Faut-il fermer les frontières de l'Europe ? Illustration à Melilla
Melilla, c'est une ville administrative de 12 kilomètres carrés, une ville assez moche, située au bord de la Méditerranée. Une ville encerclée, de bout en bout, par une triple clôture de fer, haute de huit mètres, et surmontée de lames de rasoir, ce qu'on appelle les "cuchillas".
Embarqué avec la patrouille de la Guardia Civil, on longe la triple clôture. L'agent Aurelio Azquazba est fier de nous montrer la toute dernière trouvaille : "On est entrain de mettre par-dessus le grillage un maillage plus serré pour qu'il ne puisse pas glisser leur doigts et grimper sur la clôture".
Il faut dire que depuis quelques mois, les migrants sont de plus en plus nombreux - des Syriens, des Maliens, des Centrafricains qui fuient les combats. Samedi dernier, 500 migrants ont essayé de sauter la clôture. Et s'ils sont prêts à risquer leur vie c'est tout simplement parce qu'une fois sur le territoire espagnol, ils rejoignent le CETI, le centre de séjour temporaire pour les migrants de Melilla, d'où il sont forcément transportés vers la péninsule, et remis en liberté. C'est la procédure. Un véritable passeport vers l'Eldorado. Ces derniers mois le CETI est surchargé, l'établissement accueille 1900 migrants pour seulement 480 places.
"C'est effrayant de voir un homme défiguré par un grillage"
Devant l'entrée du centre, on retrouve Fredy, une jeune Camerounais de 23 ans. Il a quitté le Cameroun il y a quatre ans, il espère trouver du travail en Europe pour nourrir sa femme et ses deux enfants resté là-bas. Il vient tout juste de réussir à franchir la clôture, après 76 tentatives : " A chaque fois tu es menacé de coups de fouet, on te bastonne dans tous les sens. Moi j'ai des cicatrices sur le corps, c'est vraiment effrayant de voir un homme défiguré par un grillage ".
Ce traitement infligé aux migrants, cette politique, José Palazon, militant des droits de l'Homme à Melilla, les dénonce depuis 20 ans : "C'est comme si tu me dis, on a un hôpital, il ne peut accueillir que 50 personnes, mais comme il y a plus de 1.000 patients malades dans cette ville... eh bien qu'ils meurent. Non ! C'est pas ça la solution. Ce qu'il faut c'est construire un hôpital plus grand. Ici les gens meurent dans l'eau ou sur la barrière tout simplement parce que l'Europe n'a pas de porte, elle a un mur à la place".
Les autorités espagnoles dépassées
L'Espagne, comme d'ailleurs l'Italie ou la Grèce, réclament sur cette question une vraie politique migratoire européenne. Abdelmalik El Barkani, délégué du gouvernement espagnol à Melilla, il avoue que la situation lui échappe un peu : "On doit éviter que les migrants sortent de leur pays sans papiers nécessaires et qu'il entrent de cette façon chez nous en violant nos frontières ou sur des embarcations de fortune. On doit construire une politique commune, qui inclue aussi l'aide au développement et qui donne par exemple plus de visas de travail. Et ça on doit en parler tous ensemble."
Au loin, derrière la clôture, côté marocain, des centaines de migrants attendent leur tour, cachés dans la forêt sur le Mont Gourougou. De là-bas ils observent Melilla, ce petit bout d'Europe dont ils rêvent depuis si longtemps. Autant de fois qu'il le faudra, ils retenteront leur chance.
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