Hongrie : le juge qui ne voulait pas se taire
Son mandat à la tête de la Cour suprême devait durer six ans. Il aura finalement été raccourci de plus de trois ans. Andras Baka aura commis une faute impardonnable : critiquer le pouvoir en place, et son chef, l’autoritaire Viktor Orban.
En cause, plusieurs dénonciations de réformes judicaires initiées par le Fidesz, le parti au pouvoir, comme celle abaissant l’âge légal de départ à la retraite des juges de 70 à 62 ans. Une réforme considérée comme initiant une purge au sein de la magistrature.
Pourtant, le juge avait été élu à son poste en juin 2009 avec 86 % des voix du Parlement, dont celles du Fidesz, alors dans l’opposition.
La réforme est passée. La Cour suprême a été remplacée par une nouvelle institution appelée Kuria. Et le juge Andras Barka a été limogé. N’ayant pu porter plainte dans son pays, il a contesté la décision directement au niveau européen : à la CEDH, où il a été juge pendant 17 ans.
La Cour épingle le gouvernement Orban
«J’ai été limogé sans avoir commis de faute», relève Andras Baka dans une interview donnée au Monde.
La CEDH relève plusieurs manquements graves : atteintes au «principe d’inamovibilité» des juges, «l’indépendance de la justice», ou le pouvoir de contester son limogeage devant la justice de son pays.
Elle relève aussi que «les autorités nationales n’ont mis en cause ni l’aptitude de M. Baka à exercer ses fonctions, ni son comportement professionnel».
Plus grave, l’arrêt critique ouvertement le gouvernement : la mise à l’écart du requérant «a indubitablement eu un effet dissuasif et a dû décourager non seulement M. Baka lui-même, mais aussi d’autres juges de participer, à l’avenir, au débat public sur les réformes législatives».
Andras Baka ne sera pas réintégré. Il recevra néanmoins 70 000 euros de dommages et intérêts.
Ironie de l’histoire, en tant que président de la Cour suprême, il était aussi à la tête du conseil national de la justice. Il avait ainsi l’obligation légale de s’exprimer sur tout projet de loi touchant à la magistrature.
Atteintes à la démocratie
Refonte des lois électorales, atteintes à la liberté de la presse ou à l’indépendance de la justice, le régime Orban n’en est pas à son coup d’essai. Des dérives critiquées par l’opposition hongroise, par l'Union européenne et par des ONG.
En janvier 2012, Viktor Orban et le Fidesz avaient promulgué une nouvelle constitution aux accents très nationalistes. 100 000 manifestants s’étaient rassemblés pour dénoncer ce qu’ils considéraient comme une atteinte à la démocratie.
Mais fort de sa popularité, le gouvernement n’a pas dévié de cette ligne politique. Voulant rétablir la peine de mort dans le pays, Viktor Orban accumule les critiques de ses homologues européens. En mai 2015, se rendant au sommet de Riga, le président de la Commission européenne Jean-Claude Junker, lançait ainsi au Premier ministre : «Salut, dictateur !».
Dernier épisode en date, la volonté du dirigeant hongrois d’organiser un référendum le 2 octobre 2016 sur l’immigration. La question est pour le moins partiale : «Souhaitez-vous que l’Union européenne soit habilitée à prescrire l’installation de citoyens non-hongrois sans le consentement du Parlement ?»
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