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Du tyran infanticide au guerrier humilié : la folle vie de Richard III, roi d'Angleterre

Plus de cinq siècles après sa mort sur le champ de bataille et trois ans après la découverte de son squelette sous un parking, le souverain le plus détesté d'Angleterre reçoit enfin des funérailles royales.

Article rédigé par Camille Caldini
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Reconsitution du visage de Richard III, à partir de son crâne retrouvé en 2012, exposée lors d'une conférence de presse, à Londres, le 5 février 2013. (ANDREW WINNING / REUTERS)

Richard III, roi, moche et méchant ? Sa vie a inspiré à Shakespeare l'une de ses œuvres majeures et son histoire sanglante a nourri la saga Le trône de fer de George R.R. Martin. Le souverain conspué, humilié, moqué, reçoit des funérailles royales, jeudi 26 mars, à Leicester, au cœur de l'Angleterre. Une cérémonie très attendue par des milliers de Britanniques qui se pressent pour rendre hommage au monarque le plus détesté du royaume.

Depuis dimanche, les restes du monarque sont promenés sur un corbillard tiré par des chevaux, aux alentours de Leicester. Jusqu'à jeudi, il est exposé au public, et il a fallu empêcher plusieurs fans de prendre des selfies devant le cercueil en chêne, raconte le Mirror (en anglais). Des scènes bien éloignées des dernières heures de Richard III, mort en août 1485 sur le champ de bataille de Bosworth. Francetv info remonte le fil de l'histoire.

Le "roi du parking" était un bon vivant

La légende racontait que sa dépouille avait été déterrée et jetée dans une rivière par la foule en colère, et nombre d'historiens avaient abandonné l'espoir d'en retrouver la trace. Jusqu'en 2012, quand les spécialistes de la Richard III Society et l'université de Leicester entreprennent d'ambitieuses fouilles archéologiques. Sous un parking du centre-ville, où se trouvait le monastère de Greyfriars, ils déterrent un squelette à la colonne vertébrale scoliotique et au crâne défoncé. Seuls les pieds manquent, et tout semble indiquer qu'il s'agit bien de Richard III, désormais "roi du parking".

Sur cette photo du squelette de Richard III, apparaissent nettement la scoliose et le crâne fendu au combat. (UNIVERSITY OF LEICESTER / AFP)

Les ossements dévoilent les petits secrets du roi. Les dents de Richard III trahissent son goût pour les banquets et les mets de luxe, et l'état de ses os indique aussi un penchant pour la bouteille, à partir de son arrivée sur le trône, en 1483, selon l'étude publiée par le Journal of Archeological Science (en anglais). Quant à son ADN, s'il confirme son identité, il révèle aussi une "rupture", c'est-à-dire une infidélité, dans l'arbre généalogique de Richard.

Mort au combat, sans offrir "son royaume pour un cheval"

Mais il n'est pas exactement le monstre bossu au bras atrophié décrit par Shakespeare. Certes, ses vertèbres sont déformées et sa colonne tordue le faisait vraisemblablement paraître plus petit qu'il n'était (il mesurait environ 1m70). Son épaule gauche était aussi un peu plus basse que la droite, mais ses deux bras sont bien de la même taille. Et son visage, reconstitué à partir de son crâne, n'aurait pas été aussi moche que le dramaturge a voulu le faire croire. Trop tard, Richard III semble déjà avoir inspiré les créateurs de Shrek, pour le vilain personnage de Lord Farquaad.

Surtout, son squelette raconte sa mort violente, à Bosworth, où s'affrontèrent les York et les Lancaster, dans un assaut final qui mit un terme à la Guerre des Deux Roses et installa les Tudor sur le trône. Se battant jusqu'à la mort, Richard III n'a jamais proposé d'échanger "son royaume pour un cheval", contrairement à ce qu'écrit Shakespeare. Il tombe après un coup de hallebarde qui ouvre son crâne. Ses os portent encore d'autres traces de combat et une entaille dans son bassin rappelle qu'un humiliant poignard lui a percé la fesse droite, alors que son corps inerte et dénudé était transporté jusqu'au centre de Leicester par ses ennemis.

L'infanticide jamais prouvé, ni pardonné

Et ils étaient nombreux, ceux qui détestaient "Richard l'usurpateur". Et pour cause, sans un violent coup d'Etat, détaillé par France 3 Nord-Pas-de-Calais, il ne serait jamais devenu Richard III. Fidèle lieutenant de son frère, le roi Edouard IV, tout au long de son règne, il change de visage à l'heure de la succession. En juillet 1483, trois mois après la mort d'Edouard IV, Richard, alors simple duc de Gloucester, élimine tous ses rivaux pour usurper le trône d'Angleterre, censé revenir à son neveu, Edouard V, âgé de seulement 12 ans.

Pour cela, il aurait enfermé l'enfant et son petit frère dans la Tour de Londres, avant de les faire étouffer dans leur sommeil. Ce crime ne lui a jamais été pardonné, bien que les partisans de sa réhabilitation, dont l'université de Leicester (en anglais), assurent qu'il n'existe aucune preuve de ce double infanticide. Mais ils n'expliquent pas pour autant la disparition des neveux et la découverte de deux squelettes d'enfants dans la tour dont l'ADN n'a jamais été analysé.

Des funérailles de "bon roi", sous le sceau d'Elizabeth II

Une fois en place, Richard III mate la contestation emmenée par le duc de Buckingham et d'anciens proches d'Edouard IV. Mais ses défenseurs vantent aujourd'hui un roi généreux et juste. Phil Stone, président de l’association Richard III, cité par La Croix évoque "un homme intègre qui se préoccupait de ses sujets et avait leur confiance. Souvenons-nous du roi Richard III. Le bon roi. Le roi guerrier !" L'association rappelle sur son site que son bon roi "a tenté d'étendre l'accès à la justice à tous, y compris les pauvres et les faibles", notamment en imposant la traduction en anglais des lois, rédigées en latin, afin qu'elles soient lisibles par le plus grand nombre. Ils lui attribuent même le concept de présomption d'innocence.

C'est peut-être ce qui explique pourquoi la reine Elizabeth II a apposé son sceau royal pour autoriser les funérailles du "roi du parking". Elle a également rédigé un hommage, afin de reconnaître l'importance du dernier des Plantagenêt dans l'histoire du royaume. Richard n'obtient pas pour autant les honneurs de Westminster. Et la Reine, plutôt liée aux Tudor, ne se rendra pas elle-même à la cérémonie, précise le Telegraph. Enfin, tous les Britanniques ne sont pas enchantés par ces funérailles en grande pompe. Dans le Guardian, l'éditorialiste Charlie Brooker se moque de Richard III ("qui rime avec caca", selon lui), "cette diva, qui a besoin de deux enterrements", alors que l'heure est à l'austérité au Royaume-Uni.

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