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Extradition, fichiers... Comment l'Europe s'est armée contre le «terrorisme»

Face à des menaces qui se jouent des frontières, comme le cas Salah Abdeslam, arrêté le 18 mars 2016 à Bruxelles, le montre, l’Europe a tenté de développer des outils transfrontaliers. Depuis une quinzaine d'années, l'Union européenne développe petit à petit un arsenal législatif et policier destiné à compenser l'ouverture de ses frontières intérieures. Mais sans qu'il y ait de véritable pilote.
Article rédigé par Pierre Magnan
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Policier dans les rues de Bruxelles. C'est dans la capitale belge qu'a été arrêté le Français Abdeslam. (AURORE BELOT / BELGA / AFP)

Les attentats de Paris en 2015, comme déjà ceux d'Attocha en Espagne en 2004, ont accru la pression sur les responsables européens dans la nécessité d'apporter une réponse, juridique notamment, aux besoins des enquêteurs et des justices européennes face à des phénomènes qui se jouent des frontières.

Historiquement, l'Europe avait déjà dû faire face dans les années 1970 à une menace «terroriste» d'extrême gauche. Le terrorisme a ainsi été à l'origine de la première forme de coopération en matière de justice et d'affaires intérieures au sein de l'UE. Les attentats du 11 septembre 2001 avaient accéléré le processus. 

Un monsieur «terrorisme» pour l'Europe
À la suite des attentats terroristes commis à Madrid le 11 mars 2004 (Attocha), le Conseil européen a décidé la création du poste de coordinateur de la lutte contre le terrorisme. En décembre 2005, le Conseil a défini la stratégie de l'Union européenne visant à lutter contre le terrorisme. «Cette stratégie a retenu quatre axes principaux : la prévention, la protection, la poursuite et la réaction. La stratégie a reconnu, pour ces différents domaines, l'importance de la coopération avec les pays tiers et les institutions internationales», rappelle le site «robert-schuman».

Gilles de Kerchove, le monsieur «terrorisme» de l'Union européenne


Dès 2002, l'Union s'est dotée d'une définition commune du terrorisme, qui reste assez floue. Cette définition commune a été assortie de peines d'emprisonnement harmonisées. Elle a constitué une avancée majeure. Auparavant, seuls cinq États membres (France, Allemagne, Royaume-Uni, Espagne et Italie) étaient dotés d'une législation spécifique sur le terrorisme. Mais cela est loin de régler tous les problèmes. Ainsi, le PKK est considéré comme une organisation terroriste en Europe et faire son apologie pourrait être condamné alors que les Américains semblent armer sa filiale syrienne contre les combattants de Daesh. Le président turc n'a pas manqué de faire remarquer aux Européens qu'ils ont «capitulé face à la terreur».

Le mandat d'arrêt européen
Le mandat d'arrêt européen a été établi en 2002. Il est devenu opérationnel progressivement. «Le mandat d’arrêt européen remplace le système d’extradition. Il impose à chaque autorité judiciaire nationale de reconnaître et d’exécuter, moyennant des contrôles minimaux et dans des délais stricts, la demande de remise d’une personne formulée par l’autorité judiciaire d’un autre pays de l’UE », rapporte le texte européen. Dans l'ancien système d'extradition, les affaires duraient souvent plus d'un an. Il faut désormais compter en moyenne autour de seize jours pour remettre une personne recherchée qui consentêtre remise à l'Etat demandeur et quarante-huit jours à défaut de consentement.  

Une française avait ainsi été remise à l'Espagne en 2012 dans le cadre de ce mandat d'arrêt. Aurore Martin, française, militante basque, était poursuivie en Espagne pour ses activités politiques. En vertu de ce mandat, arrêtée en France, elle avait été envoyée en Espagne sans discussion du bien-fondé de cet arrêt par la justice française. Cette affaire avait fait polémique en France car dans ce cas particulier la notion de terrorisme était loin d'avoir la même définition de chaque côté des Pyrénées.

Fabrice Leggeri (à gauche), le patron de Frontex, avec le commissaire européen Dimitris Avramopoulos (en mai 2015) (WOJTEK RADWANSKI / AFP)


Les fichiers européens

Toute une série d'autres mesures ont été prises: lutte contre le financement du terrorisme adoptée en 2004 et révisée en 2008 sans compter un accord avec les Etats-Unis sur la surveillance du financement du terrorisme (Terrorism Finance Tracking Programme, TFTP) en août 2010. 
 
Depuis 1995, le système d'information Schengen (SIS) permet aux autorités compétentes (policiers, gendarmes, douaniers, autorités judiciaires) de disposer en temps réel des informations introduites dans le système par l'un des États membres. Le SIS intègre désormais de nouvelles fonctionnalités telles que les données biométriques (empreintes digitales et photographies). Mais l'intégration européenne est un long chemin. Le patron de Frontex, Fabrice Leggeri, s'est plaint que ses agents n'avaient pas accès à ces fichiers européens lors de l'arrivée des migrants en Grèce. «L’agence Frontex n’a pas le droit de consulter le SIS, le fichier consolidé de toutes les polices de Schengen ! Cela a été refusé à Frontex par le législateur européen dans la dernière décennie», a-t-il affirmé.

L'éternelle lutte entre garanties des libertés et nécessités policières s'est doublée en Europe de problèmes complexes de respect des souverainetés et d'organismes éclatés, voire concurrents, même si le traité de Lisbonne a permis la levées de certaines difficultés. La longue et difficile mise en œuvre du PNR (données sur les passagers aériens) l'a montré.
 
De nouveaux textes sont en préparation. Une directive européenne (loi européenne) devrait être soumis au Parlement européen. Elle a vu le jour après les attentats de Paris, en novembre 2015. Le texte ne s'applique normalement pas au Royaume-Uni et au Danemark. Comme quoi en Europe, rien n'est simple.

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