Marty, le trafic était contrôlé par un groupe de responsables de la guérilla kosovar baptisé "Groupe de Drenica", dont le chef était l'actuel premier ministre kosovar Hashim Thaçi. Une "autre personnalité de l'UCK", Shaip Muja, aurait procédé au "prélèvement forcé d'organes" sur les prisonniers "pour en faire le trafic". Selon Le Monde Diplomatique, Shaip Muja, alors responsable de la brigade médicale de l'UCK, est aujourd'hui conseiller pour la santé du chef du gouvernement kosovar.
A en croire des témoignages recueillis par la mission Marty, les prisonniers étaient tués d'une balle dans la tête avant d'être "opérés pour qu'un ou plusieurs organes leur soient prélevés". Il s'agissait principalement du prélèvement posthume de reins ensuite vendus à des cliniques privées étrangères.
Dans son rapport, Dick Marty parle notamment d'un "centre de réception dernier cri de trafic d'organes pour le crime organisé " près de Fushë-Krujë, à 20 km au nord de Tirana, capitale de l'Albanie.
Combien de personnes auraient été victimes de ces pratiques ?
Le rapport de Dick Marty recense quelque 1800 disparus dont on est sans nouvelle. Les prélèvements de reins n'auraient concernés qu'"une poignée" ou "un petit groupe" de détenus, mais se seraient poursuivis jusqu'à nos jours. Le parlementaire suisse refuse de se prononcer précisément sur le nombre de victimes de prélèvements. Il souligne qu'il s'agit de Serbes mais "aussi de civils kosovars".
Aux dires de la justice serbe, qui affirme avoir enquêté de son côté pendant trois ans sur cette affaire, 500 prisonniers ont été concernés. Sur ces 500 victimes, 400 étaient des Serbes et 100 autres des non-Albanais du Kosovo, a affirmé à Belgrade le procureur pour les crimes de guerre.
Le rapport est par ailleurs sévère pour "les autorités internationales en charge de la région", ONU et UE. Selon le document, lesdites "autorités internationales" "n'ont pas estimé nécessaire de procéder à un examen approfondi" des faits "en dépit des indices concrets au sujet de tels trafics au début de la décennie". Elles ont "privilégié une approche politique pragmatique, estimant devoir favoriser à tout prix la stabilité à court terme et sacrifiant ainsi d'importants principes de justice".
Autres accusations
Au-delà du trafic, le parlementaire suisse met directement en cause Hashim Thaçi comme "parrain" d'un réseau criminel qui étendrait son emprise sur le pays. Selon des sources citées par le rapport, le "Groupe de Drenica" contrôlerait le commerce de l'héroïne depuis 10 ans. Cette mainmise aurait bénéficié du "soutien et (de) la complicité des structures de gouvernance officielles de l'Albanie".
Dans un rapport secret de la force de l'OTAN au Kosovo (KFOR), dont des extraits ont été cités par le journal britannique The Guardian, le premier ministre kosova est qualifié de l'un des "plus gros bonnets" du crime organisé dans l'ex-province serbe. A en croire ce document, Hashim Thaçi serait l'une des trois plus importantes figures de ce crime organisé, aux côtés d'un haut responsable qui entretiendrait des liens avec la mafia albanaise.
"Les faits étaient connus"
"Je pense que le fait de dire tout haut aujourd'hui ce que tout le monde, savait pourrait déclencher une dynamique de vérité", a expliqué le 16 décembre le rapporteur suisse au cours d'une conférence de presse à Paris.
"Ce qui m'a profondément choqué, c'est que les faits décrits dans ce rapport étaient connus par de très nombreuses personnes. Il faut mettre un terme à cette hypocrisie et faire le travail", a-t-il poursuivi. "Nous avons livré suffisamment d'informations pour qu'il y ait une enquête sérieuse, approfondie", a encore déclaré Dick Marty.
De fait, "au Kosovo, l'hypothèse d'un tel trafic est une 'rumeur' qui circule depuis longtemps", rapporte Le Monde Diplomatique. Un trafic par ailleurs évoqué dans les mémoires publiés en 2008 par l'ex-procureure générale du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY), Carla Del Ponte.
"M. Marty confirme et élargit ce que j'ai déjà dit dans mon livre", a expliqué Carla Del Ponte dans une interview au journal suisse Tagesanzeiger. Elle a rappelé qu'elle avait elle-même enquêté sur la question dans le cadre du TPIY de La Haye. Elle a raconté qu'elle s'était rendue avec son équipe dans la maison du nord de l'Albanie où les crimes présumés "ont été commis". "Nous y avons trouvé des traces de sang et y avons vu des vêtements tâchés de sang. C'était la preuve qu'il y avait pu y avoir des interventions chirurgicales", a-t-elle ajouté.
L'ancienne procureur, désormais ambassadeur de la Suisse en Argentine, avait commencé à accumuler, selon elle, des photos, rapports, mais aussi obtenu des informations de la part de témoins visuels soutenant les soupçons d'un trafic d'organes. Ces éléments "montraient que quelque chose avait été fait non à des animaux mais à des humains", a encore expliqué Carla Del Ponte. Elle a également fait état de "preuves" concernant l'existence d'un charnier de victimes en Albanie.
L'inquiétude du Kosovo
Vues du Kosovo, "les accusations du Conseil de l'Europe pouvaient difficilement tomber dans un contexte plus défavorable", rapporte Le Figaro. Motif: "en quête de reconnaissance, le Kosovo cherche à normaliser les relations avec ses voisins dans l'espoir d'intégrer l'Union européenne". Le pays, qui connaît un taux de chômage de 43 %, est très dépendant de l'aide internationale.
Selon le quotidien indépendant kosovar Zeri, "l'image du Kosovo à l'étranger s'est dégradée au-delà de tout et un nouveau nuage noir plane au-dessus du pays". "Il sera très difficile" d'améliorer cette image, même sur le long terme, affirme ce journal. "Dans les jours, semaines et mois qui viennent, lorsqu'on écrira quelque chose sur le Kosovo, la nouvelle résolution (du Conseil de l'Europe) y sera mentionnée", déplore Zeri.
"C'est un coup dur, voire même catastrophique, pour l'image du Kosovo", estime un analyste local, Ramush Tahiri, interviewé par l'AFP. Selon lui, le rapport Marty est susceptible de "ralentir" le processus des reconnaissances internationales de l'indépendance du Kosovo que Pristina a unilatéralement proclamée en février 2008 en se séparant de la Serbie. "Imaginons que l'enquête se déroule pendant cinq ans. Qu'est-ce qu'on fait pendant ce temps-là ?", s'interroge cet analyste.
Citant des experts du droit international, les médias locaux ont également relevé que le rapport pourrait retarder de nouvelles reconnaissances du Kosovo qui sont nécessaires pour son adhésion à des organisations internationales. A ce jour, 72 pays ont reconnu l'indépendance du pays, dont les USA et 22 des 27 Etats de l'UE.
Pour le président par intérim du Kosovo, Jakup Krasniqi, Pristina [capitale du pays] est "prêt à affronter" le rapport. "Nous sommes convaincus que cela (le trafic d'organes présumé) ne peut être prouvé d'aucune manière", a-t-il ajouté.
La réaction de Hashim Thaçi
Dans un premier temps, en décembre, le premier ministre kosovar, Hashim Thaçi, a qualifié de "scandaleux" le rapport du Conseil de l'Europe. Un texte "plein d'éléments fabriqués et de mensonges qui ne font que recycler une propagande éculée". "Son objectif vise à dénigrer à la fois l'Armée de libération du Kosovo et l'indépendance du Kosovo", a-t-il affirmé. Il a été jusqu'à comparer l'enquête à de la propagande nazie, accusant Dick Marty de s'être "mis au service du nationalisme serbe". "Je suis totalement innocent et je suis serein quant aux allégations [contenues dans le rapport]. J'ai été accusé de ces choses depuis 15 ans maintenant. Je sais que les Etats-Unis et les pays de l'Union européenne savent qu'il s'agit de mensonges complets", a-t-il dit.
"Dick Marty doit se préparer à faire appel à de bons avocats, s'il s'en trouve un prêt à le défendre, car il n'échappera d'aucune manière à la justice pour cette diffamation", a-t-il expliqué dans un entretien à l'agence Reuters.
En janvier, le ton de Hashim Thaçi s'est fait nettement plus modéré. "L'image du Kosovo est naturellement atteinte par ces accusations, alors que notre réalité est celle d'un pays stable, démocratique et résolument européen qui entretient des relations de bon voisinage avec tous les pays, y compris la Serbie. Cependant, nous n'avons rien à cacher et j'entends apporter tout mon soutien aux institutions judiciaires qui seront chargées d'élucider cette affaire. A cette époque, en effet, l'UCK était un mouvement populaire de libération au sein duquel il est possible que des individus avec un passé délinquant aient trouvé refuge pour mener leurs activités criminelles", a-t-il ainsi expliqué, selon des propos rapportés par Le Figaro.
L'attitude de l'Europe
L'Union européenne se dit prête à lancer "des enquêtes à l'encontre de qui que ce soit si des preuves suffisantes admissibles devant un tribunal sont apportées concernant de graves activités criminelles" au Kosovo, a indiqué mercredi 26 janvier la porte-parole de la chef de la diplomatie de l'UE, Catherine Ashton.
De son côté, la Mission européenne au Kosovo (EULEX), chargée de juger les affaires les plus sensibles dans ce pays nouvellement indépendant, s'est donné un délai supplémentaire, jusqu'au 5 février, pour décider de l'inculpation éventuelle de sept personnes soupçonnées de trafic d'organes humains au Kosovo. EULEX, Mission européenne de police et de justice dans le pays, qui compte quelque 3000 employés, a pour objectif d'aider au renforcement de l'état de droit, dans les domaines de la police, des douanes et de la justice.
"Les juges ont besoin de 15 jours supplémentaires pour décider sur le dossier (de la clinique) Medicus car il est considéré comme très complexe et volumineux. Il concerne un grand nombre" de personnes mises en cause, a déclaré un porte-parole de la Mission.
La clinique Medicus à Pristina avait été fermée en 2008 après une enquête de plusieurs mois. La police avait découvert qu'on y pratiquait des transferts d'organes, opération pourtant interdite au Kosovo. Les autorités avaient été alertées par cette affaire à la suite du malaise d'un ressortissant turc à l'aéroport de Pristina, dont le rein aurait été transféré sur un ressortissant israélien.
Sept personnes sont soupçonnées dans cette affaire "de trafic d'organes humains, de crime organisé et d'exercice illégal de la médecine". Parmi les personnes mises en cause figure un ancien responsable du ministère kosovar de la santé, qui avait délivré une licence à la clinique.
Deux autres personnes sont impliquées dans cette affaire. L'une d'elles, un ressortissant israélien nommé Moshe Harel, aurait mis en contact des donateurs et des receveurs d'organes. Il est en fuite et recherché par Interpol. L'autre suspect, Yusuf Sonmez, qualifié de "Frankenstein turc" par les médias kosovars, a été arrêté, puis libéré en Turquie à la mi janvier après un interrogatoire à Istanbul. Il a exercé à la clinique Medicus. Yusuf Sonmez se dit innocent, assurant avoir eu "toutes les autorisations requises" pour pratiquer à Pristina.
Début janvier, un groupe international, présidé par le juge allemand Klaus Jung, a terminé les auditions préliminaires relatives à l'affaire de la clinique Medicus.
Selon les éléments de l'enquête, les victimes de ce trafic, les donateurs, se voyaient promettre environ 15.000 euros pour un de leurs organes. De leur côté, les receveurs payaient jusqu'à 100.000 euros pour l'opération. Les donateurs étaient recrutés parmi les couches les plus défavorisées de la population dans différents pays d'Europe orientale et d'Asie centrale.
La réaction de Bernard Kouchner
"Nous ne savions rien. Si nous l'avions su, nous aurions envoyé des gens pour établir les faits et enquêter ou non", a déclaré à la BBC l'ex-ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, qui a présidé la mission de l'ONU au Kosovo (Minuk) de 1999 à 2001. Pendant cette période, le trafic présumé se poursuivait, affirme le rapport Marty.
"Il y a un malentendu tout au long du rapport. Le crime organisé? Certainement, nous en avions entendu parler. Mais le trafic d'organes ? Certainement pas", a expliqué à la BBC Bernard Kouchner qui s'exprimait en anglais. "La première fois que nous en avons entendu parler c'est après que Carla del Ponte a quitté [son poste de procureur du TPI, NDLR]. Elle a publié un livre et nous avons été très surpris", a souligné M. Kouchner.
Le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (MRAP) a demandé "l'audition par les autorités compétentes de Bernard Kouchner en tant que responsable de l'administration au Kosovo".
Réactions en Serbie
Le président serbe, Boris Tadic, a remercié Dick Marty pour son rapport. "La Serbie a attendu un tel rapport pendant des années devant les institutions internationales. Nous avons appelé à élucider tous les crimes mais ces appels n'ont pas été pris au sérieux pendant des décennies", a-t-il dit. Désormais, l'image de la Serbie comme seule responsable des évènements qui ont entraîné le démantèlement de l'ex-Yougoslavie est "tombée à l'eau", a-t-il ajouté.
"Dick Marty est le premier représentant d'une organisation internationale à déclarer que de sérieuses violations des droits de l'homme ont eu lieu en présence des forces et institutions internationales" au Kosovo, estime de son côté Natasha Kandic, directrice de la Fondation pour les droits de l'homme à Belgrade. Selon elle, cette révélation est plus importante que les accusations
concernant un trafic d'organes présumé.
"Tous les enlèvements (au Kosovo) de Serbes et de Roms se sont produits en présence de la KFOR (Force multinationale de l'OTAN), des institutions de l'ONU et de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). Et personne n'a réagi", dit Mme Kandic. Les organisations des droits de l'homme évaluent à environ 500 Serbes et 1400 Kosovars albanais le nombre des personnes toujours portés disparues depuis le conflit de 1998-99 au Kosovo.
"Nous ne pouvons pas comprendre qu'il soit impossible, à la fin du XXe siècle et au début du XXIe, d'établir ce qui s'est passé avec des gens innocents, qui n'ont pas été tués pendant le conflit, mais après l'arrivée des forces internationales", s'insurge Verica Tomanovic, responsable de l'Association serbe des familles des personnes portées disparues au Kosovo.
Elle explique comment son mari, Andrija, ancien chef du service de chirurgie à l'hôpital de Pristina, a été poussé dans une voiture et emmené par des inconnus, le 24 juin 1999. La scène se serait passée à la sortie de son travail, devant des soldats de la KFOR. Personne ne l'a revu depuis. Dans les mois qui ont suivi, elle a écrit au responsable de la KFOR et au Français Bernard Kouchner, qui dirigeait la structure de l'ONU au Kosovo. Elle dit ne jamais avoir eu de réponses.
Dick Marty: celui par qui le scandale arrive
"Il faut que la vérité sorte", a coutume de répéter Dick Marty. Cet ancien procureur du canton du Tessin est membre depuis 1998 de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE), institution dont la mission est de défendre les droits de l'homme.
Né en 1945 à Sorengo (Suisse), ce juriste de formation s'est lancé en politique dans les années 80. A Strasbourg, où il siège parmi les libéraux-démocrates, il s'est fait remarquer par son engagement sur les dossiers difficiles et son habileté de négociateur.
Il a ainsi été, en 2006, l'auteur d'un retentissant rapport sur les prisons secrètes de la CIA en Europe et les transferts illégaux de terroristes présumés à travers l'espace aérien européen. Il y dénonce, sur la foi de documents, la complicité d'autorités nationales, notamment celles de la Pologne et de la Roumanie. Celles-ci auraient "sciemment abrité des centres de détention de la CIA entre 2003 et 2005".
Peu avant la publication de ce document, Dick Marty avait dénoncé la tenue par l'ONU d'une liste de personnes et d'organisations soupçonnées de liens avec le terrorisme sans que celles-ci en aient "été informées", et donc sans qu'elles aient de "possibilité de recours". Il avait étendu son enquête à un système de listes noires qui aurait également existé au niveau de l'Union européenne.
Le parlementaire de l'APCE est par ailleurs l'auteur d'un rapport sur le Caucase du Nord dénonçant un vide juridique et la "peur d'enquêter efficacement" sur des exactions des forces de l'ordre russes. Exactions qui ont déjà valu à Moscou près de 200 condamnations par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH).
"Son autorité professionnelle et morale le désigne naturellement lorsque le Conseil de l'Europe s'attaque à un gros morceau", explique Andrew Drzemczewski, fonctionnaire de la Commission des questions juridiques et de droits de l'homme au sein de l'APCE, dont le parlementaire suisse est membre. "C'est une homme très cultivé, de forte personnalité et surtout, il croit en ce qu'il fait", souligne le fonctionnaire. "Dick Marty n'est pas une superstar, mais un véritable poids lourd, et peu de ses pairs à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe se présentent contre lui" comme rapporteur sur les thèmes sensibles, précise-t-il. De son côté, Dick Marty explique sa force de caractère par la quasi-cécité qui l'a affligé jusqu'à l'âge de six ans.
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