Envolée du franc : les Suisses plus riches, la Suisse plus pauvre?
Grâce à cette envolée de la monnaie, chaque Suisse peut se considérer plus riche et les produits importés se retrouvent moins chers (UBS prévoit une inflation négative de -0,6% en 2015) mais des secteurs entiers de l’économie se retrouvent dans une situation difficile.
UBS «estime que la levée du seuil de 1,20 CHF pour 1 EUR requalifie la devise nationale en "valeur refuge", ce qui devrait attirer dans les prochaines semaines une demande accrue. L'annonce attendue d'un vaste plan de relance par la Banque centrale européenne risque d'affaiblir encore l'euro dans les prochains jours, tout comme la tenue d'élections anticipées en Grèce. La force actuelle du franc est toutefois jugée surévaluée», écrit le journal suisse Bilan.
Pourquoi la BNS a changé de position
En 2011, la Banque Nationale Suisse (BNS) avait décidé d'accrocher la valeur du franc suisse à l'euro pour l'empêcher de monter. Elle avait réussi à fixer sa valeur à 1 euro = 1,20 CHF. Pour cela, la BNS achetait beaucoup de titres en euro. Résultat, selon certains, elle était devenue «le premier créancier de la zone euro», pouvait on lire dans Le Temps. Or, l'euro est en phase de repli. Il est même repassé sous son cours d'introduction par rapport au dollar. La situation devenait intenable pour la BNS qui a donc décidé de cesser ses interventions.
Les anticipations sur la volonté de la BCE d’assouplir fortement sa politique monétaire pour contrer la baisse des prix dans la zone euro poussait l’euro vers le bas. Et la BNS devait intervenir de plus en plus lourdement pour maintenir cette parité. «Pour elle, la logique de cette décision est de «couper les ponts avec la BCE», c’est-à-dire de ne plus être tributaire des décisions de la BCE, dans la perspective de l’assouplissement quantitatif que devrait mener bientôt la BCE. Une action qui affaiblira l’euro», note les Echos.
Une réunion de la Banque centrale européenne prévue le 22 janvier agite en effet les marchés puisqu'elle pourrait déboucher sur l'annonce d'une mise en oeuvre de la politique de «quantative easing» destinée à alimenter la zone euro en liquidités face aux menaces de déflation. Ajouté à cela, les élections grecques et l'éventuelle victoire de Syriza pèsent sur l'euro.
Conséquences en Suisse
Certes, les Suisses ont vu leurs patrimoines s'envoler par rapport aux autres monnaies, même si la bourse de Zurich a fortement reculé, ainsi que leurs salaires. Pas négligeable, quand on va à l'étranger. Bonne nouvelle aussi côté consommation. Tous les produits importés deviennent moins chers, et de façon non négligeable vu l'ampleur de la hausse du franc suisse.
Voilà pour le côté positif. Les aspects négatifs sont aussi nombreux. «Ce que la BNS provoque là, c'est un tsunami», a déclaré Nick Hayek, le patron de Swatch Group. «Aussi bien pour l'industrie d'exportation que pour le tourisme, mais également pour l'ensemble de la Suisse», a-t-il poursuivi. L'association patronale Economiesuisse a fait part de ses inquiétudes, jugeant que cette mesure était «incompréhensible actuellement». Il est possible que «la monnaie helvétique reste forte au point que l'industrie exportatrice et le tourisme ne puissent pas s'adapter rapidement», a-t-elle fait valoir.
«Montres, chocolats, médicaments, fromages, pigments chimiques ou engrais mais aussi stations de ski, compagnies aériennes ou services: qui va souffrir le plus de la fin du taux plancher entre le franc suisse et l'euro?», s'interroge le journal économique suisse Bilan qui rappelle que 55% des exportations suisses, mais aussi 73% des importations se font avec l'UE.
Le magazine fait la liste des victimes potentielles parmi les rois du «swiss made». On y trouve bien sûr l'horlogerie, la pharmacie, la chimie, la machine-outil, mais aussi le chocolat et le fromage (dont on a vu qu'il s'exportait bien, en Russie notamment). Sans parler du tourisme. A titre d'exemple, le Guardian a calculé que le forfait pour un week end de ski dans la très chic station valaisane de Verbier, dont les Anglais sont très friands, allait passer de 290 livres à 400...
Conséquences en Europe
Conséquence indirecte de la décision de la BNS, tous les emprunts rédigés en francs suisses se retrouvent plus chers à rembourser. La décision suisse a ainsi levé un vent de panique en Pologne où quelque 700.000 ménages détiennent des crédits immobiliers libellés en devise helvétique, le zloty décrochant de près de 20% face au franc. Même conséquence en Hongrie.
En France, des collectivités territoriales pourraient être affectées. Celles qui ont contracté «des emprunts -très répandus durant les années 2000- dont le taux d'intérêt est indexé sur l'évolution de la parité euro/franc suisse», rappelle La Tribune qui parle d'une facture qui se chiffrerait en milliards...
Plus anecdotique, un courtier spécialisé dans les transactions sur les monnaies s'est retrouvé en difficulté. D'autres acteurs sur les marchés sont en position délicate à la suite de cette décision surprise.
En revanche, les frontaliers se frottent les mains. Ils seraient, côté français, environ 140.000 à travailler en Suisse. Ils ont vu leur salaire, déjà assez élevé, croître de près de 30%... tout en vivant en France.
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