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Extrême-droite : en Suède aussi

L’exemplaire Suède n’est plus ce qu’elle était. Alors que le chômage et la xénophobie augmentent, le pouvoir social-démocrate est bel et bien en panne. Et l’extrême-droite monte : le parti des Démocrates Suédois (SD), qui vient de faire tomber le gouvernement, a le vent en poupe.
Article rédigé par zacharie boubli
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 6min
Une manifestation néo-nazie de 2003, exploitant le meurtre d'un jeune Suédois par un immigré trois ans plus tôt. (SVEN NACKSTRAND / AFP)

Aux élections générales suédoises de septembre 2014, le parti d’extrême-droite SD (Démocrates Suédois) avait effectué une percée inédite en remportant 49 sièges sur 349 (13%), deux ans après son entrée au Parlement avec 20 élus (5,7%).
 

Jimmie Akesson, leader des Démocrates Suédois, célébrant le score de 13% de sa formation en septembre 2014. (ANDERS WIKLUND / TT NEWS AGENCY / AFP)

La coalition sortante «rose-verte» réunit Verts et sociaux-démocrates. D’une faiblesse rare, elle ne comptait que 138 députés. Elle n’a duré que quelques mois : le Premier ministre Stefan Lovfen a annoncé le 3 décembre la tenue d’élections anticipées en mars 2015 après que le SD a fait voter le projet de budget de l’opposition. Une crise gouvernementale inédite où se manifeste pour la première fois le pouvoir de nuisance politique de l’extrême-droite.
 
Marasme économique, mollesse politique
Il n’y a pas lieu d’exagérer le diagnostic mais l’économie suédoise patine depuis 2012. Ayant connu 8 ans de pouvoir libéral de centre-droit, la Suède a pendant la décennie 2000 ajusté le fameux modèle nordique aux exigences de compétitivité internationale et d’orthodoxie budgétaire.
 
C’était donc dans un contexte d’essoufflement de la social-démocratie que Lovfen était devenu Premier ministre.
 
Le futur ex-Premier ministre Stefan Lovfen peu avant l'annonce des élections anticipées. Ancien syndicaliste, Lovfen a été critiqué pour son manque de charisme. (PONTUS LUNDAHL / TT NEWS AGENCY / AFP)

«Steven Lovfen et son équipe ont rétabli le respect pour la social-démocratie suédoise mais cela ne suffit pas. Il doit réaliser ce que ses prédécesseurs n’ont pas réussi à faire depuis 10 ans : une nouvelle social-démocratie. Par peur de se brouiller avec les électeurs du centre, on a choisi de mettre en veilleuse presque toutes les questions qui attirent les jeunes à la politique : la politique extérieure, les questions environnementales, le féminisme…
Historiquement, la force de la social-démocratie est toujours née de l’ambition de combiner le romantisme et le pragmatisme, la modernité et la stabilité. Si on abandonne cela, on délègue une bonne partie de son âme aux Verts», analysait l’éditorialiste Katrin Kielos d’Aftonbladet en septembre 2014.
 
En Suède aussi, la gauche de gouvernement glisse vers le centre et converge avec la droite libérale. «Les sociaux-démocrates et les partis bourgeois sont tellement proches qu’il ne serait pas étrange qu’ils forment un gouvernement de coalition», résume Pehr Gyllenhammar, ancien président de Volvo.
 
Si la gauche n’est plus vraiment la gauche et la droite plus vraiment la droite, alors l’extrême-droite est-elle toujours l’extrême droite ? La question mérite d’être posée…
 
«Tous les immigrants ne sont pas des criminels, bien sûr, mais il y a une connexion»
Fondé en 1988 avec la devise «Sécurité et traditions», le parti des Démocrates Suédois est d’abord une vitrine politique de néo-nazis, au score emblématique de 0,02% à ses premières élections. Pendant vingt ans, le SD augmentera régulièrement ses scores sans passer la barre des 5% nécessaires pour entrer au Parlement. La dédiabolisation entreprise à la fin des années 1990 sera longue mais fructueuse.
 
Des dizaines de membres ont été exclus en 2012, le parti affichant désormais une tolérance zéro pour le racisme. Sous l’égide d’un leadership «jeune-dynamique», le SD s’ingénie à rentrer dans les limites du politiquement acceptable. L’époque des uniformes nazis est finie. La formation se revendique «nationale-démocratique centriste».
 
Le discours des Démocrates Suédois s’est poli, convergeant avec les antiennes d’autres partis d’extrême-droite populiste en Europe. Refus de l’immigration, islamophobie, discours social mâtiné de nationalisme… Entre les branches islamophobe et antisémite de l’extrême-droite, les Démocrates ont choisi la première.


Mais la meilleure façon pour le SD de se dédiaboliser aura été d’être dépassé sur sa droite. D’autres formations extrémistes, telles que les Nationaux-démocrates ou le Parti des Suédois cohabitent sur le même spectre politique. Loin de concurrencer le SD, ils servent au contraire son entreprise en lui fournissant un «contre-repoussoir». Un effet inattendu du caractère pluriel des extrêmes-droites scandinaves
 
Des groupuscules néo-nazis manifestent périodiquement en Suède, ici à l'occasion de la Journée de la Shoah (FREDRIK PERSSON / SCANPIX SWEDEN / AFP)

Qui se ressemble s’assemble
Au Parlement européen, le SD détient deux des 20 sièges réservés à la Suède. Un rapprochement avec le Front National dans le groupe parlementaire dont rêve Marine Le Pen est dans les esprits. Les deux partis semblent avoir tout pour s’entendre.
 
Reste que le naturel a parfois du mal à partir. En 2012, une vidéo avait été diffusée montrant des députés et conseillers municipaux SD proférer des insultes racistes, tabasser un jeune Suédois ivre (en raison de son état indigne d’un «vrai Suédois»), traiter une jeune femme de «pute», mentir à la police… Un comportement nazillon façon Millenium. L’un des élus exulte dans la vidéo, «trop génial de foutre la merde».
 
Kent Ekeroth, député SD, est l'un des élus apparaissant dans la vidéo. (JANERIK HENRIKSSON / SCANPIX SWEDEN / AFP)

Le scandale n’avait pas empêché le SD de passer de 20 à 49 députés aux élections suivantes.
 
Les Démocrates Suédois doivent donc envisager les élections de mars 2015 avec optimisme : comme ailleurs en Europe, le centre-gauche ne fait plus rêver personne, la droite porte la responsabilité de l’augmentation du chômage et le modèle social semble en crise.

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